Том 3. Публицистические произведения
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Je me suis adress'e a vous, monsieur, parce que, ainsi que je l’ai reconnu, la «Gazette Universelle» est plus qu’un journal pour l’Allemagne; c’est un pouvoir, et un pouvoir qui, je le d'eclare bien volontiers, r'eunit `a un haut degr'e le sentiment national et l’intelligence politique: c’est au nom de cette double autorit'e que j’ ai essay'e de vous parler.
La disposition d’esprit que l’on a cr'e'ee, que l’on cherche `a propager en Allemagne `a l’'egard de la Russie, n’est pas encore un danger; mais elle est bien pr`es de le devenir… Cette disposition d’esprit ne changera rien, j’en ai la conviction, aux rapports actuellement existants entre les gouvernements allemands et la Russie; mais elle tend `a fausser de plus en plus la conscience publique sur une des questions les plus graves qu’il y ait pour une nation, sur la question de ses alliances… Elle tend en pr'esentant sous les couleurs les plus mensong`eres la politique la plus nationale que l’Allemagne ait jamais suivie, `a jeter la division dans les esprits, `a pousser les plus ardents, les plus inconsid'er'es dans des voies pleines de p'eril, dans des voies o`u la fortune de l’Allemagne s’est d'ej`a fourvoy'ee plus d’une fois… Qu’une crise 'eclate en Europe, que la querelle s'eculaire, d'ecid'ee il y a trente ans en votre faveur, vienne `a se rallumer, la Russie certainement ne manquera pas `a vos souverains, pas plus que ceux-ci ne manqueront `a la Russie; mais c’est alors aussi qu’on aura probablement `a r'ecolter ce que l’on s`eme aujourd’hui: la division des esprits aura port'e ses fruits, et ces fruits pourraient ^etre amers pour l’Allemagne; ce seraient, je le crains bien, de nouvelles d'efections et des d'echirements nouveaux. Et alors, monsieur, vous auriez trop cruellement expi'e le tort d’avoir 'et'e un moment injustes envers nous.
Voil`a, monsieur, ce que j’avais `a vous dire. Vous ferez de ma parole l’usage qui vous para^itra le plus convenable.
Agr'eez, etc.
1844
3аписка*
En allant au fond de cette malveillance qui se manifeste contre nous en Europe et si l’on met de c^ot'e les d'eclamations, les lieux communs de la pol'emique quotidienne, on y trouve cette id'ee:
«La Russie tient une place 'enorme dans le monde et cependant elle ne repr'esente que la force mat'erielle, rien que cela».
Voil`a le v'eritable grief, tous les autres sont accessoires ou imaginaires.
Comment est n'ee cette id'ee et quelle en est la valeur?
Elle est le produit d’une double ignorance: de celle de l’Europe et de la notre propre. L’une est la cons'equence de l’autre. Dans l’ordre moral, une soci'et'e, une civilisation qui a son principe en elle-m^eme, ne saurait ^etre comprise des autres qu’autant qu’elle se comprend elle-m^eme: la Russie est un monde qui commence `a peine `a avoir la conscience de son principe. Or, c’est la conscience de son principe qui constitue pour un pays sa l'egitimit'e historique. Le jour o`u la Russie aura pleinement reconnu le sien, elle l’aura de fait impos'e au monde. En effet de quoi s’agit-il entre l’Occident et nous? Est-ce de bonne foi que l’Occident a l’air de se m'eprendre sur ce que nous sommes? Est-ce s'erieusement qu’il pr'etend ignorer nos titres historiques? —
Avant que l’Europe occidentale ne se f^ut constitu'ee, nous existions d'ej`a et certes nous existions glorieusement. Toute la diff'erence c’est qu’alors on nous appelait l’Empire d’Orient, l’Eglise d’Orient; ce que nous 'etions alors, nous le sommes encore.
Qu’est-ce que l’Empire d’Orient? C’est la transmission l'egitime et directe du pouvoir supr^eme du pouvoir des C'esars. C’est la souverainet'e pleine et enti`ere, ne relevant pas, n’'emanant pas, comme les pouvoirs de l’Occident, d’une autorit'e ext'erieure quelle qu’elle puisse ^etre, portant son principe d’autorit'e en elle-m^eme, mais r'egl'ee, contenue et sanctifi'ee par le Christianisme.
Qu’est-ce que l’Eglise d’Orient? C’est l’Eglise universelle.
Voil`a les deux seules questions sur lesquelles doit rouler toute pol'emique s'erieuse entre l’Occident et nous. Tout le reste n’est que du verbiage. Plus nous nous serons p'en'etr'es de ces deux questions et plus nous serons forts vis-`a-vis de notre adversaire. Plus nous serons nous-m^emes. A bien consid'erer les choses, la lutte entre l’Occident et nous n’a jamais cess'e. Il n’y a pas m^eme eu de tr^eve, il n’y a eu que des intermittences de combat. Maintenant, `a quoi bon se le dissimuler? Cette lutte est sur le point de se rallumer plus ardente que jamais et cette fois encore comme autrefois, comme toujours, c’est l’Eglise de Rome, l’Eglise latine qui est `a l’avant-garde de l’ennemi.
Eh bien, acceptons le combat, franchement, r'esolument. Qu’en face de Rome l’Eglise d’Orient n’oublie pas un seul instant qu’elle est l’h'eriti`ere l'egitime de l’Eglise universelle.
A toutes les attaques de Rome, `a toutes ses hostilit'es, nous n’avons qu’une arme `a opposer, mais elle est terrible: c’est son histoire, c’est l’histoire de son pass'e. Qu’a fait Rome? Comment a-t-elle acquis le pouvoir qu’elle s’est arrog'e? Par une usurpation flagrante des droits, des attributions de l’Eglise universelle.
