L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Si. Je suis certain de le reconna^itre, Madame.
— Vraiment ?
Brusquement, Sonia, du bout de son poignard introduit en guise de levier, venait de faire sauter la serrure du portefeuille.
Et, `a peine eut-elle jet'e un coup d’oeil, qu’elle 'eclata d’un grand rire :
— Nous sommes jou'es, Juve et Fandor se sont moqu'es de nous. Voyez plut^ot, Ellis.
Et la jeune femme brandit une feuille de papier blanc prise dans la pochette de s^uret'e, une feuille de papier blanc sur laquelle on pouvait lire :
« Il y a portefeuille et portefeuille. Il y a documents et documents. Avis aux amateurs. »
11 – LA REMPLACANTE
Tandis qu’Ellis Marshall, en compagnie de Sonia Danidoff, s’emparait du portefeuille rouge que Juve et Fandor promenaient depuis leur d'epart de Brest, les deux amis, embusqu'es au sommet du viaduc de Morlaix, ne perdaient pas un geste des deux agents diplomatiques.
Et Juve et Fandor, enthousiasm'es par le succ`es de leur ruse, ne se tenaient pas de joie, en v'erit'e, en constatant combien la jolie repr'esentante du gouvernement russe, tout comme le policier anglais, 'etaient tomb'es facilement dans le pi`ege tendu `a leur simplicit'e.
— Ma foi, Juve, s’'ecriait Fandor, qui venait de rire aux larmes, c’est une sc`ene digne du Palais-Royal que celle `a laquelle nous venons d’assister. Sonia volant un portefeuille qui n’a aucune valeur, se disputant poignard en main avec Ellis Marshall pour garder sa conqu^ete, puis, enfin, s’apercevant qu’elle est illusoire.
— Tu avoueras, Fandor, que j’ai 'et'e fort bien inspir'e en inventant cette ruse du portefeuille vide et en te parlant comme je l’ai fait, `a haute et intelligible voix, dans la cour de l’h^otel de Brest. Sonia et Ellis Marshall sont compl`etement d'epist'es. Apr`es avoir r'eussi `a nous voler ce portefeuille qui ne contenait rien, ils ne vont 'evidemment plus savoir o`u donner de la t^ete. N’en doute pas, tous deux, ils imagineront que nous n’avons jamais eu en notre possession le v'eritable portefeuille, et je gage qu’en cons'equence nous aurons la paix avec eux d’ici notre retour `a Paris.
— Vous avez raison, Juve ; il y a de grandes chances pour qu’Ellis Marshall et Sonia Danidoff nous laissent en paix, mais cela n’arrange pas d'efinitivement nos affaires. M^eme s’il ne leur prend pas fantaisie de nous attaquer encore pour s’assurer que nous ne cachons pas ailleurs le v'eritable portefeuille, nous ne devons pas oublier que nous avons toujours Fant^omas `a nos trousses. Il ne se serait pas laiss'e prendre `a votre invention du faux portefeuille, lui. Juve, que pensez-vous faire ?
— Pour une fois, confessa Juve, tu raisonnes avec un sang-froid parfait, mon brave Fandor, tu es bien inspir'e, en effet, en disant que, d'ebarrass'es d’Ellis Marshall et de Sonia, nous demeurons expos'es aux attentats de Fant^omas. Mais tu vas voir.
Juve et Fandor causaient toujours en haut du viaduc de Morlaix.
Le policier tira de son gousset la vieille montre d’argent, `a laquelle il tenait fort, car, un jour, la balle d’un bandit s’'etait 'ecras'ee sur son bo^itier, ce qui lui avait 'evit'e une horrible blessure. Il regarda l’heure, et annonca `a Fandor :
— Dans dix minutes, mon bon ami, va passer le rapide de Paris. J’y monterai tout bonnement, sans m^eme prendre de billet. Pour regagner la capitale. Et toi, Fandor, tu vas retourner `a l’h^otel, puis revenir `a petites journ'ees, par la route, en musant, en t’amusant si tu le peux. Cela te va-t-il ?
Fandor ne pouvait, bien entendu, qu’approuver son ami.
