Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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L’infant d’Espagne, s’'etait retir'e dans un grand salon dont on avait fait une sorte de cabinet de travail, et, en cette pi`ece plong'ee dans l’obscurit'e bien qu’il f^it encore jour, l’infant d’Espagne 'etait occup'e `a d'epouiller de nombreux papiers en pr'esence d’un homme aux apparences modestes. L’infant 'etait assis, l’homme se tenait debout `a c^ot'e de lui et lui signalait, au passage, des documents que l’Altesse royale feuilletait d’un air distrait.
— Voici, disait l’homme, encore un titre de propri'et'e de la princesse votre ni`ece.
Puis, il ajoutait sur un ton de na"ive et respectueuse admiration :
— L’h'eritage de do~na Merc'ed`es de Gandia est encore plus consid'erable que mon patron ne se l’imaginait.
— Votre patron, mon notaire, sait cependant exactement l’'etat de nos fortunes `a tous.
— C’est exact, mais l’ouverture des meubles appartenant `a do~na Merc'ed`es a fait d'ecouvrir des titres de rente dont on ne soupconnait pas l’existence.
Le clerc de notaire poursuivit :
— Le d'ec`es de votre ni`ece, qui meurt sans enfants et sans ascendants directs, fait de vous, Monseigneur, son seul et unique h'eritier. Vous ^etes d'esormais `a la t^ete d’une immense fortune.
— `A quel prix, dit l’infant.
Enfin l’employ'e du notaire se retira. Il venait `a peine de quitter la pi`ece qu’un coup discret 'etait frapp'e `a la porte.
— Entrez.
C’'etait un vieux domestique qui, s’inclinant devant son ma^itre, lui annonca :
— Monseigneur, c’est quelqu’un qui demande `a parler `a Votre Altesse.
— Je ne recois personne.
— Monseigneur, c’est encore ce monsieur qui est d'ej`a venu hier matin, M. Coquard, l’homme des Pompes fun`ebres.
— Il fallait me le dire plus t^ot. Qu’il entre.
Quelques instants plus tard, le courtier de la maison de Villars 'etait en pr'esence de Son Altesse royale.
Le gros homme jovial, apr`es s’^etre confondu en salutations et avoir balbuti'e quelques maladroites paroles de condol'eance, interrogeait son auguste client sur les mesures qu’il daignerait prendre au sujet des obs`eques :
— J’ai fait pr'eparer les lettres de deuil et les ai laiss'ees dans le vestibule, Monseigneur. Maintenant, si vous n’y voyez pas d’inconv'enient, on fera la mise en bi`ere demain matin de bonne heure. 'Etant donn'e l’importance de la c'er'emonie, il ne faudra pas trop de toute la matin'ee pour dresser les tentures, mettre les 'ecussons, pr'eparer la salle de couronnes.
— En ce qui concerne la mise en bi`ere, c’est une affaire entendue, mais je vous r'ep`ete, monsieur, que je ne veux pas d’obs`eques tapageuses. Faites le n'ecessaire et pas plus.
— Cependant, expliqua le courtier d’un air d'esol'e, il s’agit d’une troisi`eme classe, et l’on pr'evoit pour de semblables c'er'emonies un certain d'eploiement de luxe.
— Je n’en veux pas. Do~na Merc'ed`es de Gandia doit avoir des obs`eques conformes `a ses volont'es, c’est-`a-dire aussi modestes que possible.
L’excellent Coquard 'etait navr'e. Machinalement, il ^ota, puis remit dans sa poche, les catalogues qu’il avait apport'es pour faire choisir `a son Altesse royale des d'ecorations fun`ebres compliqu'ees.
Mais don Eugenio avait dict'e ses volont'es, pr'ecis'e qu’il exigeait la simplicit'e. Puis, d’un geste digne et hautain, il signifiait `a Coquard que l’entretien 'etait termin'e. Le courtier, lentement, se retira. Comme il descendait l’escalier, avisant un domestique, qui se tenait dans le vestibule, il demanda timidement :
— Voulez-vous me permettre de jeter un coup d’oeil sur la d'efunte, histoire de bien me rendre compte que les dimensions donn'ees sont bien exactes, c’est rapport au cercueil ?
Mais le domestique foudroya du regard l’employ'e des Pompes fun`ebres :
— Monseigneur, d'eclara-t-il, a formellement interdit que qui que ce soit s’approche de la chambre mortuaire, pas plus vous que les autres ne serez autoris'e `a y p'en'etrer.
— C’est bon, c’est bon, inutile de vous f^acher.
Retroussant son pantalon, ouvrant son large parapluie, Coquard s’en alla, d'ecu, sous la pluie battante, qui transformait la rue Erlanger en v'eritable lac.
— Sale temps, grommela-t-il, et sale m'etier.
***
Par les volets entreb^aill'es, don Eugenio s’assurait que l’employ'e des Pompes fun`ebres s’'etait bien 'eloign'e. D`es lors, il quitta son poste d’observation, et traversant son bureau somptueux, il ouvrit une petite porte dissimul'ee dans la boiserie. L’infant suivit un couloir 'etroit, puis, soulevant une porti`ere, il p'en'etra dans une pi`ece 'el'egamment meubl'ee o`u se trouvait une jeune fille 'etendue sur une chaise longue. `A l’arriv'ee de don Eugenio, elle se leva, inclina l'eg`erement la t^ete.
L’infant lui r'epondit par un profond salut :
— Mademoiselle, fit-il, excusez-moi de vous d'eranger, mais voici l’heure qui s’avance, et j’avais besoin de vous parler.
— Je suis `a votre enti`ere disposition, Monseigneur.
— Et vous ^etes toujours d'ecid'ee ?
— Oui, r'epliqua la jeune fille, ce que je vous ai promis, je le tiendrai. De m^eme que vous avez respect'e la parole donn'ee, Monseigneur, de m^eme je tiendrai en tous points, la promesse que je vous ai faite.
— Ah ! s’'ecria l’infant qui dans un geste spontan'e prenait dans les siennes les mains de la jeune fille et les 'etreignait chaleureusement, jamais je ne pourrai assez vous remercier, jamais vous ne saurez le service immense que vous rendez `a ma famille, `a la dynastie, `a l’Espagne tout enti`ere.
— Je vous en prie, monseigneur, n’exag'erons rien, je vous saurai toujours gr'e de l’attitude g'en'ereuse que vous avez eue vis-`a-vis de moi, je suis sinc`erement heureuse de pouvoir vous rendre le service que vous m’avez demand'e.