Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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M me Drapier dormait d’un sommeil lourd et profond, lorsque brusquement elle sursauta dans son lit.
Sa gorge se serra, ses paupi`eres battirent, elle sentit sur son front et ses mains courir les frissons pr'ecurseurs d’une transpiration d'etermin'ee par l’inqui'etude.
Puis elle pr^eta l’oreille, doutant de ce qu’elle avait cru entendre alors que peut-^etre elle dormait encore.
M me Drapier avait l’impression qu’on avait march'e dans la galerie de l’appartement.
Sous les tapis 'epais, le plancher avait craqu'e, puis c’avait 'et'e le bruit d’une porte qui s’ouvre et se referme lentement.
— Mon Dieu ! balbutia M me Drapier qui se signa, est-ce possible ? Il y a quelqu’un dans l’appartement !
Chose extraordinaire, `a ce moment pr'ecis elle avait moins peur qu’elle se l’imaginait…
Il lui semblait qu’une chose n'ecessaire, indispensable, attendue quoique redout'ee, se produisait enfin.
Il y avait si longtemps qu’elle avait cette 'emotion d’avoir peur, qu’elle en 'eprouvait presque une satisfaction !
Mais cette tranquillit'e d’esprit ne durait point.
Tout d’abord, apr`es avoir entendu ces bruits, M me Drapier douta qu’ils se fussent produits.
— J’ai r^ev'e ! dit-elle.
Elle alluma sa lampe 'electrique, qui projeta une lumi`ere 'etincelante dans la chambre `a coucher.
M me Drapier vit l’heure `a la petite pendule qui se trouvait sur une console voisine : il 'etait cinq heures du matin.
Elle 'ecouta encore, aucun bruit ne se faisait entendre.
— Certainement, j’ai r^ev'e ! se dit-elle.
Et apr`es avoir song'e `a sonner, `a crier au secours, elle d'ecidait de n’en rien faire.
Le sommeil la gagnait, elle 'eprouvait une immense lassitude d’^etre r'eveill'ee si t^ot, elle s’'etendit dans son lit, appr'eciant la volupt'e des couvertures ti`edes, lorsqu’elle sursauta encore.
Cette fois, il n’y avait pas de doute, elle avait entendu quelque chose de net, de pr'ecis et d’horrible.
Un bruit sourd, soudain, un bruit inimitable qui ne ressemblait aucunement au bruit singulier de l’appartement pendant la nuit, le bruit de quelque chose qui tombe sur le sol, le bruit d’un corps peut-^etre qui s’'ecroule…
S'erieusement alarm'ee, cette fois, pendant dix minutes M me Drapier demeura immobile, aux aguets.
Elle n’entendait plus rien ; c’'etait le silence absolu, mais elle 'etait certaine qu’il s’'etait pass'e quelque chose, et instinctivement son doigt chercha le bouton de la sonnette.
Tout d’un coup M me Drapier esquissa une moue de d'epit.
— Mon Dieu, fit-elle, j’oublie que je n’ai pas de femme de chambre dans l’appartement !
Berthe, sa domestique, 'etait en effet malade, absente depuis quelques jours ; la cuisini`ere 'etait au septi`eme ainsi que le valet de chambre…
— Il faut que j’aille voir ! que je r'eveille mon mari ! que je sache ! songea M me Drapier.
Faisant effort sur elle-m^eme, elle s’arracha de son lit, passa une robe de chambre, chaussa des mules et, retenant sa respiration, r'eprimant les battements de son coeur, elle entreb^ailla doucement la porte de sa chambre.
Cette porte donnait sur le salon, un trou noir, le commutateur l’'eclairant 'etait 'eloign'e… M me Drapier n’osa s’avancer dans l’obscurit'e.
Elle revint sur ses pas et sortit par l’autre porte, celle qui donnait sur la galerie.
Elle pouvait illuminer cette derni`ere avant de s’y engager, elle le fit.
Les plafonniers lumineux 'etincel`erent, M me Drapier jeta un coup d’oeil inquiet dans le vaste couloir o`u rien ne semblait anormal.
Elle s’avanca lentement, glissant sur les tapis 'epais, regardant autour d’elle, avec des yeux 'ecarquill'es.
Par moments, elle s’arr^etait, 'ecoutait, elle n’entendait rien… puis reprenait sa marche.
Arriv'ee devant la porte de la chambre de son mari, elle appuya son oreille tout d’abord contre le panneau, dans l’espoir d’entendre quelques bruits `a l’int'erieur de la pi`ece.
Quelquefois son mari ronflait, mais cette fois-l`a le silence le plus absolu r'egnait.
D’une voix timide, 'etrangl'ee par l’'emotion, M me Drapier appela :
— L'eon !…
Elle r'ep'eta deux fois, trois fois, haussant la voix :
— L'eon, c’est moi ! Eug'enie !
Mais son mari devait dormir bien profond'ement, car aucune r'eponse ne lui parvenait.
Certes, M me Drapier savait que son mari, qui n’'etait gu`ere tendre pour elle, allait la recevoir fort mal et lui faire de s'ev`eres observations si elle le r'eveillait inutilement, n'eanmoins elle avait tellement d’'emotion, elle 'etait si certaine d’avoir entendu quelque chose, qu’elle r'esolut de passer outre et d’affronter la col`ere maritale.
Elle tourna le bouton de la porte, entra dans la chambre, alluma l’'electricit'e, et demeura stup'efaite.
La pi`ece 'etait vide, la couverture pr^ete, mais le lit pas d'efait.
M me Drapier 'etait si 'etonn'ee qu’elle ne trouva rien `a penser au premier abord.
Comment ! son mari n’'etait pas l`a ?…
Il lui semblait pourtant qu’il ne devait pas sortir !
— J’ai mal compris sans doute, pensa la malheureuse femme ; il a d^u me dire hier soir qu’il allait au cercle comme cela lui arrive quelquefois, mais il pr'etend qu’il est toujours rentr'e `a minuit… Peut-^etre a-t-il 'et'e retenu, je crois qu’il y avait une soir'ee de gala…
Brusquement M me Drapier devint livide.
— Mais alors, pensa-t-elle, je suis seule dans l’appartement !
Elle n’osait plus faire un pas, avancer, ni reculer.
Elle 'ecoutait encore, et d'esormais c’'etait le silence absolu. M^eme du dehors on ne percevait aucun bruit.
`A un moment donn'e, cependant, le tintamarre d’une charrette de laitier qui passait dans la rue la rassura.
Elle eut l’impression que Paris s’'eveillait, elle se sentit moins seule, moins isol'ee, elle reprenait un peu courage.