Чтение онлайн

ЖАНРЫ

Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:

`A ce moment, le visage de Cuche exprima une soudaine satisfaction.

— Ah bon !… Tr`es bien ! fit-il d’une voix de surprise content'ee. Je comprends, maintenant… Il y a le ministre qui vient… Ah ! parfaitement !

L’exclamation de Cuche 'etait si naturelle que M. Havard lui-m^eme ne put se retenir de sourire.

Cuche 'etait un philosophe. Cuche ne s’'etait pas formalis'e de ses r'eprimandes. Cuche, d'esormais, comprenait `a merveille leur motif et trouvait tout naturel qu’on exige^at de lui des soins et des pr'ecautions auxquels il n’'etait pas habitu'e.

M. Havard conclut tout cela de l’exclamation de l’huissier.

— C’est juste ! reconnut-il avec un sourire et ayant presque l’air de s’excuser. C’est juste, Cuche ! Je ne vous avais pas pr'evenu… Eh bien, le ministre vient ce matin. Il vient m^eme deux ministres.

— Ils auraient bien pu rester chez eux ! r'epondit Cuche. Enfin, soyez tranquille, patron, on va faire le n'ecessaire.

`A ce moment, pr'ecis'ement, M. Havard sursauta. Cuche, pour l’'ecouter, s’'etait appuy'e contre la porte qu’il avait ferm'ee derri`ere lui. Or, on frappait `a cette porte.

— Ah ! nom de Dieu ! grommela le chef de la S^uret'e, je parie que ce sont eux !…

Mais Cuche, qui s’'etait recul'e, livrait passage, non pas `a une excellence, mais tout simplement `a Juve.

Juve, lui aussi, avait fait des frais d’'el'egance. Toutefois, comme Juve 'etait beaucoup plus simple que M. Havard, comme il avait aussi moins besoin de l’appui des ministres, il s’'etait tout bonnement content'e, dans son souci d’'el'egance, de passer un v^etement un peu plus frais que son veston de tous les jours, et d’arborer une cravate neuve, cadeau que lui avait fait Fandor `a l’occasion de sa f^ete.

M. Havard, qui connaissait Juve merveilleusement, jugea les choses d’un coup d’oeil.

— Bonjour, mon cher ! disait-il. On est de corv'ee, ce matin !

— C’est ce que m’a appris votre t'el'egramme, r'epondit Juve. Il para^it que le ministre de l’Int'erieur se rend chez vous ce matin ?

— Pas seulement lui ! r'epondit M. Havard… Le ministre de la Justice vient aussi.

Juve 'ecoutait le chef de la S^uret'e avec un sourire amus'e.

— C’est bien cela ! murmurait-il. Quand on sent un scandale, tout le monde se remue ! Si seulement il y allait de l’int'er^et g'en'eral, chacun resterait bien tranquillement chez soi… Enfin, c’est la nature humaine !

Juve achevait `a peine de parler, il venait tout juste de plier soigneusement ses gants qu’il avait remis dans sa poche lorsque la porte du cabinet de travail s’ouvrait toute grande, et Cuche, raidi dans une attitude d’apparat merveilleuse, annoncait d’une voix de stentor, avec toute l’habilet'e d’un huissier bien styl'e, les personnages qui le suivaient :

— Leurs Excellences messieurs les ministres ! monsieur le ministre de l’int'erieur, monsieur le ministre de la Justice, monsieur le ministre des Finances !

Trois personnages suivaient Cuche, en effet. Celui-ci avait bien fait de les nommer et de les pr'esenter car, `a coup s^ur, quelqu’un de non pr'evenu n’aurait jamais devin'e qu’il s’agissait l`a des plus hauts membres de la nation.

Le ministre de l’int'erieur 'etait un petit homme ayant un peu l’air d’un bourgeois effac'e. On n’aurait pas pr^et'e attention `a lui, on l’e^ut consid'er'e comme un personnage de pi`etre importance, si une flamme extraordinaire n’avait par moment brill'e dans ses yeux.

Cet homme flambait par le regard. Il 'etait impossible, lorsqu’il vous fixait, de ne pas deviner en lui une intelligence extraordinaire, une volont'e tenace, ce que l’on appelle une ^ame et une ^ame de fer.

Derri`ere lui, le ministre de la Justice, un ancien magistrat que les hasards de la politique avaient appel'e au poste de garde des Sceaux, avait la face d'ebonnaire d’un homme encore tout surpris de ses succ`es et s’accoutumant peu `a sa haute fortune.

Il n’en 'etait pas de m^eme du ministre des Finances. Celui-l`a 'etait grand, maigre, cass'e en deux. Il avait un nez busqu'e, une paire de lunettes 'epaisses chevauchait sur ses yeux, ses doigts 'etaient tach'es d’encre. On le disait tr`es travailleur, c’'etait une autorit'e dans le monde des finances, mais il n’avait aucune habilet'e pour en imposer et, d’ailleurs, ne cherchait pas `a tenir figure dans les r'eunions 'el'egantes.

M. Havard, cependant, s’'etait 'elanc'e au-devant de ses visiteurs. Il multipliait les courbettes, avancait des chaises, distribuait `a tout propos, et par moments hors de propos, de pompeuses appellations.

— Mais oui, monsieur le ministre… Mais certainement, monsieur le ministre… Que monsieur le ministre veuille bien faire attention…

Il avait tout le z`ele d’un fonctionnaire dont le m'erite n’aurait aucune valeur s’il ne pouvait pas s’appuyer sur un peu de faveur personnelle.

Les trois visiteurs, cependant, avaient, d’un m^eme coup d’oeil d'evisag'e Juve qui s’'etait simplement inclin'e `a leur entr'ee.

Le ministre de la Justice ne connaissait pas le policier. Il en 'etait de m^eme pour le ministre des Finances. Tout au contraire, le ministre de l’int'erieur marcha cordialement vers lui, lui tendant la main avec une simplicit'e qui n’'etait pas sans gr^ace.

— Tiens, voil`a Juve ! faisait-il. Enchant'e de vous voir… Vous allez travailler avec nous ?

Le policier, nullement troubl'e par la familiarit'e du ministre, ce qui d’ailleurs stup'efiait M. Havard, qui se sentait, lui, beaucoup moins `a l’aise, consulta tranquillement sa montre.

— Messieurs, d'eclarait-il, je puis facilement vous consacrer trois quarts d’heure. Mais `a onze heures, il faudra que je vous quitte. Je suis convoqu'e pour l’instruction, je dois aller assister `a un interrogatoire… pardon, `a une d'eposition de M. L'eon Drapier !

Alors le ministre de l’int'erieur se tourna vers M. Havard :

— Eh bien, faisait-il, puisque Juve est press'e et que nous-m^eme nous n’avons pas grand temps, proc'edons imm'ediatement.

Le ministre venait de prendre une chaise. Assis, les mains crois'ees sur une petite table qu’il avait devant lui, il n’avait plus rien de l’homme timide et effac'e qu’il 'etait un instant avant. Son regard dominait la s'eance, ses gestes en imposaient.

— Mes coll`egues et moi, continua le ministre de l’int'erieur, s’adressant `a M. Havard et par moments se tournant un peu vers Juve, nous sommes venus vous voir ce matin, messieurs, en raison d’une pr'eoccupation particuli`erement grave. Vous n’ignorez pas, n’est-ce pas, ni l’un ni l’autre, le redoutable scandale qu’am`enerait une accusation infamante port'ee contre M. L'eon Drapier, l’actuel directeur de la Monnaie ?

Поделиться с друзьями: