L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
Шрифт:
— Votre nom, madame ? Faites-moi la gr^ace de ne pas me quitter avant que je sache o`u vous revoir.
Lentement enfin, la grande dame laissa tomber de ses l`evres ces paroles :
— Je m’appelle Mathilde de Br'emonval et, dans deux jours, je serai `a Paris.
— Ah, madame, s’'ecria l’officier radieux, dans deux jours…
— N’oublions pas nos conventions. Retirez-vous, ex'ecutez votre promesse. Il faut que ce Jean-Marie sorte d’ici imm'ediatement, que vous le teniez 'eloign'e du manoir jusqu’au lever du jour. Promettez-moi qu’il en sera ainsi fait ?
— Je vous le jure, madame, vous avez ma parole.
Puis, il insista d’une voix tortur'ee d’'emotion :
— Une gr^ace encore, madame.
— Laquelle ?
— Votre main `a baiser.
D’un geste gracieux, la grande dame tendit `a l’officier ses jolis doigts, et le jeune homme les porta `a ses l`evres o`u il les maintint longuement.
***
Jean-Marie, maintenu au collet par Nikita, 'epaule d'emise, poignet foul'e, se laissa faire. Enfin, l’'equarrisseur s’expliqua :
— Vous n’^etes pas trop rosse pour moi, car maintenant que je suis d'emoli, vous pourriez me faire boucler, or, vous ne le faites pas. Une charit'e en vaut une autre. `A mon tour de vous rendre un service.
— En ^etes-vous donc capable ?
— Pourquoi pas ? fit Jean-Marie. Tout `a l’heure, j’ai entendu votre conversation avec la femme du manoir, une femme que je ne connais pas d’ailleurs, car moi qui suis depuis trois mois jardinier dans cette bo^ite, je n’ai jamais vu qu’une vieille toupie qui s’appelle dame Brigitte, et qui s’est bien gard'ee de se montrer ce soir. Je vous disais donc que j’ai entendu votre conversation. Vous ^etes de ceux qui cherchez le portefeuille ?
— Hein.
— H'e oui, la jolie rombi`ere avec qui vous avez jaspin'e pendant la moiti'e de la nuit ne vous a pas balanc'e des blagues. Elle ne sait pas o`u est le portefeuille. Seulement moi Jean-Marie, je le sais.
— O`u ?
— Il est entre les mains d’une femme, une jeune et une chouette, une qui n’a pas froid aux yeux, une m^ome `a la redresse, une qui est un peu l`a.
— Jean-Marie, si tu m’aides `a le retrouver, je te couvre d’or.
— Suffit d’avoir la poule, et l’oeuf d’or n’est pas loin. Mais attention, son poulailler, il est un peu gard'e.
— Et o`u est-il ?
— C’est simple. Vous aurez compris quand vous saurez que la fille de Fant^omas est sous les verrous `a la prison de Morlaix.
16 – PISTE ROMPUE
Nous avons laiss'e H'el`ene `a Morlaix, au moment o`u elle a bless'e Fandor, alors qu’elle 'etait persuad'ee que, comme tous les soirs, une cartouche truqu'ee chargeait l’arme qu’elle avait 'epaul'ee.
H'elas, la cartouche n’'etait pas `a blanc comme toujours jusque l`a.
Et ce J'er^ome Fandor qui surgissait l`a sans crier gare, J'er^ome qu’elle n’avait pas revu depuis le moment o`u on l’avait recueilli avec Juve `a bord du Skobeleff.
En attendant, le pand'emonium s’'etait d'echa^in'e dans la baraque.
La foule s’'etait jet'ee sur la jeune fille, hurlant `a mort. Il y avait surtout une sorte de colosse `a grosse voix qui r'eclamait l’intervention de la police.
Alors tout s’'etait brouill'e devant les yeux d’H'el`ene.
Arr^et'ee par les robustes gars qui eux, du moins, la prot'egeaient de la col`ere de la populace, accabl'ee, elle s’'etait laiss'ee conduire en prison sans m^eme protester.
Mais qu’allait-il se passer ?
Allait-on r'eellement la maintenir en 'etat d’arrestation ?
H'el`ene commencait `a se le demander. Elle attendait J'er^ome Fandor, qu’elle avait apercu s’en allant vers une pharmacie, se frottant l’'epaule vigoureusement, mais qui ne paraissait pas, somme toute, ^etre gri`evement bless'e.
Le commissaire avait fait entrer dans le local o`u il tenait ses assises, non seulement la jeune fille, mais encore tout un groupe de spectateurs qui demandaient `a ^etre entendus en qualit'e de t'emoins.
L`a, les t'emoins affirm`erent d’une seule voix que la jeune fille avait, de ses propres mains, et sous leurs yeux, remplac'e la cartouche truqu'ee par une v'eritable.
— C’est encore une histoire d’amoureux, criait un jeune homme `a mine d’ouvrier d’usine, encore une garce qui a voulu se venger de son amant. Elle a fait feu sur lui, expr`es.
Un autre, d’une bonne foi tout aussi apparente, affirmait :
— On a parfaitement vu quand elle a gliss'e la deuxi`eme cartouche.
Et d’autres, toujours aussi convaincus, s’acharnaient contre la malheureuse, victime sans s’en douter m^eme, de ce besoin de jouer un r^ole inn'e au coeur de certains.
Le commissaire ne pouvait rien 'evidemment contre des t'emoignages aussi pr'ecis et aussi concordants. Il signa un mandat de d'ep^ot.
Tant et si bien qu’H'el`ene couchait, le soir m^eme, dans la chambre de force de la maison de d'etenus de Morlaix, d’o`u elle devait ^etre, le lendemain, dirig'ee sur la prison de Brest.
— Monsieur le commissaire, protesta enfin H'el`ene, comme on s’appr^etait `a l’entra^iner, est-ce que vous n’allez pas interroger le jeune homme que j’ai bless'e ? Il serait le premier `a dire que je suis innocente et que tout ceci est le fait d’un horrible malentendu.
Malheureusement, le commissaire n’'ecouta pas cette requ^ete, il y attachait m^eme d’autant moins d’importance, qu’H'el`ene semblait la faire avec une r'eelle h'esitation, comme 'etant elle-m^eme peu convaincue de ce qu’elle avancait.
C’est qu’en v'erit'e, tout en parlant, la fille de Fant^omas venait d’^etre prise d’un doute affreux.
Litt'eralement boulevers'ee par la marche rapide des 'ev'enement dont elle 'etait victime, la jeune fille, qui n’avait rien compris `a ce qui lui arrivait, venait d’y trouver une explication tragique.
C’'etait si extraordinaire `a ses yeux, en effet, cette apparition de Fandor sur l’estrade o`u elle-m^eme allait faire feu, qu’elle se prenait `a se demander si le journaliste 'etait bien arriv'e l`a par hasard, si le coup de fusil n’avait pas 'et'e machin'e, combin'e par l’ami de Juve `a des fins qu’elle n’entrevoyait pas encore, mais qui devaient `a coup s^ur se rattacher `a l’implacable poursuite que le policier et le journaliste conduisaient contre son p`ere.