En se s'eparant, ils devaient g^ener Fant^omas. Le bandit ne saurait plus lequel d’entre eux 'etait en possession du portefeuille rouge, et de toutes mani`eres, Fandor y songeait, – si lui ou Juve devait tomber sous les coups du tortionnaire, l’un d’eux au moins r'eussirait `a rentrer dans la capitale, `a y attendre le Prince Nikita, `a lui donner les instructions qu’ils avaient `a lui donner pour lui permettre d’entrer en possession de l’inestimable document.
— S'eparons-nous donc, mon vieux Juve, et Dieu nous aide.
Mais, apr`es quelques instants de silence, Fandor ajoutait :
— Juve, je ne sais pourquoi, mais j’imagine que nous n’allons pas ^etre seulement l’un sans l’autre durant quatre jours. Eh bien, voulez-vous que nous convenions d’une chose ?
— De laquelle, Fandor ?
— De celle-ci : Juve, si dans trois mois, jour pour jour, nous ne sommes pas r'eunis, toute affaire cessante, l’un et l’autre, nous nous mettrons `a la recherche l’un de l’autre.
— Tu as raison, Fandor, prenons rendez-vous ici, ici, o`u, vraisemblablement, nul ne songerait dans l’avenir, `a supposer que nous pouvons nous rejoindre. Dans trois mois, jour pour jour, si nous ne nous sommes pas retrouv'es, nous viendrons nous chercher ici, et `a bient^ot.
— `A bient^ot, Juve, oui, `a bient^ot.
Et, apr`es une cordiale 'etreinte, Fandor quitta le policier, revint vers la gare d’o`u il sortit sans encombre, tandis que Juve prenait la direction des quais, o`u d'ej`a les voyageurs attendaient le rapide de Paris.
***
Trois jours avant le moment o`u Juve et Fandor se quittaient sur le viaduc de Morlaix, une sc`ene 'etrange se d'eroulait pr`es du manoir de Kergollen, au bas de la colline toute sem'ee d’ajoncs et de ronces sur laquelle s’'elevait le ch^ateau de dame Brigitte.
L`a se trouvait une roulotte de romanichels, dont les h^otes, le p`ere et la m`ere Zizi, incarnaient merveilleusement les types de la race errante par excellence.
Le p`ere Zizi, vannier de profession, 'etait un homme d’une soixantaine d’ann'ees, rest'e 'etrangement mince et souple et dont le type tzigane, brun `a en ^etre presque mul^atre, n’'etait pas d'epourvu de beaut'e. Il s’'etait mari'e jeune, avec celle qui 'etait devenue la m`ere Zizi.
`A force d’'economies, ils avaient pu acheter la roulotte, et depuis pr`es de trente ans, ils couraient au hasard des routes.
La m`ere Zizi, plus jeune que son mari d’une dizaine d’ann'ees 'etait, elle aussi, de la plus pure race boh'emienne. Ses cheveux bruns, cr'epus et boucl'es, entouraient un visage d’un ovale r'egulier. Elle avait les yeux profonds et doux et la voix m'elodieuse.
***
D’une foire `a l’autre, le p`ere Zizi conduisait la roulotte marron attel'ee de son vieux cheval blanc. On campait `a l’abri de quelque baraque plus importante, le p`ere Zizi dressait les tr'eteaux, et la m`ere Zizi, alors costum'ee en chasseresse, 'emerveillait les badauds par un exercice de tir `a la carabine. Le public affluait `a l’entr'ee de la petite tente du couple.
H'elas, le malheur est vite venu. Ce jour-l`a, pr'ecis'ement, le p`ere et la m`ere Zizi venaient de faire connaissance avec ce d'etestable visiteur. La m`ere Zizi qui n’'etait jamais malade, avait voulu cueillir le long d’une haie un fruit dont la bonne apparence l’avait s'eduite. En 'etendant le bras, elle s’'etait 'ecorch'ee `a une ronce de fer, si bien 'ecorch'ee qu’elle en avait maintenant le bas enfl'e, ce qui laissait `a pr'evoir que, de longtemps, il lui serait impossible de se livrer `a aucun exercice.