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ЖАНРЫ

Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Une quinte de toux coupait la parole `a L'eon, qui 'etait horriblement gripp'e. Un peu calm'e, il reprenait :

— Nous nous promenions, Michel et moi, `a la f^ete foraine qui se tient sur les boulevards ext'erieurs `a la hauteur de la rue de Flandre. Nous 'etions venus l`a avec l’id'ee que, les faux monnayeurs cherchant tous les endroits possibles pour 'ecouler leur marchandise, il 'etait apr`es tout admissible qu’ils viennent faire un peu la bombe au cours de la soir'ee… Dans la p`egre, quand on a de l’argent, on s’amuse, quand on s’amuse, on fait des imprudences ! Le tout, c’est de deviner les imprudences !

— Tr`es bien ! ponctua Juve comme malgr'e lui.

— Nous nous promenions donc sur le boulevard, lorsque tout `a coup je heurtai au passage un couple qui n’'etait autre qu’un couple d’apaches fort connu de moi pour ^etre susceptible de tous les mauvais coups. Je n’aurais cependant rien eu `a dire, car je n’avais aucun mandat `a l’endroit de ces individus, lorsque, les ayant heurt'es, j’ai eu la surprise d’entendre un tintement extraordinaire dans leurs poches. On e^ut dit que ces gens-l`a 'etaient remplis de monnaie. Cela attira mon attention.

— Tr`es bien ! dit encore Juve.

L'eon continua :

— Michel, imm'ediatement, me proposa une filature. Cela ne devait pas ^etre difficile, d’ailleurs. La femme 'etait grise, l’homme paraissait un peu gai. Nous leur embo^it^ames le pas.

— Et alors ? questionna malgr'e lui le ministre de l’int'erieur, tout comme s’il n’avait pu r'esister `a l’int'er^et de ce roman v'ecu que racontait l’inspecteur, et alors ?

— Oh, c’est bien simple ! termina L'eon. Nous v^imes les individus entrer dans trois ou quatre baraques. Partout ils payaient avec des louis d’or, et pr'ecis'ement avec des louis d’or semblables `a ceux dont l’'emission 'etait suspecte. Il n’y avait pas `a h'esiter, nous avons arr^et'e les coupables.

Cette fois, le ministre de l’int'erieur battit des mains.

— Bravo, bravo !… dit-il. Et ces individus, o`u sont-ils ? Qu’ont-ils dit ?

Ce fut M. Havard qui reprit la parole :

— Ils n’ont rien dit du tout. Fouill'es, on les a trouv'es porteurs d’une quantit'e de pi`eces d’or, mais ils n’ont pas voulu en indiquer la provenance. Quant `a l’endroit o`u ils sont, c’est bien simple, ils sont dans la cuisine !

Mais, `a ce moment, M. Havard rougit comme un 'ecolier pris en faute et se mordit les l`evres. Il venait de laisser 'echapper un mot imprudent, il le regrettait de toute son ^ame, avec le vague espoir que le ministre de l’int'erieur ne l’avait pas remarqu'e.

La

« cuisine » est, en effet, en argot policier, non seulement une pi`ece de la permanence des agents de la S^uret'e, mais surtout une op'eration, une manoeuvre que la loi n’a pas pr'evue, contre laquelle tous les ministres s’'el`event et que tous les policiers, `a part de bien rares exceptions, n’h'esitent pas `a pratiquer.

Juve s’apercevait de l’embarras du chef et dissimulait mal un sourire satisfait.

Juve ne pouvait sentir la cuisine. Il trouvait le proc'ed'e honteux, jamais il ne l’avait appliqu'e. Cuisiner un inculp'e, c’est en effet tenter de surprendre sa bonne foi, de capter sa confiance en lui mentant sans vergogne. C’est un peu se mettre `a son niveau, c’est user de fourberie et de l^achet'e, c’est ex'ecuter un chantage moral !

