Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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C’'etait en effet avec une r'esignation superbe, avec une admirable correction, que J'er^ome Fandor assista aux derni`eres c'er'emonies que les religieux pr'ecipit`erent.
Puis J'er^ome Fandor vit soudain les gardes civils brusquement apparus pour le conduire au garrot.
Fandor, toutefois, si courageux qu’il f^ut, 'etait en ce moment plong'e dans une v'eritable prostration. C’'etait un peu un automate qui s’avancait sur la Plaza Mayor, et que la populace saluait de ses cris.
— Il ne faut pas que je meure en l^ache, se r'ep'etait alors, victime d’une id'ee fixe, le malheureux J'er^ome Fandor.
Et J'er^ome Fandor cependant se d'efiait de lui-m^eme. Il avait le sublime courage de vouloir encore ^etre brave alors qu’on le poussait au plus abominable des supplices. J'er^ome Fandor marchait, un sourire fig'e sur les l`evres, calme, tranquille, baissant les yeux pour ne point voir et ainsi narguer le sursaut qu’ont, en g'en'eral, les condamn'es `a mort lorsqu’ils apercoivent l’instrument de supplice.
Au moment cependant o`u J'er^ome Fandor approchait de l’escalier qui devait lui permettre d’arriver `a la plateforme de l’'echafaud, force lui 'etait bien de lever les yeux pour ne point tr'ebucher.
`A ce moment, Fandor apercut Juve.
Il y avait une telle expression dans les yeux du faux bourreau que, malgr'e le loup de soie noire qu’il portait, suivant l’usage, J'er^ome Fandor ne s’y trompait pas.
Et, `a l’instant, au fond de sa d'etresse, alors que quelques secondes avant il ne pensait m^eme plus `a la possibilit'e d’'echapper au tr'epas, J'er^ome Fandor se reprit `a penser qu’il 'eviterait le garrot.
Juve 'etait l`a.
Cela valait mieux que toutes les gr^aces. il n’'etait pas possible que Juve 'etant pr'esent, son ex'ecution p^ut avoir lieu. Juve le sauverait `a coup s^ur, Juve inventerait quelque chose d’incroyable pour le tirer des mains du bourreau.
Et d’ailleurs, Juve 'etait habill'e de rouge, Juve, c’'etait le bourreau. Ah, la bonne com'edie !
Et Fandor manqua 'eclater de rire `a cette pens'ee :
— C’est Juve qui va m’ex'ecuter, moi, Fandor ? Ah c’est farce, c’est farce !
L’aum^onier qui escortait le jeune homme `a cette minute pensait que le condamn'e 'etait frapp'e de folie. Pris de peur, d’ailleurs, le religieux tremblait de tous ses membres, c’'etait presque violemment qu’il poussa Fandor sur les degr'es m^elant ses derni`eres paroles de piti'e, de recommandations pratiques :
— Monte, mon fr`ere. Repens-toi. Repens-toi. Prends garde `a la derni`ere marche. La bont'e de Dieu est infinie. Va. Avance.
Mais J'er^ome Fandor s’immobilisait. Le rire qui tout `a l’heure distendait ses l`evres se mua en un tragique rictus.
C’est qu’il se passait `a ce moment une chose effroyable.
J'er^ome Fandor, les yeux dilat'es d’angoisse vit un homme rouge masqu'e d’un loup noir fendre h^ativement les rangs des gardes civils qui entouraient l’'echafaud. Cet homme rouge, accompagn'e de soldats, bondissait aupr`es du garrot. Quant `a Juve, qui 'etait l`a pour le sauver, lui, Fandor, il 'etait empoign'e, emport'e, enlev'e par les soldats il disparaissait. C’'etait le bourreau, le vrai bourreau cette fois, qui posait sa main rude sur l’'epaule de Fandor.
Le journaliste, `a cet instant, sentait si bien que tout 'etait radicalement fini pour lui, qu’il n’avait plus la moindre chance d’'echapper `a la mort gr^ace `a Juve, qu’il sentit que son coeur s’arr^etait de battre. Il voulut crier, appeler Juve, il voulut se d'ebattre, mais ses l`evres 'etaient contract'ees au point qu’il ne pouvait articuler un mot, la paralysie immobilisait ses membres au point qu’il e^ut 'et'e incapable d’agiter f^ut-ce une main.
