La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Mademoiselle, vous ferez bien attention `a ce contrat d’assurance. Il y a un proc`es d’engag'e et on en donnerait bien cinquante mille francs. Je le laisse sur mon bureau…
Puis, Herv'e Martel sortait du cabinet de travail, o`u restaient seuls les deux inspecteurs.
L'eon et Michel s’efforcaient en effet d’inciter le voleur invisible `a recommencer devant eux la manoeuvre qui lui avait permis de r'eussir auparavant.
L'eon et Michel se rendaient bien compte qu’il 'etait impossible que titres ou billets eussent disparu tout seuls. Esprits rassis, d’autre part, ils ne voulaient pas admettre une explication spirite, l’hypoth`ese d’une maison hant'ee, et par cons'equent, ils 'etaient amen'es `a imaginer l’intervention d’un homme, celui `a qui ils offraient un app^at aujourd’hui. Mais rien n’avait mordu encore.
— Michel ?
— Quoi donc mon vieux ?
— Ca ronfle de plus en plus fort.
— Ah bougre de nom d’un chien, c’est curieux tout de m^eme.
***
`A onze heures, les deux inspecteurs 'etaient encore dans le cabinet de travail et rien ne s’'etait pass'e.
— L'eon ?
— Michel ?
— Avez-vous senti ?
— Non. Rien du tout.
— Peut-^etre que je me suis tromp'e ?
— Vous avez remarqu'e quoi ?
— Un peu de vent.
— C’est curieux.
Or, soudain, L'eon 'etendit le bras, et Michel en suivant la direction de son index point'e, parut soudain au comble de la surprise.
Ce que voyaient les deux inspecteurs 'etait cependant peu de chose, mais ce peu de chose… Au centre m^eme de la pi`ece, pr`es du bureau d’Herv'e Martel, se trouvait un f'etu de paille, probablement tomb'e de quelque balai, de quelque plumeau. Ce f'etu de paille s’'etait redress'e, comme si une force myst'erieuse lui avait pr^et'e la vie. Le f'etu de paille roulait sur lui-m^eme, allait, venait. `A un moment donn'e, il parut s’'elever en l’air, et comme emport'e par un tourbillon, puis il retomba, resta immobile tout `a coup.
— Qu’est-ce que cela veut dire ?
— Ma foi, je me le demande.
Ils n’en dirent pas plus. Le f'etu de paille recommencait `a s’agiter. Quittant le tapis, il alla jusqu’au marbre de la chemin'ee, avancant en roulant sur lui-m^eme, en sautillant, restant immobile de longs instants puis pr'ecipitant sa course. Lentement Michel sortit de sa cachette. Puis L'eon. `A genoux, l’air grave, les deux inspecteurs surveill`erent longuement les d'eplacements de ce f'etu de paille, qui maintenant sur le marbre de la chemin'ee, glissait comme un brin de paille secou'e par la temp^ete.
— L'eon ?
— Michel ?
— Vous n’avez pas senti cette fois ?
— Non. Rien du tout.
— Je vous assure qu’il y a un courant d’air. Un appel d’air.
L'eon, pour s’en assurer mouilla un doigt, le tendit. En effet, son coll`egue avait raison.
Un l'eger courant d’air semblait na^itre dans le cabinet de travail, sans qu’il f^ut possible d’identifier dans quel sens il se produisait. Portes et fen^etres 'etaient ferm'ees.
Or, dans la coupe de cristal qui servait de cendrier `a Martel, des allumettes, comme anim'ees d’une vie myst'erieuse, s’'etaient soudain pr'ecipit'ees, avaient voltig'e jusqu’`a la chemin'ee. Impossible de s’y tromper, L'eon et Michel, tr`es nettement, cette fois-ci, avaient senti un courant d’air assez violent, assez brusque.
— Ma parole, commenca Michel, il y aurait r'eellement de quoi se demander si des esprits ?
Mais il n’acheva pas.
Sur la petite table o`u Herv'e Martel, sur leur conseil, avait d'epos'e la liasse des dix faux billets de banque, un nouveau ph'enom`ene. La liasse semblait anim'ee, elle aussi, d’une vie bizarre. Avec un froissement l'eger, les billets de banque suppos'es palpitaient, frissonnaient, s’agitaient. D’abord, ils ne d'ecrivirent que de petits mouvements. La liasse sautilla en quelque sorte sur la table, puis ce fut une chose rapide et que les deux inspecteurs eurent `a peine le temps de noter, la liasse glissa d’un m`etre au moins sur la tablette cir'ee.