Les pauvres bougres que l’on arr^ete, en effet, sont le plus souvent quelque peu effar'es lorsqu’ils se sentent pris dans le terrible engrenage qu’est la machine judiciaire. Ils perdent la t^ete, ils s’'epouvantent. Or, l’homme est ainsi fait qu’`a l’instant o`u il a peur, quel qu’il soit, il 'eprouve le besoin d’une amiti'e, d’un confident, d’une compassion, d’une plainte.

C’est alors que les policiers cuisinent. On laisse tranquillement l’inculp'e s’effrayer, solitaire, dans sa cellule. On affecte une s'ev'erit'e exag'er'ee `a son endroit, cela s’appelle, en argot, lui faire faire cornichon. Et quand l’inculp'e est arriv'e `a un degr'e complet de d'esespoir, un nouveau policier para^it. Celui-l`a affecte d’^etre bon type. Il cause, il plaisante avec le prisonnier, il ne prend pas son affaire au s'erieux. `A l’entendre, tout s’arrange, l’important, c’est de ne pas rousp'eter et de ne pas nier ce qui n’est pas niable.

Le policier va quelquefois, et de l`a vient le terme de

« cuisine », jusqu’`a offrir `a sa victime un bon repas qu’il fait venir d’un restaurant voisin. Il d^ine lui-m^eme avec le prisonnier, les verres se heurtent, on devient copains et, tout naturellement, l’homme arr^et'e perd de sa m'efiance, croit avoir trouv'e un ami, se confesse, avoue, demande des conseils…

Alors, il est perdu !

La cuisine a r'eussi.

L’agent qui vient de se conduire comme un mouchard r'edige un rapport, note les aveux, les communique au juge d’instruction.

C’est une tra^itrise de plus, c’est un succ`es de plus aussi pour le policier !

Juve, maintes fois, avait protest'e contre l’usage de pareilles pratiques. M. Havard s’ent^etait `a les tol'erer.

— Bon ! bon ! pensa Juve, constatant l’embarras de son chef. Si par hasard il trinquait, ce ne serait pas vol'e !

Mais le ministre de l’int'erieur avait 'evidemment d’autres pr'eoccupations `a ce moment et ne songeait pas `a gourmander M. Havard.

— Pressons-nous, murmurait-il. Si nous interrogions ces gens ?

Un timbre retentit `a nouveau. Cuche parut.

— Avertissez `a la permanence, ordonna M. Havard, qu’on fasse monter les deux individus qui attendent !

Il fallut quelques secondes pour que l’ordre s’ex'ecut^at.

Enfin, la porte du cabinet du chef s’ouvrit, Mon-Gnasse et la Puce entr`erent. Mon-Gnasse avait le visage fleuri, et la Puce elle-m^eme paraissait d’excellente humeur. Mon-Gnasse, d’ailleurs, s’essuyait la bouche du revers de la manche, il sentait encore le vin.

— Et voil`a ! annoncait-il en entrant, se dandinant sur ses hanches et inspectant d’un coup d’oeil le cabinet du chef de la S^uret'e. Bonsoir, m’sieurs dames !… Tout d’m^eme, on aurait bien pu nous laisser finir le gueul’ton ! Quoi qu’y n’y a ?

L’attitude de Mon-Gnasse, imm'ediatement, renseigna M. Havard.

Assur'ement, si l’apache se tenait ainsi, c’est qu’il n’avait rien avou'e du tout, c’est que la cuisine, interrompue trop t^ot peut-^etre, n’avait pas encore eu de r'esultats.

M. Havard, furieux, se fit brusque et cassant.

— Taisez-vous, ordonnait-il, avancez !

Mais ni Mon-Gnasse ni la Puce n’ob'eissaient. La Puce, d’ailleurs, regardait les ministres, un large sourire 'epanouissant sa figure :

— Ah, mince de flics, alors ! l^achait-elle. Non, mais qu’est-ce qu’on nous veut donc ?

Le ministre de la Justice pouffa, cependant que ses coll`egues gardaient avec peine leur s'erieux.

Alors la Puce ne retint pas sa gaiet'e.

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