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ЖАНРЫ

L'agent secret (Секретный агент)
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Un dimanche soir, entra^in'e par ses camarades, il 'etait all'e au Caf'e-Concert de Ch^alons.

Vinson fr'equentait quelques sous-officiers un peu plus riches que lui… Sans ^etre des prodigues, ces jeunes gens avaient la d'epense assez facile, et `a maintes reprises d'ej`a, Vinson, pour ne pas ^etre en reste avec eux, avait sollicit'e et obtenu de sa m`ere des envois d’argent.

Ce soir-l`a, apr`es le concert, on avait invit'e quelques chanteuses de l’'etablissement `a venir souper en cabinet particulier et Vinson, au cours de la f^ete, s’'etait trouv'e attir'e, s'eduit par une grande fille aux cheveux teints, aux joues 'emaci'ees, aux yeux brillants et dont l’allure faubourienne et parigote l’avait subjugu'e.

Vinson, de son c^ot'e, visiblement ne faisait pas une mauvaise impression sur la chanteuse. La conversation s’'etait prolong'ee fort avant. Vers quatre heures du matin, le caporal et la chanteuse se retrouvaient la t^ete surchauff'ee, l'eg`erement gris'es par les alcools, sur le boulevard d'esert de Ch^alons, alors que le jour pointait. La permission de Vinson n’expirait que le lendemain soir ; Nichoune lui avait offert l’hospitalit'e de sa chambre meubl'ee… Ensuite ils avaient v'ecu l’aventure classique et lamentable de ces amants et ma^itresses unis dans la d'ebauche par le hasard, et qui se croient li'es l’un `a l’autre par une cha^ine indissoluble.

La chanteuse avait harcel'e le caporal de ses demandes d’argent.

Peu `a peu, la m`ere de Vinson avait mis le hol`a aux d'epenses et le caporal, incapable de rompre avec Nichoune, commenca `a s’endetter dans la ville…

— Il m’arrivait quelquefois, lorsque, `a la suite d’une dispute, j’avais momentan'ement quitt'e Nichoune, ou lorsque je savais qu’elle recevait un amant, de partir la rage au coeur. Un certain samedi, enfourchant ma fid`ele b'ecane pour abattre des kilom`etres sur la grande route poudreuse qui longe le camp, je fis une course rapide, puis m’'etant assis `a l’ombre d’un arbre, le long d’un foss'e, je commencais `a m’endormir. Un cycliste, dont le pneumatique 'etait crev'e, me demanda de lui pr^eter ma trousse pour le r'eparer, et tandis que la dissolution s'echait, nous caus^ames. C’'etait un homme d’une trentaine d’ann'ees, 'el'egamment habill'e. `A la facon dont il s’exprimait, on sentait que l’on avait affaire `a un homme du monde.

« Il voyageait, me disait-il, en touriste, et visitait pr'ecis'ement les environs de Reims et de Ch^alons…

« — Pas bien pittoresque le pays ! lui dis-je…

« — C’est int'eressant… dit-il, par exemple les routes sont compliqu'ees !…

« Je me mis `a rire, et comme il insistait sur la difficult'e qu’il 'eprouvait `a se diriger dans la r'egion, je lui offris de regarder avec moi la carte d’'Etat-Major dont j’avais un exemplaire dans ma vareuse… Ah ! monsieur… comme Alfred jouait bien la com'edie ! je ne vous ai pas encore dit qu’il s’appelait Alfred ou, du moins, qu’on le d'esignait sous ce nom-l`a ? le seul que j’aie d’ailleurs jamais connu… ah, monsieur !

« Il parut absolument stup'efi'e `a la vue de cette carte, cependant tr`es ordinaire et pr'etendit me l’acheter `a toute force. Moi je ne voulais pas, il m’en proposa cinq francs. Comme je m’'etonnais qu’il n’attend^it point d’^etre `a Ch^alons, o`u il pourrait se procurer la m^eme moyennant vingt sous, Alfred me d'eclara :

« — Bah ! ca me fait plaisir de vous la payer ce prix-l`a… c’est une facon de vous remercier de m’avoir pr^et'e votre trousse. Ma foi, monsieur Fandor, j’'etais bien trop dans la d`eche pour refuser. J’ai accept'e donc, en m’excusant : le militaire n’est pas riche…

« Je passe sur les d'etails… En me reconduisant `a la caserne, Alfred, en qui j’avais toute confiance, car il avait vraiment l’air d’un chic type, voulut `a toute force me pr^eter de l’argent. Je lui avais parl'e de Nichoune et aussi de mes difficult'es. Il me glissa d’autorit'e un louis dans la main :

« — Quand vous serez redevenu civil, dit-il, vous vous arrangerez bien pour me rembourser, et puis d’ailleurs, je vais vous demander d’ici peu de me rendre quelques services, je vous paierai pour cela… Vous comprenez bien, monsieur Fandor, que je n’avais aucune raison de refuser, surtout qu’il m’offrait cela tr`es gentiment et qu’il tombait `a un moment o`u, je dois le reconna^itre, j’aurais fait n’importe quoi.

