La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Tout cela 'etait fort exact, mais ne comportait pas, h'elas, de bien certaines cons'equences pratiques. J'er^ome Fandor pouvait avoir devin'e qu’il 'etait dans un phare et pouvait bien encore d'ecider qu’il allait en sortir, tout ceci ne l’avancait gu`ere. Les murailles 'etaient solides et J'er^ome Fandor avait beau se meurtrir les poings en y appliquant de furieux coups, il ne pouvait que se convaincre de l’inutilit'e de ses efforts.
Bient^ot J'er^ome Fandor concut une nouvelle crainte fort l'egitime, dans les circonstances particuli`eres o`u il se trouvait.
— Ah c`a, se demanda-t-il, suis-je destin'e `a crever de faim ? Va-t-on me laisser mourir d’inanition ? Zut, je connais ce genre de mort. Sous les fontaines chantantes, j’ai d'ej`a go^ut'e `a ce genre de torture. Je ne tiens pas du tout `a recommencer.
Il allait protester, hurler, appeler au secours, lorsque pr'ecis'ement, un bruit de pas se produisit au-dessus de sa t^ete, et qu’il eut la surprise d’entendre une voix de femme qui semblait provenir du plafond et qui lui disait :
— Tendez la main. Voici de la viande, du pain, je vous passe une bouteille de vin aussi.
Fandor, de surprise, en oublia tout son ressentiment.
— Vous ^etes bien honn^ete, Madame, cria-t-il, mais si cela ne vous fait rien, je voudrais bien m’en aller. Qui ^etes-vous ? O`u suis-je ? Que me veut-on ?
Ses questions rest`erent sans r'eponse, la visiteuse s’'eloignait. J'er^ome Fandor attaqua, d’une dent affam'ee, les provisions qu’on venait de lui passer.
Son app'etit satisfait, J'er^ome Fandor, naturellement recommenca, `a examiner minutieusement la prison o`u il se trouvait et les ballots qui y 'etaient enferm'es avec lui.
Une chose le pr'eoccupait surtout :
Comment 'etait-il entr'e dans cette pi`ece ? comment lui avait-on pass'e le d^iner qu’il venait d’absorber ?
Mettre des caisses les unes sur les autres pour se faire une sorte de pyl^one, grimper sur ces caisses, c’'etait pour Fandor une besogne ais'ee. Le journaliste reconnut qu’au centre du plafond de sa cave, se trouvait une trappe form'ee par une grille aux barreaux assez espac'es. C’'etait `a travers ces barreaux qu’on lui avait gliss'e les provisions. La trappe n’avait d^u s’ouvrir qu’au moment o`u on l’avait introduit dans la cave et Fandor reconnut vite que la grille qui la fermait 'etait assez solide pour qu’il f^ut parfaitement chim'erique d’essayer de l’arracher et de passer au travers.
— C’est assommant, grommela le journaliste en redescendant du haut de son 'echafaudage, je suis exactement dans la situation d’un serin jaune des Canaries. On m’a enferm'e dans une cave et l’on me passe `a manger `a travers les barreaux. Charmant s'ejour pour un journaliste. Fant^omas doit bien se payer ma t^ete. C’est vexant.
Fandor, apr`es avoir grommel'e, avoir minutieusement parcouru sa cellule en tous sens, d'ecida qu’il n’avait rien de mieux `a faire qu’`a se coucher pour prendre un peu de repos.
— Dormons, la nuit porte conseil. C’est le cas ou jamais d’en faire l’exp'erience.
Fandor dut dormir longtemps, dormir en toute tranquillit'e, sans avoir le moindre cauchemar, car, lorsqu’il se r'eveilla, il se sentit parfaitement repos'e, frais et dispos.
— Dommage, pensait-il, tout en s’asseyant sur son s'eant et en v'erifiant qu’il lui restait encore quelques cigarettes dans sa poche, dommage que je ne puisse pr'evenir Juve que j’ai d'ecouvert un tel lieu de repos. Je ne doute pas que mon excellent ami, d^ument averti, ne vienne y faire une cure de sant'e.
Tirant une cigarette, J'er^ome Fandor allait l’allumer lorsque, brusquement, il s’abstint de le faire, ayant eu une pens'ee qu’il appelait lui-m^eme, lumineuse.
— Je suis un cr'etin, songeait Fandor, puisque j’ai une allumette et que j’en ai m^eme plusieurs, puisque je poss`ede une bo^ite de tisons, toute neuve, il s’agit d’en tirer parti.
Fandor, sans faire de bruit, grimpa au sommet de l’'echafaudage qu’il avait constitu'e la veille au soir. L`a, il eut la patience de demeurer debout pendant de longues heures, approchant son visage autant qu’il le pouvait de la grille de la trappe :
Que voulait faire Fandor ?
Son plan 'etait simple.
— Puisqu’on m’a donn'e de quoi manger hier soir, supputait le jeune homme, il est probable qu’on m’accordera encore une pitance quelconque aujourd’hui. Je suis dans le noir et je ne peux pas apercevoir mon ge^olier, mais j’ai des allumettes, ce dont il ne se doute pas.
Quand on viendra, je craquerai l’un de mes tisons, je verrai la t^ete de cet individu, ce sera toujours une satisfaction.
Le raisonnement 'etait juste et, apr`es de longues heures d’attente, J'er^ome Fandor eut le plaisir en effet d’entendre quelqu’un s’approcher de la grille.
— Monsieur, commenca la voix qui lui avait d'ej`a parl'e, la voix de femme.
Fandor ne r'epondit pas.
— Monsieur, continuait-on, voici votre d'ejeuner.
— Crac.
Fandor venait d’enflammer une allumette tison. Or, dans l’aur'eole que dessinait la mince petite flamme, J'er^ome Fandor apercut, tr`es distinctement, le visage de la femme qui se penchait sur la grille.
Et c’'etaient deux cris, deux cris de surprise qui jaillissaient dans le phare :
— Lady Beltham !
— J'er^ome Fandor !
Fandor, qui se br^ulait les mains consciencieusement, se h^ata de craquer une autre allumette, mais d'ej`a sa ge^oli`ere avait disparu.
Le journaliste ne pouvait que s’emporter d’une col`ere soudaine :
— Lady Beltham, hurla-t-il, ah, j’aurais d^u m’en douter, c’est lady Beltham qui est ma gardienne. C’est bien cela. Plus de doute, je suis aux mains de Fant^omas. Bougre de bougre, me voil`a frais.
Et il cria plus fort :
— Lady Beltham ? Lady Beltham ? Venez, j’ai `a vous parler.
Fandor cria longtemps. Il allait cesser d’appeler, 'epuis'e, lorsque la ma^itresse de Fant^omas r'eapparut enfin.
La grande dame, blanche comme un linge, tremblante, effar'ee, entra dans la pi`ece situ'ee au-dessus de la prison de Fandor. Elle avait des gestes d’automate, et Fandor ne pouvait s’emp^echer de penser en lui-m^eme :
— Dieu, qu’elle est belle et comme elle para^it malheureuse.
Lady Beltham, en effet, ayant 'et'e reconnue par le journaliste, ne prenait plus la peine de se cacher. Elle tenait une lampe dont la lumi`ere aveuglait Fandor. S’approchant de la grille, elle lui dit d’une voix qui tremblait ;