Чтение онлайн

ЖАНРЫ

La mort de Juve (Смерть Жюва)
Шрифт:

— Ca ne vaut pas une baignoire laqu'ee blanc, murmura-t-il, mais enfin, il faut se contenter de ce qu’on a.

Le journaliste, d'elib'er'ement, sauta dans le tonneau. C’est en claquant des dents, en frissonnant au vent de la nuit qu’il en ressortit, tremp'e des pieds `a la t^ete.

— Et maintenant, se d'eclarait-il, rappelons-nous cet excellent Marin Premier, que nous avons eu l’occasion d’applaudir au temps de notre jeunesse dans les somptueuses ar`enes de Mugron quand il se payait superbement la t^ete des vaches landaises.

J'er^ome Fandor, tout en riant, avancait de quelques pas, vit un 'enorme tas de pl^atras provenant d’un 'eboulis de maconnerie, qui s’'etait produit dans la grande muraille. Soigneusement il pi'etina un pl^atras, le r'eduisit en poudre. Et quand il eut obtenu un tas de poussi`ere blanche, le plus tranquillement du monde, il en ramassa par poign'ees, en saupoudra ses v^etements mouill'es. Le pl^atre adh'erait naturellement aux 'etoffes tremp'ees d’eau. En un quart d’heure J'er^ome Fandor se rendit m'econnaissable. Il en sortit v^etu de blanc, comme un vrai Pierrot, sous la lumi`ere blafarde de la lune. J'er^ome Fandor, qui cependant avait au coeur une indicible angoisse, qui se rendait parfaitement compte qu’il allait affronter une mort terrible en n’ayant pour la vaincre qu’une chance infime, s’'ecria :

— Je plaignais mon complet tout `a l’heure pour les trois trous que je lui avais fait, je crois que maintenant, apr`es la poudre de riz dont je viens de me servir, il sera d'ecid'ement bon `a mettre de c^ot'e pour ^etre offert `a Bouzille. Si jamais je retrouve Bouzille.

Le journaliste s’'etant consciencieusement saupoudr'e, alla qu'erir une 'echelle, l’appuya contre le mur, franchit celui-ci :

— Les fauves ne sont pas loin, dit-il, gare `a la manoeuvre.

J'er^ome Fandor, en effet, n’avait pas avanc'e de quelques m`etres dans l’all'ee d'eserte conduisant au ch^ateau, qu’il distingua maintenant distinctement, au clair de lune, un 'enorme lion accourant au galop vers lui.

— Celui-l`a, monologua Fandor, il doit s’appeler C'esar. Il a une t^ete `a ca.

Et tandis que le lion arrivait, J'er^ome Fandor s’immobilisait dans une pose 'etrange, un sourire sur les l`evres, l’oeil fixe, les bras arrondis en un geste gracieux, dans la pose classique du joueur de fl^ute d’Antino'e. Le lion approchait toujours.

Plus mort que vif, J'er^ome Fandor ne bougeait pas. Alors, la b^ete f'eroce s’arr^eta, demeura immobile un instant, pr^ete `a sauter `a la gorge de l’homme, puis soudain, le lion poussa un grognement, sa longue queue fouailla ses flancs, et c’'etait `a un petit trot paisible qu’il continua d’avancer.

J'er^ome Fandor avait eu une extraordinaire inspiration en se roulant dans le pl^atre. Il s’'etait souvenu de l’extraordinaire audace dont avait jadis fait preuve un 'ecarteur devenu fameux dans les populations landaises. Fandor, tout jeune homme, alors qu’il 'etait encore Charles Rambert, avait assist'e `a des courses landaises donn'ees `a Mugron, petit village des environs de Saint-Sever. Il y avait vu le fameux Marin Premier et avait 'et'e frapp'e d’un de ses tours de force. Marin Premier, tout de blanc habill'e, descendait dans l’ar`ene, 'ecartait une premi`ere fois, par une passe savante et rapide, une vache sauvage foncant `a tout galop sur lui, puis, alors que la b^ete revenait, folle de rage, les cornes en avant, il sautait sur un socle de bois, prenait une pose de statue, restait immobile. Et alors, fr'emissante, mais dompt'ee, tandis que l’assistance haletait devant le drame qui paraissait in'evitable, la vache, lanc'ee `a fond de train sur la fausse statue, se campait sur ses quatre pattes, labourait le sol, s’arr^etait net devant le pierrot et s’'eloignait, calm'ee.