« Nous nous sommes revus bien des fois depuis lors ; Alfred m’invitait toujours, et souvent avec Nichoune ; jamais il ne voulait me laisser payer ; j’avoue d’ailleurs, que la plupart du temps j’aurais bien 'et'e en peine de le faire… Nos rendez-vous avaient toujours lieu hors de la ville o`u il n’aimait pas rester, parce que, pr'etendait-il, l’air 'etait mauvais pour ses poumons tr`es d'elicats. Il s’int'eressait `a tout, particuli`erement `a l’aviation et sans cesse il me faisait le piloter dans le camp des aviateurs. – Toi qui dessines bien, me disait-il, fais-moi donc un plan de cet appareil… explique-moi comment sont construits ces baraquements… Il m’interrogeait aussi sur les effectifs des r'egiments, sur les 'etats qui me passaient par les mains dans les bureaux… Enfin un jour, comme je ne comprenais pas o`u il voulait en venir, Alfred me cassa le morceau :

« — Vinson, me dit Alfred, j’ai confiance en toi, tu connais aussi ma discr'etion, eh bien, j’ai une affaire superbe qui va nous rapporter beaucoup d’argent. Un 'etranger poss`ede un document tr`es int'eressant, que l’on appr'ecierait beaucoup `a l’'Etat-Major du 6 eCorps. Il a besoin d’argent et serait dispos'e `a le vendre ; j’ai essay'e de le lui acheter, mais je n’avais pas les fonds n'ecessaires… Je cherchais une combinaison, lorsque cet 'etranger me demanda de lui procurer quelques photographies des casernes de Ch^alons, en 'echange desquelles il me donnerait son document. Il a besoin de ces photographies pour faire des cartes postales. Si nous pouvons les lui fournir dans trois jours, non seulement il nous donnera son papier important, mais encore il paiera chaque 'epreuve vingt francs pi`ece…

« Ah ! monsieur Fandor, toute cette histoire-l`a ne tenait pas debout, mais j’eus la faiblesse d’y croire… ou tout au moins de faire semblant !… d’ailleurs, la proposition d’Alfred venait `a pic ; je n’avais plus un sou vaillant. Nichoune faisait un tapage 'epouvantable et c’est `a peine si j’osais sortir dans les rues, tant j’avais de cr'eanciers. Plus tard, j’ai su que c’'etait l`a un proc'ed'e qu’on emploie pour “amorcer” les indicateurs. On leur fait livrer d’abord des choses insignifiantes qu’on leur paie tr`es cher, ensuite, on les boucle… Les photographies faites, j’ai rejoint Alfred qui m’avait dit d’obtenir `a tout hasard une permission de quarante-huit heures. Alfred m’a entra^in'e `a la gare. Il avait deux billets, nous partions pour Nancy o`u se trouvait, disait-il, l’acheteur. `A Nancy, personne.

« Soudain, vers quatre heures de l’apr`es-midi, Alfred me dit : Bah ! n’h'esitons plus, si l’'etranger n’est pas venu c’est qu’il nous attend ailleurs, je sais o`u… allons donc le rejoindre… `a Metz… `A Metz ? mais il faut passer la fronti`ere et je n’ai pas… Alfred m’interrompt. Il ouvre une armoire, en tire des v^etements civils, puis dans un tiroir une fausse barbe.

« Au bout d’une demi-heure, nous nous 'etions travestis. Une heure apr`es nous d'ebarquions en Lorraine. C’est l`a que, pour la premi`ere fois, j’ai commenc'e `a avoir peur, car il m’a sembl'e qu’en sortant de la gare de Metz, Alfred venait d’'echanger un coup d’oeil avec le gendarme de service. Ah ! monsieur Fandor, comme je l’ai regrett'e ce voyage. Sit^ot en pays 'etranger, Alfred a chang'e d’attitude `a mon 'egard. Ce n’'etait plus un ami, mais un ma^itre que j’avais. Il me tenait, le brigand, et joliment bien !

« — O`u allons-nous ? lui ai-je demand'e. Alfred ricana : — Parbleu ! tu t’en doutes, qu’il me r'epond, chez le major Schwartz, dans la Wornerstrasse, au Bureau des Renseignements… — Je n’irai pas ! Alfred me lance un coup d’oeil menacant. — Tu viendras ! me fit-il `a voix basse. Songe donc que si tu refusais, au bout de cinq minutes la police t’aurait d'emasqu'e !…

« Il n’y avait rien `a faire. Je le connaissais d'ej`a de r'eputation ce Bureau des Renseignements, Alfred m’en avait parl'e. C’'etait un vaste appartement au premier 'etage d’une maison bourgeoise, o`u travaillaient de nombreux employ'es en civil, mais qui tous ont l’allure militaire. On attend dans une large pi`ece remplie de dessinateurs, de dactylographes, sur le mur s’'etale une carte `a grande 'echelle de la fronti`ere des Vosges. Alfred se fait annoncer. Quelques instants apr`es nous sommes introduits dans un bureau. Un gros homme assis derri`ere une table encombr'ee de dossiers nous regarde par-dessus ses lunettes. Chauve, une 'epaisse barbe blonde taill'ee en carr'e. Sans mot dire, il examine les photographies, les jette n'egligemment sur une 'etag`ere et prend dans son tiroir dix louis en monnaie francaise qu’il me compte… De document en 'echange… plus question.

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