— Par exemple, cria Michel, voil`a que tout commence `a d'em'enager.
Et une joie s’emparait du brave inspecteur, `a la pens'ee que peut-^etre le pi`ege tendu allait se refermer.
Malheureusement, apr`es avoir gliss'e, la liasse des faux billets de banque s’arr^eta brusquement. Les billets, eux-m^emes, ne frissonnaient plus. Rien ne bougeait dans la pi`ece.
L'eon et Michel attendirent un instant et, aussit^ot, L'eon grinca des dents. Coupant net la parole `a L'eon, un soupir, un v'eritable soupir s’'eleva dans la pi`ece. On e^ut dit qu’un g'eant, car le soupir 'etait bruyant, avait baill'e sans se contraindre. L'eon et Michel fronc`erent les sourcils. Ils 'etaient seuls 'evidemment dans le cabinet d’Herv'e Martel et, cependant, au bruit qu’ils venaient d’entendre, ils avaient l’impression que quelqu’un 'etait l`a, pr`es d’eux, quelqu’un qu’ils ne voyaient pas, quelqu’un qui allait agir. 'Etait-ce bien quelqu’un pourtant ? 'Etait-ce quelqu’un qui avait soupir'e ?
Nouveau silence.
L'eon et Michel qui, en entendant le soupir, avaient machinalement tourn'e la t^ete, inspect`erent le cabinet de travail, en tous sens, regardaient une fois encore dans la direction de la petite table.
Et alors, L'eon poussa un juron formidable, en m^eme temps qu’il se relevait, qu’il s’'elancait, sans plus prendre la peine de ne pas faire de bruit.
— Ah cr'edibis`eque de cr'edibis`eque, les billets ont foutu le camp.
Sur la petite table, en effet, plus trace de billets. Le temps de tourner la t^ete, les faux billets de banque avaient disparu, volatilis'es.
Ils fouill`erent, ils scrut`erent, ils d'em'enag`erent, ils renvers`erent, ils mirent sens dessus dessous, ils se lament`erent. Et puis, brusquement, L'eon, parut furieux.
— Taisez-vous, Michel, taisez-vous.
Impressionn'e, Michel ob'eit, se tut, immobile.
— Vous n’entendez rien ?
— Rien.
— Si, un froissement de papiers ?
— Vous vous trompez, L'eon.
— Non, 'ecoutez mieux.
L'eon ne se trompait pas. Il y avait en effet, dans la pi`ece, `a un endroit qu’il 'etait difficile malheureusement de d'efinir, quelque chose ou quelqu’un, – mais quelqu’un, on l’aurait vu, – qui s’agitait avec lenteur.
On entendit un bruit, un bruit l'eger, un bruit que L'eon avait parfaitement d'efini comme un froissement de papier.
— Cr'e nom d’un chien dit Michel, nos billets qui s’en vont.
L'eon, `a ce moment, 'etait debout devant la chemin'ee.
Il lui semblait que le bruit avait sa source tout pr`es de lui. Et pourtant, il ne voyait rien, absolument rien qui lui par^ut de nature `a le produire. Sur la chemin'ee, des bibelots 'etaient dispos'es, une pendule, arr^et'ee n’offrait rien d’extraordinaire, des cand'elabres dont les bougies s’ornaient d’abat-jour minuscules n’apparaissaient pas suspects.
Or tandis que L'eon consid'erait cette garniture de chemin'ee, il lui vint soudain `a l’id'ee que peut-^etre, sous la tablette de velours recouverte d’une dentelle dont les franges tr`es longues d'ebordaient, il pouvait y avoir quelque chose d’int'eressant.
L’inspecteur se pencha. Il colla l’oreille `a la tablette de la chemin'ee. Le bruit, le bruit soyeux de papiers froiss'es, le bruit qui persistait, devait se produire tout pr`es.
— Michel, regardez bien `a droite de la chemin'ee, je vais surveiller `a gauche, cria L'eon.