— Pourquoi, diable, s’'etait dit J'er^ome Fandor, pourquoi diable, les lions ne se laisseraient-ils pas prendre `a une ruse qui abuse les vaches sauvages ? Il est vrai que les lions sont les rois des animaux, mais les rois sont souvent imb'eciles. Essayons.

Il avait essay'e. Une premi`ere fois, gr^ace `a sa ruse, gr^ace `a l’immobilit'e absolue qu’il avait su conserver, il avait 'echapp'e au lion, mais voil`a qu’il 'etait `a nouveau en pr'esence d’une b^ete f'eroce, voil`a que c’'etait une panth`ere qui lui barrait la route, une panth`ere dont les chaudes prunelles s’allumaient de convoitises.

— Bougre de bougre, se r'ep'etait Fandor, pendant les quelques secondes o`u la b^ete le d'evisageait, bougre de bougre, il y a quelque chose `a quoi je n’avais pas song'e, c’est que mon 'epaule et ma jambe saignent. Si le minet s’en apercoit, je suis s^ur de passer `a l’'etat de souris.

La panth`ere pourtant, apr`es avoir galop'e, ne marchait plus qu’`a pas lents. Son 'echine souple avait des ondulations tra^itresses, son ventre rasait le sol, sa t^ete oscillait lentement, elle reniflait.

— Allons, saute, b'eb'e, pensait Fandor, dont le coeur battait `a grands coups. Si tu dois m’ouvrir la gorge, j’aime encore mieux que tu fasses vite.

Son voeu n’'etait pas formul'e, que la panth`ere, ramass'ee sur elle-m^eme, se d'etendait soudain, elle sauta `a la gorge du journaliste.

— Fichu, se dit Fandor.

Mais, tandis que le corps souple de l’animal d'ecrivait une courbe gracieuse, Fandor qui se roidissait terriblement pour ne pas s’enfuir, pour demeurer immobile, crut voir la panth`ere donner un coup de rein comme si elle e^ut voulu l’'eviter. La b^ete avait-elle 'et'e frapp'ee tout d’un coup par la rigidit'e du gibier ? Fandor fut fr^ol'e seulement par les pattes du f'elin. 'Ebranl'e, il tomba. Il eut encore le sang-froid de tomber sans quitter sa pose, de tomber d’un seul bloc, comme tombe une chose, comme tombe une statue.

Et la panth`ere s’'eloigna.

Quelques secondes plus tard, J'er^ome Fandor se releva. Une course insens'ee le transporta sur le perron monumental du ch^ateau de Saint-Martin, Allait-il l’atteindre ? Devrait-il une fois encore tenter la p'erilleuse aventure de la fausse statue ? Et si la porte du ch^ateau 'etait ferm'ee, s’il ne pouvait p'en'etrer dans la demeure ?

L’all'ee que suivait Fandor d'ebouchait devant une grande pelouse occupant toute la largeur de la facade de l’habitation. Fandor 'etait `a peine `a moiti'e de cette pelouse qu’il entendait derri`ere lui un galop terrible. Sans doute, il s’'etait relev'e trop vite et il avait fait trop de bruit.

Il resta une cinquantaine de m`etres. Il les franchit `a une allure de champion olympique. Avant que la b^ete l’e^ut rejoint, il avait atteint le perron, il en escaladait les marches, il se jetait sur la porte d’entr'ee, il en saisissait la poign'ee. La porte 'etait ouverte. Fandor eut juste le temps de se glisser `a l’int'erieur de la demeure myst'erieuse et de claquer la porte sur lui. Le battant se refermait que, d’un bond prodigieux, la panth`ere venait se heurter rudement contre elle, puis retombait sur le sol avec un feulement furieux.

Fandor, d'ej`a, avait retrouv'e son sang-froid.

— Ca, ma petite, gouailla-t-il, tu peux gueuler si ca te fait plaisir, c’est toujours pas toi qui me mangeras, et ca c’est l’essentiel.

Fandor 'etait-il hors de danger ?

20 – LE PACTE AVEC

« LE MA^ITRE »

Fandor avait `a peine ferm'e la porte en esquissant un pied de nez, que d’autres pr'eoccupations lui faisaient oublier les dangers auxquels il venait d’'echapper :

Поделиться с друзьями: