Том 3. Публицистические произведения
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Au treizi`eme si`ecle la domination de l’Occident pr'etendait s’approprier ces pays directement et les gouverner en son propre nom; maintenant faute de mieux on cherchera `a y provoquer, `a y favoriser l’'etablissement de petites nationalit'es b^atardes, de petites existences politiques, soi-disant ind'ependantes, vains simulacres bien mensongers, bien hypocrites, bons, tout au plus, `a masquer la r'ealit'e, et cette r'ealit'e ce serait maintenant comme alors: la domination de l’Occident.
Ce qui vient d’^etre tent'e en Gr`ece est une grande r'ev'elation et devrait servir d’enseignement `a tout le monde. Il est vrai que jusqu’`a pr'esent la tentative ne para^it gu`ere avoir profit'e `a ceux qui en ont 'et'e les instigateurs. L’arme a r'epercut'e contre la main qui s’en est servie. Et cette r'evolution qui apr`es avoir annul'e un pouvoir d’origine 'etrang`ere para^it avoir restitu'e l’initiative `a des influences plus nationales, pourrait fort bien en d'efinitive aboutir `a resserrer le lien qui rattache ce petit pays au grand tout, dont il n’est qu’une fraction.
Il faut se dire d’ailleurs que tout ce qui se passe ou se passerait en Gr`ece ne sera jamais qu’un 'episode, un d'etail de la grande lutte entre l’Occident et nous. Ce n’est pas l`a-bas, aux extr'emit'es que l’immense question sera d'ecid'ee. C’est ici, parmi nous, au centre, au coeur m^eme de ce monde de l’Orient Chr'etien, de l’Orient Europ'een que nous repr'esentons, de ce monde qui est nous-m^eme. Ses destin'ees d'efinitives qui sont aussi les n^otres, ne d'ependent que de nous; elles d'ependent avant tout du sentiment plus ou moins 'energique qui nous lie, qui nous identifie l’un `a l’autre.
R'ep'etons-le donc et ne nous lassons pas de le redire: l’Eglise d’Orient est l’Empire orthodoxe, l’Eglise d’Orient h'eriti`ere l'egitime de l’Eglise universelle, l’Empire orthodoxe identique dans son principe, 'etroitement solidaire dans toutes ses parties. Est-ce l`a ce que nous sommes? ce que nous voulons ^etre? Est-ce l`a ce que l’on pr'etend nous contester?
Voil`a, pour qui sait voir, toute la question entre nous et la propagande occidentale; c’est le fond m^eme du d'ebat. Tout ce qui n’est pas cela, tout ce qui dans la pol'emique de la presse 'etrang`ere ne se rattache pas `a cette grande question plus ou moins directement comme une cons'equence `a son principe, ne m'erite pas un instant d’occuper notre attention. C’est de la d'eclamation pure.
Pour nous, nous ne saurions nous p'en'etrer assez intimement de ce double principe historique de notre existence nationale. C’est le seul moyen de tenir t^ete `a l’esprit de l’Occident, de mettre un frein `a ses pr'etentions comme `a ses hostilit'es.
Jusqu’`a pr'esent, avouons-le, dans les rares occasions o`u nous avons pris la parole pour nous d'efendre contre ses attaques, nous l’avons fait, `a une ou deux exceptions pr`es, d’une mani`ere trop peu digne de nous. Nous avions trop l’air d’'ecoliers cherchant par de gauches apologies `a d'esarmer la mauvaise humeur de leur ma^itre.
Quand nous saurons mieux qui nous sommes, nous ne nous aviserons plus de faire amende honorable `a qui que ce soit d’^etre ce que nous sommes.
Et que l’on ne s’imagine pas qu’en proclamant hautement nos titres nous ajouterions `a l’hostilit'e de l’opinion 'etrang`ere `a notre 'egard. Ce serait bien peu conna^itre l’'etat actuel des esprits en Europe.
Encore une fois ce qui fait le fond de cette hostilit'e, ce qui vient en aide `a la malveillance qu’ils exploitent contre nous, c’est cette opinion absurde et pourtant si g'en'erale que tout en reconnaissant, en s’exag'erant peut-^etre nos forces mat'erielles, on en est encore `a se demander si toute cette puissance est anim'ee d’une vie morale, d’une vie historique qui soit propre. Or, l’homme est ainsi fait, surtout l’homme de notre 'epoque, qu’il ne se r'esigne `a la puissance physique qu’en raison de la grandeur morale qu’il y voit attach'e.
Chose bizarre en effet, et qui dans quelques ann'ees para^itra inexplicable. Voil`a un Empire qui par une rencontre sans exemple peut-^etre dans l’histoire du monde, se trouve `a lui seul repr'esenter deux choses immenses: les destin'ees d’une race toute enti`ere et la meilleure, la plus saine moiti'e de l’Eglise Chr'etienne.
Et il y a encore des gens qui se demandent s'erieusement quels sont les titres de cet Empire, quelle est sa place l'egitime dans le monde!.. Serait-ce que la g'en'eration contemporaine est encore tellement perdue dans l’ombre de la montagne qu’elle a de la peine `a en apercevoir le sommet?..
Il ne faut pas l’oublier d’ailleurs: pendant des si`ecles l’Occident Europ'een a 'et'e en droit de croire que moralement parlant il 'etait seul au monde, qu’`a lui seul il 'elait l’Europe toute enti`ere. Il a grandi, il a v'ecu, il a vieilli dans cette id'ee, et voil`a qu’il s’apercoit maintenant qu’il s’'etait tromp'e, qu’il y avait `a c^ot'e de lui une autre Europe, sa soeur cadette peut-^etre, mais en tout cas sa soeur bien l'egitime, qu’en un mot il n’'etait lui que la moiti'e du grand tout. Une pareille d'ecouverte est une r'evolution tout enti`ere entra^inant apr`es elle le plus grand d'eplacement d’id'ees qui se soit jamais accompli dans le monde des intelligences.
Est-il 'etonnant que de vieilles convictions luttent de tout leur pouvoir contre une 'evidence qui les 'ebranle, qui les supprime? et ne serait-ce pas `a nous de venir en aide `a cette 'evidence, `a la rendre invincible, in'evitable? Que faudrait-il faire pour cela?
Ici je touche `a l’objet m^eme de cette courte notice. Je concois que le gouvernement Imp'erial ait de tr`es bonnes raisons pour ne pas d'esirer qu’`a l’int'erieur, dans la presse indig`ene, l’opinion s’anime trop sur des questions bien graves, bien d'elicates en effet, sur des questions qui touchent aux racines m^emes de l’existence nationale; mais au dehors, mais dans la presse 'etrang`ere, quelles raisons aurions-nous pour nous imposer la m^eme r'eserve? Quels m'enagements avons-nous encore `a garder vis-`a-vis d’une opinion ennemie qui, se pr'evalant de notre silence, s’empare tout `a son aise de ces questions et les r'esout l’une apr`es l’autre, sans contr^ole, sans appel, et toujours dans le sens le plus hostile, le plus contraire `a nos int'er^ets. Ne nous devons-nous pas `a nous-m^eme de faire cesser un pareil 'etat de choses? Pouvons-nous encore nous en dissimuler les grands inconv'enients? et qu’est-il n'ecessaire de rappeler le d'eplorable scandale d’apostasie r'ecente tant politique que religieuse… et ces apostasies auraient-elles 'et'e possibles si nous n’avions pas b'en'evolement, gratuitement livr'e `a l’opinion ennemie le monopole de la discussion?
Je pr'evois l’objection que l’on va me faire. On est, je le sais, trop dispos'e chez nous `a s’exag'erer l’insuffisance de nos moyens, `a se persuader que nous ne sommes pas de force `a engager avec succ`es la lutte sur un pareil terrain. Je crois que l’on se trompe; je suis persuad'e que nos ressources sont plus grandes qu’on ne se l’imagine; mais m^eme en laissant de c^ot'e nos ressources indig`enes, ce qui est certain, c’est que l’on ne conna^it pas assez chez nous les forces auxiliaires que nous pourrions trouver au dehors. En effet, quelque soit la malveillance apparente et souvent trop r'eelle de l’opinion 'etrang`ere `a notre 'egard, nous n’appr'ecions pas assez ce que dans l’'etat de fractionnement o`u sont tomb'es en Europe les opinions aussi bien que les int'er^ets, une grande, une importante unit'e comme l’est la n^otre, peut exercer d’ascendant et de prestige sur des esprits que ce fractionnement pouss'e `a l’extr^eme a r'eduit au dernier degr'e de lassitude.
Nous ne savons pas assez combien on y est avide de tout ce qui offre des garanties de dur'ee et des promesses d’avenir… comme on y 'eprouve le besoin de se rallier ou m^eme de se convertir `a ce qui est grand et fort. Dans l’'etat actuel des esprits en Europe, l’opinion publique, toute indisciplin'ee, toute ind'ependante qu’elle paraisse, ne demande pas mieux au fond que d’^etre violent'ee avec grandeur. Je le dis avec une conviction profonde: l’essentiel, le plus difficile pour nous, c’est d’avoir foi en nous-m^eme; d’oser nous avouer `a nous-m^eme toute la port'ee de nos destin'ees, d’oser l’accepter tout enti`ere. Ayons cette foi, ce courage. Ayons le courage d’arborer notre v'eritable drapeau dans la m^el'ee des opinions qui se disputent l’Europe, et il nous fera trouver des auxiliaires l`a m^eme o`u jusqu’`a pr'esent nous n’avions rencontr'e que des adversaires. Et nous verrons se r'ealiser une magnifique parole, dite dans une circonstance m'emorable. Nous verrons ceux-l`a m^eme qui jusqu’`a pr'esent se d'echa^inaient contre la Russie ou cabalaient en secret contre elle, se sentir heureux et fiers de se rallier `a elle, de lui appartenir.