Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— C’est le moment de l’aborder, se dit Delphine.
Elle traversa le trottoir, monta les quelques marches qui devaient la conduire au baron. Celui-ci, d’ailleurs, l’apercut avant qu’elle ait eu le temps de le saluer.
Stolberg, le claque `a la main, s’inclinait devant la jeune femme :
— Madame, dit-il, d’une voix chaude et grave, je b'enis la bonne fortune qui me fait vous apercevoir aujourd’hui, je ne suis certainement pas connu de vous, mais cependant, il y a de cela quelques jours, j’ai eu le plaisir de d^iner pr`es de vous et j’en ai gard'e le souvenir d’une ravissante personne.
— Vous ^etes galant, monsieur, r'epondit Delphine, c’est ce qui me donne le courage de vous demander deux minutes d’entretien ?
— Madame, ce n’est pas deux minutes que je voudrais vous accorder, mais toute ma vie. H'elas, je suis tenu ce soir `a une obligation `a laquelle je ne puis me soustraire. J’attends une amie.
Or, au moment m^eme o`u le baron Stolberg s’excusait ainsi, cherchant quelque peu ses mots, une voix railleuse lui adressait la parole sur un ton cavalier :
— Mon cher, disait l’arrivante, j’allais m’excuser de venir en retard. Mais je vois que vous ne vous ennuyez pas. Vous n’^etes pas long `a faire des conqu^etes.
`A peine s’'etait-elle retourn'ee, que Delphine bl^emit. Elle se jeta litt'eralement sur le baron :
— Sauvez-vous, sauvez-vous ! cria-t-elle. Vous ne connaissez pas cette femme, sans doute, elle vient assur'ement ici pour vous tuer, elle a tu'e un homme hier. Sauvez-vous, sauvez-vous !
Surpris par cette apostrophe, Nicolas Stolberg recula, tirant derri`ere lui Delphine Fargeaux qui l’avait pris par le bras :
— Ah c`a, fit-il, vous ^etes folle ?
Mais il n’eut pas le temps d’achever.
Au m^eme moment, la Recuerda, car c’'etait la Recuerda que le baron Stolberg attendait et qui venait le rejoindre, pour aller avec lui `a l’Op'era, bondit sur Delphine Fargeaux, prise d’une de ses terribles col`eres d’Espagnole.
— Vous ^etes une mis'erable ! hurlait-elle et, par la Madone, si vous ne vous taisez pas…
Tandis que la Recuerda se jetait sur Delphine Fargeaux, celle-ci, croyant sa derni`ere heure venue, levait son parapluie et en assenait un coup sur le visage de son assaillante.
La Recuerda, en m^eme temps, l^achant le r'eticule parsem'e de pierreries qu’elle tenait `a la main, sautait `a la gorge de Delphine Fargeaux.
— Mon Dieu, je vous en prie, mesdames, mesdames ! Ah, c’est abominable, voyons, voyons !
Le baron Stolberg s’efforcait en vain de s'eparer les combattantes, la foule se rassemblait, s’ameutait, on arracha les deux femmes l’une `a l’autre. Les marches de l’Op'era 'etaient noires de monde, on criait, on se bousculait. Il y avait l`a des femmes en grande toilette, en d'ecollet'e, que la foule bousculait impitoyablement. Des hommes en habit, en cravate blanche, qui jouaient des coudes, friands de scandale, esp'erant que quelqu’un de connu, un habitu'e du Foyer y 'etait compromis.
Au centre de la foule houleuse, cependant, la Recuerda, solidement maintenue par deux jeunes gens qui l’avaient arrach'ee, cependant que deux autres messieurs tiraient Delphine Fargeaux de ses griffes, p^ale de col`ere, la voix d'ecompos'ee, appelait son cavalier servant :
— Baron, disait-elle, faites conduire cette femme au poste, il est inadmissible…
Et Delphine Fargeaux, de son c^ot'e, criait :
— Qu’on arr^ete cette femme, c’est abominable, elle a…
Et Delphine Fargeaux allait dire :
Alors que Delphine Fargeaux, terrifi'ee par le regard du baron Stolberg, se taisait, un groupe de sergents de ville arrivait, repoussant la foule, se frayant un passage de vive force.
— Au poste, au poste ! ordonnaient les agents, vous vous expliquerez devant le commissaire. Allons, venez, vous aussi, monsieur, vous ^etes le t'emoin.
Ils encadr`erent les deux femmes, les jeunes gens qui s’'etaient empress'es de les s'eparer, ils pouss`erent tout le monde, le baron Stolberg compris, vers le poste de police install'e dans l’Op'era m^eme, qui donne rue Hal'evy.
— Allons au poste, en effet, disait Stolberg. Le commissaire comprendra tout de suite que cet incident est seulement ridicule et il nous fera tous rel^acher.
— Le commissaire de police n’est pas l`a, dit le brigadier, il ne passe au poste qu’`a une heure du matin. Tout ca, ca n’est pas clair. En l’attendant, je vais tous vous mettre au violon. Ma foi, ca vous apprendra, les uns et les autres, tout gens chics que vous ^etes, `a vous conduire comme des voyous.
Et, superbe de d'edain, merveilleux d’audace, sans s’inqui'eter des protestations que son proc'ed'e inqualifiable soulevait de la part des personnages arr^et'es, le brigadier, `a peine arriv'e au poste, fit en effet entrer les personnes qu’il venait d’appr'ehender dans le cachot o`u se trouvaient d'ej`a une dizaine d’individus arr^et'es pour tapage sur la voie publique dans la journ'ee.
— D'eplorable, dit le baron Stolberg, devenu tr`es digne, ayant retrouv'e tout son sang-froid. Messieurs, ajouta-t-il, en se tournant vers les quatre jeunes gens qui avaient 'et'e arr^et'es en m^eme temps que lui, alors qu’ils n’'etaient pour rien dans les aventures de la soir'ee, messieurs, je vous fais toutes mes excuses pour la sotte affaire o`u vous voici compromis. Voulez-vous me permettre de vous demander vos noms ? Voici ma carte. J’irai demain, si l’on me rel^ache toutefois, vous pr'esenter mes excuses.
Les autres jeunes gens riaient d'ej`a, amus'es par le pittoresque de leur arrestation et l’incompr'ehension des agents, et un 'echange de cartes eut lieu.
`A l’int'erieur du violon, cependant, Delphine Fargeaux et la Recuerda, soudain muettes l’une et l’autre, se contemplaient en silence, 'etonn'ees de l’attitude presque gouailleuse, infiniment calme en tout cas que venait d’adopter le baron Stolberg.
— Ma parole, pensait Delphine Fargeaux, je m’attends presque `a ce qu’il dise qu’il ne nous conna^it ni l’une ni l’autre.
`A peine l’'echange de cartes 'etait-il termin'e que Nicolas Stolberg, apr`es avoir jet'e un regard `a la Recuerda, s’approchait de Delphine Fargeaux. Et c’est bas, qu’il murmurait `a l’oreille de la coquette, cette phrase qui, soudain, la fit radieuse :
— Madame, excusez-moi de ne point pouvoir vous d'efendre comme je le voudrais, mon attitude doit vous para^itre r'evoltante, croyez que je suis oblig'e d’agir comme je le fais. Dans quelques instants, d’ailleurs, nous allons ^etre libres. Je vous en prie, veuillez me permettre de vous accompagner chez vous. J’ai `a vous parler.