La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
Шрифт:
— Portez cela, Bouzille, h^atez-vous. Juve doit ^etre au ch^ateau de Garros. En tout cas, il n’est certainement pas loin. Dites-lui que, moi, je pars imm'ediatement au phare.
Deux minutes plus tard, tandis qu’Anselme Roche se dirigeait vers la gare, Bouzille, souriant aux anges et faisant joyeusement tinter dans sa poche l’argent qu’il venait d’extorquer, se dirigeait vers le petit pavillon d'esert pr`es duquel il avait tendu ses collets.
— Tout ca, pensait Bouzille, c’est pas des raisons pour que je ne dise pas un mot aux lapins, aux li`evres, ou aux faisans de l’endroit.
Or, Bouzille, en arrivant au pavillon, tout naturellement, allait se pencher au soupirail qui lui avait servi `a faire 'evader jadis Martial Altar`es.
Bouzille n’avait pas jet'e un regard dans la cave, qu’il s’arr^etait muet de stup'efaction. Dans cette cave, il y avait deux personnes, deux prisonniers, qui n’'etait autres que Backefelder, enferm'e l`a par Juve, et Delphine Fargeaux, incarc'er'ee par Fant^omas. Bouzille, qui ne pouvait se douter de ce qui s’'etait pass'e `a Garros, se demanda, avec une terreur soudaine s’il n’'etait pas devenu fou. `A peine, en effet, les deux prisonniers l’eurent-ils apercu que d’un commun accord, ils le suppli`erent de les remettre en libert'e.
— Ah mais, ronchonna Bouzille, ca commence `a devenir ennuyeux cette histoire-l`a. Maintenant, je passe mon temps `a remettre des gens en libert'e. D’abord, comment se fait-il que vous soyez l`a ?
Parlant en m^eme temps, se bousculant presque, Backefelder et Delphine Fargeaux racont`erent leur histoire `a Bouzille :
— Faites-moi sortir, disait l’Am'ericain, Madame est charmante, mais j’aimerais bien me promener un peu `a l’air libre.
— Sauvez-moi, hurlait Delphine Fargeaux, si Fant^omas revient je suis s^ure qu’il me tuera.
— Je ne comprends pas, dit Bouzille, toujours pench'e au soupirail, comment il se fait, si ce que vous me dites est vrai que Fant^omas a enferm'e Mme Fargeaux dans la cave o`u Juve avait enferm'e un monsieur. Ca c’est des mensonges que vous me racontez ?
— Non, non r'epondit la jeune femme en sanglotant, croyez-nous, c’est bien la v'erit'e. M. Backefelder s’est cach'e quand Fant^omas est venu et Fant^omas ne l’a point vu, voil`a tout. Sauvez-nous, sauvez-nous, par piti'e ! Nous avons de l’argent. Nous vous en donnerons.
Bouzille, d'ej`a, revenait `a de meilleurs sentiments.
— Vous avez de l’argent ? H'e h'e, c’est int'eressant. Dites voir, combien avez-vous ?
Delphine Fargeaux passa `a Bouzille une petite bourse en or que le chemineau soupesa, avec une 'evidente satisfaction.
— Oh, oh, dit-il, il y a l`a-dedans trois louis. Bon, je ne suis pas plus mauvais qu’un autre. M^eme `a l’occasion, je suis honn^ete. Je n’en prends qu’un ma petite dame, je vous rends les deux autres.
— Prenez tout, prenez tout, mais d'ep^echez-vous de nous faire sortir.
— Et votre compagnon ? votre amoureux ? Il m’a rien donn'e lui.
Backefelder n’avait sur lui que du papier-monnaie.
— Ah non, protesta Bouzille, ca j’en veux pas ! la Banque de France n’a pas confiance en moi, je ne vois pas pourquoi j’aurais confiance en elle. Voyons, vous avez bien vingt ronds ?
Backefelder, en effet, en fouillant dans ses poches, trouva de la menue monnaie.
Bouzille sauta dessus, puis, satisfait, calculant qu’il avait fait une excellente journ'ee, il s’occupa `a faire sortir de la cave les deux prisonniers. On se souvient du barreau descell'e.
`A peine Backefelder et Delphine Fargeaux 'etaient-ils dehors que Bouzille les interrogea `a son tour :
— Et comme ca, demandait-il, un service en vaut un autre, vous savez probablement o`u est Juve, Monsieur Backefelder ? Dites~le moi ?
Mais Backefelder avait 'eclat'e de rire. Et la r'eponse qu’il fit `a Bouzille n’avait certainement pas 'et'e pr'evue par le chemineau :
— Toute peine m'erite salaire, d'eclara avec flegme l’Am'ericain, vous m’avez fait payer pour me sortir de la cave, donnez-moi, vous aussi, de l’argent, et je vous dirai o`u est Juve.
Bouzille atterr'e, parlementa, raisonna, accumula les mal'edictions, mais l’Am'ericain que la sc`ene amusait, tint bon :
— Donnez-moi cent sous, mon cher Monsieur, r'ep'etait-il inlassablement, et je vous dis o`u est Juve.
Contraint et forc'e, Bouzille s’ex'ecuta.
— Voil`a cinq francs, d'eclara avec regret le chemineau. Si vous voulez, M. Backefelder, vous vous associerez avec moi. Vous avez le sens du commerce. Enfin, passons. O`u est Juve ?
L’Am'ericain haussa les 'epaules :
— Je ne sais pas. Il n’est pas l`a en tout cas, il n’est pas `a Garros non plus, peut-^etre est-il sur un bateau, et ce bateau est peut-^etre sur la mer. Cherchez et vous trouverez.
Sur cette r'eponse 'enigmatique, Backefelder, laissait Bouzille tout d'econtenanc'e, et offrait galamment son bras `a Delphine Fargeaux :
— Je crois, Madame, que nous ferions mieux de nous 'eloigner d’ici, voulez-vous venir avec moi ?
Delphine Fargeaux, d'ej`a, avait rajust'e ses cheveux, pris un sourire aimable, elle r'epondit en jetant au millionnaire une oeillade incendiaire :
— Je veux bien, Monsieur. Avec plaisir.
26 – LA GARDIENNE DU FEU
Mais Fandor, qu’'etait-il donc devenu ? Depuis le pillage de l’express, dans la for^et embras'ee, avait-il 'et'e mis `a mort par la bande de Fant^omas ?
Le journaliste, lorsqu’il s’'etait vu brutalement jet'e dans le poussier garnissant le tender de la locomotive, avait bien pens'e, en effet, vivre les derni`eres minutes de sa malheureuse existence :
— Je suis fichu, se disait Fandor avec cette philosophie r'esign'ee qui lui 'etait particuli`ere, ca devait m’arriver et par cons'equent cela ne m’'etonne pas, mais tout de m^eme je regrette une chose, c’est qu’ayant les yeux pleins de charbon, je ne peux pas voir la facon dont on va m’exp'edier dans l’autre monde.
Fandor, d’ailleurs, devait ^etre rapidement satisfait. S’il d'esirait apercevoir ses agresseurs, il n’eut pas longtemps `a attendre, non seulement pour les regarder, mais encore pour les reconna^itre.
Une secousse brutale l’arracha au tas de charbon. On lui lia les mains et les pieds. On le bourra `a coups de poing, on le b^aillonna et ceux qui agissaient ainsi n’'etaient autres qu’OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz, dirig'es par le Bedeau lui-m^eme, c’est-`a-dire le principal lieutenant de Fant^omas.