Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Fant^omas vit tout cela en un clin d’oeil et d'ej`a imaginait la facon d’en tirer parti. En deux bonds il fut sur le m'ecanicien, l’agrippa au collet, le bouscula `a la renverse. Les voyageurs n’avaient pas encore eu le temps d’intervenir que Fant^omas avait saut'e sur la machine, qu’il manoeuvrait les leviers, lancait le m'ecanisme, d'emarrait rapidement.
— Nom de Dieu ! jura Fandor…
Vingt m`etres s'eparaient le journaliste du tram 'electrique ; il les franchit dans un galop effr'en'e, voulant essayer de s’accrocher `a la derni`ere voiture.
H'elas ! J'er^ome Fandor, une fois encore, devait arriver trop tard. Ce qu’il tentait 'etait mat'eriellement impossible, il ne put rejoindre le car 'electrique.
Que faire ? Un autre e^ut, 'evidemment, abandonn'e toute poursuite et renonc'e `a une lutte qui semblait devoir ^etre vaine.
L’id'ee d’une pareille l^achet'e ne vint m^eme pas `a la pens'ee de J'er^ome Fandor.
Pestant, jurant, regardant le car s’'eloigner, ne pr^etant m^eme pas attention aux clameurs qui s’'elevaient dans la gare, o`u l’alarme 'etait g'en'erale maintenant, J'er^ome Fandor r^ala cependant :
— Bon Dieu, il faut que je le rejoigne !…
Or, `a cet instant, Fandor se rappelait brusquement qu’il avait apercu quelques instants plus t^ot, dans la cour de la gare, une superbe automobile qui stationnait l`a, attendant 'evidemment son propri'etaire. Penser `a cette voiture et d'ecider de la prendre, de s’en servir pour donner la chasse au Ma^itre de l’'epouvante, c’'etait l’affaire d’un instant !
Le tram 'electrique n’avait pas disparu `a l’horizon que J'er^ome Fandor 'etait dans la cour de la gare, qu’il bondissait dans la voiture, donnait un tour de manivelle, sautait sur le si`ege, faisait un d'emarrage foudroyant.
Or, la voiture n’'etait pas vide. C’'etait un torp'edo `a quatre places, et, sur la banquette arri`ere, se trouvaient deux individus qui, `a l’apparition de J'er^ome Fandor, se dressaient brusquement, surpris `a bon droit, et hurlant de toutes leurs forces, cependant qu’un troisi`eme personnage, qui n’'etait autre que le m'ecanicien, s’accrochait `a la capote, se laissait tra^iner quelques instants, puis roulait sur le sol.
Mais J'er^ome Fandor n’avait rien vu de tout cela. Pench'e sur son volant, le pied crisp'e sur l’acc'el'erateur, il virait sur deux roues, escaladait un trottoir, renversait une charrette `a bras, et, dans le brouhaha formidable de l’'echappement libre ouvert, s’enfuyait `a toute allure.
Les voyageurs de la voiture cependant, cramponn'es au dossier de la banquette avant, hurlaient toujours :
— Arr^etez ! arr^etez ! criaient-ils.
J'er^ome Fandor fut brusque et cat'egorique.
— Zut, r'epondit-il. Collez-vous `a plat ventre dans votre tacot, ne bougez pas. Il y a des pruneaux `a recevoir, et c’est Fant^omas que nous avons en chasse. D’ailleurs, je vous expliquerai plus tard…
Ce n’'etait pas en effet le moment de s’attarder en grands discours.
Certes, J'er^ome Fandor se rendait bien compte qu’il venait d’emprunter d’une facon un peu brusque une automobile qui ne lui appartenait pas, mais il n’en avait gu`ere souci. Il agissait 'evidemment dans l’int'er^et public, et c’'etait sans doute le cas ou jamais de penser que la fin justifiait les moyens.
Par malheur, si J'er^ome Fandor ne pensait point renseigner autrement ses compagnons de route involontaires, ceux-ci ne l’entendaient pas ainsi. `A peine Fandor avait-il dit, en effet, qu’il chassait Fant^omas, que, faisant preuve d’une pusillanimit'e invraisemblable, ceux-ci se mettaient `a hurler comme de v'eritables d'ements.
J'er^ome Fandor, dans le vent de la course, n’y pr^eta pas grande attention.
Il 'etait sorti de la ville d’Anvers. Sa voiture, lanc'ee `a plus de quatre-vingts kilom`etres `a l’heure, sautait sur une chauss'ee pav'ee, enduite d’une boue gluante, et d'erapait formidablement ; il avait bien assez `a faire `a s’occuper `a piloter son engin s’il ne voulait point provoquer un accident.
— Tr`es peu d’entrer dans le d'ecor !… se disait Fandor. Tr`es peu pour moi, d’ab^imer ma jolie figure !…
Mais s’il prononcait des paroles ainsi prudentes, ce n’'etait 'evidemment l`a que des paroles, car il acc'el'erait toujours de plus en plus la vitesse, et la course devenait vertigineuse.
J'er^ome Fandor estimait que les propri'etaires de la voiture allaient le laisser en paix. Il se trompait 'evidemment, car il 'eprouvait brusquement une extraordinaire surprise.
L’un des deux hommes qui hurlaient dans son dos se taisait en effet subitement, lui posait la main sur l’'epaule, et s’'ecriait `a son oreille, sur un ton d’indicible 'etonnement :
— Ah bien, par exemple, ca c’est encore plus rigolo qu’un mariage de hannetons !… Comment, c’est vous, monsieur Fandor ?
La voix 'etait famili`ere, l’intonation 'etait sympathique, J'er^ome Fandor tourna la t^ete :
— Bouzille !… cria le journaliste.
Et c’'etait bien, en effet, l’in'enarrable Bouzille qui, maintenant, s’entretenait avec Fandor !
Bouzille, en effet, 'etait loin de demeurer silencieux. Bouzille, ayant reconnu Fandor, se r'epandait tout au contraire en lamentations continuelles, faites sur un ton suraigu.
— Bouzille soi-m^eme, d'eclarait-il. Et mon copain, c’est Bec-de-Gaz. Mais, monsieur Fandor, s^urement que vous allez nous casser la figure… Pas si vite, nom de d’l`a !… Comme ca, qu’est-ce qui vous prend d’avoir chop'e cette guingue que nous avions en garde ?
Fandor ne r'epondait pas, n’avait pas envie de r'epondre, car sa voiture valsait litt'eralement sur la route, et les risques de culbute se pr'ecisaient `a chaque instant.
Bouzille, dans son dos, reprit :
— Si c’est pas malheureux, tout d’m^eme. Bec et moi, on 'etait bien tranquilles, occup'es `a faire les rentiers, `a se dormir dans la voiture, on attendait Fant^omas, quoi… et puis voil`a que c’est vous qui rappliquez… Ah ! non, tr`es peu !…
Bouzille interrompait son r'ecit pour supplier, bl^eme d’effroi :
— Pas si vite, m’sieur Fandor. Un coup de frein, nom de Dieu… S^urement qu’on va faire peur aux oiseaux !
Bouzille pouvait avoir peur, car en r'ealit'e l’allure de la voiture, engag'ee maintenant sur une grande descente, avait quelque chose d’insens'e.