Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Ce n’'etaient pas des yeux ordinaires. Firmain n’avait pas l’air, encore qu’il en e^ut les mani`eres et l’apparence, d’un v'eritable valet de chambre !
Il paraissait plut^ot un de ces valets de com'edie, `a la physionomie intelligente, aptes `a la soudaine repartie, ayant sans cesse le mot pour rire, la r'eflexion juste, perp'etuellement observateurs et souvent de bon conseil !
Il avait, comme ces h'eros du th'e^atre d’ailleurs, la classique chevelure rousse et la face `a l’expression comique.
Mais, malgr'e tout, M. Drapier s’inqui'etait en le consid'erant, car il avait toujours ces yeux, ces yeux bizarres, ces yeux au regard ind'efinissable, qui malgr'e lui le troublaient…
M me Drapier, cependant, se disposait `a indiquer au domestique o`u se trouvait le veston de son nouveau ma^itre, mais Firmain l’interrompit :
— Madame n’a pas besoin de se d'eranger, je sais o`u sont toutes les affaires de monsieur !
Il s’'eclipsait prestement, revenait quelques instants apr`es avec le v^etement en question.
M me Drapier regarda l’heure au petit cartel qui ornait la chemin'ee du cabinet de travail de son mari.
— Sept heures et quart ! fit-elle ; il faut aller vous habiller, Firmain, et aujourd’hui la cuisini`ere mettra le couvert.
Mais Firmain interrompait :
— La cuisini`ere n’aura pas besoin de se d'eranger, madame, j’ai d'ej`a mis le couvert… Puisque madame veut bien me le permettre, je vais m’habiller. Dans dix minutes je servirai monsieur et madame !
Encore une fois Firmain s’'eclipsait, les deux 'epoux se consid'er`erent quelques instants, sans rien dire.
— Eh bien ? fit Drapier, il m’a l’air tr`es bien ce domestique.
Sa femme hochait la t^ete.
— Il est tr`es bien… certainement ! Au d'ebut il ne me plaisait pas beaucoup malgr'e ses bons certificats, or voici que maintenant je me rends compte que c’est un garcon intelligent et que je vais m’y attacher. Nous en ferons quelque chose, j’en suis s^ure, c’est si rare d’avoir de bons domestiques… Enfin, je suis heureuse qu’il te plaise.
Drapier protesta :
— Je n’ai pas dit ca du tout ! Et, tiens, c’est m^eme tout le contraire ! Loin de me plaire, il me d'epla^it, ce garcon-l`a, avec son air d’^etre tr`es `a son aise ici, avec sa facon de tout conna^itre avant qu’on lui ait rien montr'e… Je suis certain que ce gaillard-l`a doit avoir de lui une opinion excellente et qu’il ne tardera pas `a devenir insupportable !
— Enfin, protesta M me Drapier, tu ne vas pas le juger avant de l’avoir vu `a l’oeuvre. Si c’'etait toi qui t’occupais des domestiques…
— C’est bien, fit Drapier, on verra ! En attendant passons `a table, veux-tu ?
Le quart d’heure s’'etait 'ecoul'e et, ponctuel comme un chronom`etre, Firmain, le valet de chambre, s’'etait trouv'e `a point nomm'e dans la salle `a manger pour annoncer :
M^eme, encore une fois, M me Drapier avait pouss'e un cri de surprise, car elle ne s’attendait en aucune facon `a ce que son domestique f^ut d'ej`a l`a, au moment o`u elle passait du salon dans la salle `a manger.
Le d^iner 'etait h^ativement exp'edi'e, encore qu’il f^ut servi selon un protocole rigoureux, n'ecessitant la pr'esence du valet de chambre, dans la salle `a manger, tandis que ses ma^itres d^inaient.
Enfin, vers huit heures et demie, M. et M me Drapier passaient dans le salon et d`es lors, en prenant leur caf'e, recommencaient `a discuter sur les qualit'es et d'efauts du personnage qui, ce soir-l`a, captait leur attention, de ce nouveau domestique que l’on venait d’engager.
`A la cuisine cependant, Caroline, la vieille cuisini`ere, avait attendu pendant dix minutes que le valet de chambre rev^int de la salle `a manger pour se mettre `a d^iner.
Elle ne le vit point venir, elle attendit encore quelques instants, puis, impatiente, ayant faim, d'esireuse 'egalement d’aller se coucher, elle suivit le couloir du service qui conduisait de la cuisine `a la galerie et s’en vint `a pas de loup dans cette derni`ere pour voir ce que devenait le domestique.
Elle l’apercut l’oreille coll'ee au trou de la serrure de la porte qui donnait sur le salon.
— Eh bien, grommela-t-elle, en voil`a un qui n’est pas curieux, par exemple !
Et elle lui toucha du doigt l’'epaule.
Firmain tressaillit. Voyant la cuisini`ere, il eut une expression farouche qui 'epouvanta la vieille femme.
— Il n’a pas l’air aimable, ce garcon ! pensa-t-elle. Puis c’est des dr^oles de mani`eres que d’'ecouter aux portes. Enfin ca ne me regarde pas !
Au surplus Caroline connaissait mal Firmain et, bien qu’il y e^ut entre eux, une grande diff'erence d’^age, elle ne pouvait gu`ere lui faire d’observations.
— Je vous cherchais, disait-elle, c’est l’heure de manger, voulez-vous ?
Caroline repartait pour la cuisine, Firmain la suivit.
Install'es l’un en face de l’autre, ils absorb`erent en silence du potage `a peu pr`es froid, tandis que la cuisini`ere s’en allait remettre sur le fourneau le plat de viande `a moiti'e consomm'e par les ma^itres et dont la sauce 'etait fig'ee.
En attendant qu’il f^ut r'echauff'e, les deux domestiques engag`erent la conversation.
— Alors, demanda Caroline, comme ca, vous venez de province ?
Le valet de chambre eut un air 'enigmatique, il consid'era la vieille bonne, puis d’une voix l'eg`erement grasse et 'eraill'ee, presque faubourienne, il r'epliqua :
— J’en arrive, en effet !
Caroline Continuait :
— Vous allez vous plaire `a Paris… Il y a du mouvement, de l’entrain, quoique dans notre quartier ce soit bien tranquille. On n’est pas g^en'e par le tapage…
— Oui, reconnut Firmain, les murs sont 'epais dans les maisons…
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