Comment a-t-elle cherch'e `a justifier cette usurpation? Par la n'ecessit'e de maintenir l’unit'e de la foi. Et pour arriver `a ce r'esultat, elle ne s’est refus'e aucun moyen, ni la violence, ni la ruse, ni les b^uchers, ni les J'esuites. Pour maintenir l’unit'e de la foi elle n’a pas craint de d'enaturer le Christianisme. Eh bien, o`u en est depuis trois si`ecles l’unit'e de la foi dans l’Eglise occidentale? Rome il y a trois si`ecles a livr'e la moiti'e de l’Europe `a l’h'er'esie et l’h'er'esie l’a livr'ee `a l’incr'edulit'e. Tel est le fruit que le monde chr'etien a recueilli de cette dictature de plusieurs si`ecles que le si`ege de Rome s’est arrog'ee sur l’Eglise au m'epris des conciles. Il n’a pas craint de se mettre en r'ebellion contre l’Eglise universelle; d’autres n’ont pas h'esit'e `a se r'evolter contre lui. Ceci n’est que de la justice Providentielle qui est au fond de toutes les choses du monde.
Voil`a pour la question purement religieuse dans ces diff'erends avec Rome. Maintenant si on en venait `a appr'ecier l’action politique que Rome a exerc'ee sur les diff'erents 'etats de l’Europe
Occidentale, bien qu’elle nous touch^at de moins pr`es, quelle terrible accusation n’aurait-on pas `a faire peser sur elle! —
N’est-ce pas Rome, n’est-ce pas la politique ultramontaine qui a d'esorganis'e, d'echir'e l’Allemagne, qui a tu'e l’Italie? L’Allemagne, elle l’a d'esorganis'ee en y minant le pouvoir imp'erial; elle l’a d'echir'ee en y provoquant la r'eformation. Quant `a l’Italie, la politique de Rome l’a tu'ee en emp^echant par tous les moyens et `a toutes les 'epoques l’'etablissement dans ce pays d’une autorit'e souveraine, l'egitime et nationale. Ce fait a d'ej`a 'et'e signal'e il y a plus de trois si`ecles par le plus grand des historiens de l’Italie moderne.
Et en France, pour ne parler que des temps les plus rapproch'es de nous, n’est-ce pas l’influence ultramontaine qui a 'ecras'e, qui a 'eteint ce qu’il y avait de plus pur, de plus vraiment chr'etien dans l’Eglise gallicane? N’est-ce pas Rome qui a d'etruit le Port-Royal et qui apr`es avoir d'esarm'e le Christianisme de ses plus nobles d'efenseurs, l’a pour ainsi dire livr'e par les mains des J'esuites aux attaques de la Philosophie du dix-huiti`eme si`ecle? Tout ceci, h'elas, c’est de l’Histoire, et de l’Histoire contemporaine.
Maintenant pour ce qui nous concerne personnellement, lors m^eme que nous passerions sous silence nos propres injures, l’histoire de nos malheurs au dix-septi`eme si`ecle, comment pouvons-nous taire ce que la politique de cette cour a 'et'e, pour ces peuples qu’une fraternit'e de race et de langue rattache `a la Russie et que la fatalit'e en a s'epar'es. On peut dire avec toute justice que si l’Eglise latine par ses abus et ses exc`es a 'et'e funeste `a d’autres pays, elle a 'et'e par principe l’ennemie personnelle de la race Slave. La conqu^ete allemande elle-m^eme n’a 'et'e qu’une arme, qu’un glaive docile entre ses mains. C’est Rome qui en a dirig'e et assur'e les coups. Partout o`u Rome a mis le pied parmi les peuples slaves, elle a engag'e une guerre `a mort contre leur nationalit'e. Elle l’a an'eantie ou elle l’a d'enatur'ee. Elle a d'enationalis'e la Boh^eme et d'emoralis'e la Pologne; elle en aurait fait autant de toute la race si elle n’avait pas rencontr'e la Russie sur son chemin. De l`a la haine implacable qu’elle nous a vou'ee. Rome comprend que dans tout pays slave o`u la nationalit'e de la race n’est pas encore tout `a fait morte, la Russie par sa seule pr'esence, par le seul fait de son existence politique l’emp^echera de mourir et que partout o`u cette nationalit'e tendrait `a rena^itre, elle ferait courir de terribles chances `a l’'etablissement Romain. Voil`a o`u nous en sommes vis-`a-vis de la cour de Rome. Voil`a le bilan exact de notre situation respective. Eh bien, est-ce avec de pareils ant'ec'edents historiques que nous craindrions d’accepter le d'efi qu’elle pourrait nous jeter? Comme Eglise nous avons `a lui demander compte au nom de l’Eglise universelle de ce d'ep^ot de la foi, dont elle a cherch'e `a s’attribuer la possession exclusive m^eme au prix d’un schisme. Comme puissance politique, nous avons pour alli'ee contre elle l’histoire de son pass'e, les rancunes de la moiti'e de l’Europe et les trop justes griefs de notre propre race.
Quelques-uns s’imaginent que la r'eaction religieuse dont l’Europe est en ce moment travaill'ee pouvait tourner au profit exclusif de l’Eglise latine; c’est selon moi une grande illusion. Il y aura, je le sais bien, dans l’Eglise Protestante beaucoup de conversions partielles, jamais une conversion g'en'erale. Ce qui a surv'ecu du principe catholique dans l’Eglise latine, attirera toujours tous ceux parmi les protestants qui, fatigu'es des fluctuations de la r'eforme, aspirent `a rentrer au port, `a se replacer sous la loi de l’autorit'e catholique, mais les souvenirs de la cour de la Rome, mais l’ultramontanisme enfin, les repoussent 'eternellement.