Et l’ex'ecuteur des hautes oeuvres alors accomplit sa besogne. Il poussa Fandor vers la chaise du garrot, une secousse assit celui qui allait mourir. J'er^ome Fandor sentit le froid de l’anneau de fer qui lui entourait le cou. Il voulut crier encore et ne le put pas. Ses yeux voulurent voir et ne virent qu’un brouillard rouge. Sur sa face quelque chose s’abattit qui 'etait le voile destin'e `a masquer ses contorsions, ses convulsions derni`eres.
Alors, h'eb'et'e, croyant que les secondes duraient des si`ecles, J'er^ome Fandor entendit son confesseur marmotter encore une derni`ere oraison. Le pas lourd du bourreau r'esonnait sur les planches sonores de l’'echafaud, l’homme alla se placer derri`ere le garrot.
— Roulez, tambours !
Un battement sourd et prolong'e 'ebranla l’air.
J'er^ome Fandor sentit que l’anneau de fer s’appuyait `a sa gorge et lentement, tr`es lentement la comprimait, commencait `a l’'etrangler.
— Je suis perdu, r^ala-t-il.
Derri`ere lui, tout contre sa t^ete qu’il arc-boutait au pieu comme s’il e^ut pu r'esister `a l’'etreinte qui allait lui broyer la gorge, le tourniquet manoeuvr'e par le bourreau grinca.
— Je suis perdu.
L’anneau de fer, froid, lui appuyait toujours sur la gorge.
Mais, `a cet instant, comme Fandor entendait une clameur abominable monter vers le ciel, une voix inconnue lui murmurait `a l’oreille, distinctement, mais tout bas :
— Ordre du roi, se~nor, je ne vous ex'ecute point. Quand je rel`everai le voile, faites le mort.
Et, J'er^ome Fandor n’eut point le temps de r'efl'echir. Le roulement de tambour encore. Les clameurs de la populace s’'elevaient toujours vers le ciel pur, il percevait le pas du bourreau tournant autour du garrot, revenant devant lui.
Une main rude lui appliquait un mouchoir sur les traits :
— Tirez la langue, se~nor.
Fandor eut `a peine le temps d’ob'eir `a l’ordre qu’on lui donnait qu’une main enlevait le voile qui lui masquait le visage : la m^eme clameur qui montait de toutes les poitrines depuis quelques instants, redoubla. Abasourdi, Fandor voyait qu’`a nouveau on lui jetait le voile sur le visage et c’'etait `a peine si pendant qu’il d'efaillait il entendait une voix qui murmurait tout pr`es de lui, tremblante :
— Bourreau, au nom de la loi, je vous requiers d’emporter le cadavre du supplici'e et de l’ensevelir. Dieu ait l’^ame de J'er^ome Fandor !
***
— Eh bien, Fandor ?
— Eh bien, Juve ?
— Comprends-tu quelque chose ?
— Je commence `a comprendre.
Les deux ins'eparables amis, Juve et Fandor, le journaliste et le policier, les deux compagnons de tant de luttes et de tant d’aventures, les deux ennemis de Fant^omas, les deux h'eros, se trouvaient dans un compartiment de premi`ere classe du Sud-Express et devisaient tranquillement.
Juve continuait le r'ecit qu’il faisait `a Fandor depuis quelques instants :
— Tant mieux si tu commences `a comprendre, bougre d’abruti, disait Juve, mais je reprends o`u j’en 'etais.
Et, apr`es s’^etre frott'e les mains, avoir ri tout seul, puis envoy'e un coup de poing amical dans la poitrine de Fandor qui ne semblait pas moins joyeux que lui, Juve ajoutait :
— Donc, mon petit, au moment m^eme o`u je m’appr^etais `a te sauver du garrot en t’ex'ecutant moi-m^eme et en t’ex'ecutant pour la frime, bien entendu, le vrai bourreau que je remplacais ayant obtenu d’ex'ecuter `a sa place `a prix d’or, a fait son apparition sur l’'echafaud. Ma foi je n’insisterai pas sur l’angoisse que j’ai connue alors, ah quelle fichue minute mon petit Fandor ! J’ai 'et'e empoign'e par les alguazils, rou'e de coups, mes vocif'erations se sont perdues dans le roulement des tambours, bref, j’ai compris que tu 'etais irr'evocablement perdu. Ah oui, quelle fichue minute !