L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Mais, monsieur Ellis, je ne comprends pas du tout ce que vous me dites, c’est demain matin que je dois…
— Allo, vous 'etiez digne de passer `a la machine-guillotine pour l’'etendue et la grandeur de vos mensonges. Vous ne voulez pas avouer que vous m’avez t'el'ephon'e il y a une heure en m’annoncant l’arriv'ee d’un nouveau garcon venant ce soir au lieu de demain matin ? et vous ne m’avez pas envoy'e une sorte de fou incons'equent ?
— Mais, jamais de la vie, monsieur Marshall, jamais de la vie. Je ne comprends rien `a ce que vous me racontez. Je ne vous ai pas t'el'ephon'e. Je ne vous ai envoy'e personne. Vous avez 'et'e victime d’un escroc.
Le patron-coiffeur devait `a coup s^ur continuer `a protester, mais le malheureux Ellis Marshall ne l’entendit pas davantage.
Alors que suffoquant de rage, pris d’une de ces col`eres folles particuli`eres aux Anglais, il se penchait sur son t'el'ephone, pr^et `a foudroyer son interlocuteur par une bord'ee de jurons, il perdit compl`etement notion de tout ce qui l’entourait.
C’est alors en effet que, sans qu’il e^ut eu le temps de pousser un cri, sans qu’il e^ut vu qui l’attaquait, sans s’^etre apercu que d’une armoire voisine doucement ouverte, un homme enti`erement v^etu de noir, le visage masqu'e d’une longue cagoule noire, 'etait sorti, s’'etait approch'e de lui, avait lev'e la main, Ellis Marshall, la gorge horriblement taillad'ee par un furieux coup de rasoir, laissa choir l’appareil t'el'ephonique et, poussant un r^ale 'etouff'e, tomba `a la renverse, inond'e de sang.
Moins de trois secondes plus tard, le malheureux baronnet avait cess'e de vivre.
Non seulement, en effet, l’assassin ne manifestait aucune 'emotion, mais m^eme il 'eclata de rire et y alla de son soliloque :
— Pas un cri, pas une exclamation. J’ai toujours le geste vif, la main s^ure. Je puis encore compter faire de jolies choses dans ma vie.
Tout en monologuant, le sinistre bandit ne perdait pas son temps.
Apr`es s’^etre assur'e qu’Ellis Marshall 'etait bien mort, en effet, il jeta le rasoir qui lui avait servi `a perp'etrer son crime, puis il se dirigea vers le lit o`u quelques minutes auparavant le baronnet anglais avait d'epos'e le veston qu’il portait le matin m^eme.
C’est avec une visible anxi'et'e que Fant^omas s’empara de ce v^etement.
Il le tourna et le retourna dans tous les sens, et, soudain, une exclamation de rage s’'echappa de ses l`evres :
— Avoir ourdi toute cette affaire, avoir r'eussi cette invraisemblable histoire de la salle d’armes, m’^etre apercu, gr^ace `a elle, que cet imb'ecile d’Anglais avait le portefeuille, ^etre parvenu jusqu’`a lui, l’avoir tu'e, et puis que tout cela soit inutile, qu’un inconnu, car je n’ai pu voir ses traits de l’armoire o`u j’'etais dissimul'e, ait 'et'e plus vif que moi, ait r'eussi `a subtiliser ce portefeuille, c’est vraiment `a devenir fou.
***
Si Fant^omas, furieux de son 'echec, exhalait sa mauvaise humeur, le garcon coiffeur qu’il accusait n’avait pas 'et'e, quelques minutes auparavant, beaucoup plus satisfait du r'esultat de la visite qu’il venait de faire `a son client anglais.
`A peine Ellis Marshall, en effet, avait-il referm'e sa porte, que l’extraordinaire garcon perruquier avait chang'e d’attitude.
Avec une prestesse insoupconnable chez un individu qui venait de jouer le r^ole d’un bavard, il arrachait la perruque, il se d'epouillait d’une fausse barbe, de deux sourcils postiches, il pliait son chapeau mou, se coiffait d’une casquette plate, puis, retirant sa veste, il la retournait, l’enfilait `a l’envers et, m'etamorphos'e, il se d'ecidait `a descendre l’escalier, `a sortir de l’immeuble, poussant l’audace jusqu’`a saluer la concierge au passage.
Le faux garcon coiffeur, pr'ecipitant sa marche, se dirigeait alors vers le square de la Trinit'e, peu 'eloign'e de l’endroit o`u habitait Ellis Marshall. L`a, avec une extr^eme 'emotion, il tira de sa poche le portefeuille rouge d’Ellis Marshall.
H'elas, il suffit de quelques instants pour que son visage change^at du tout au tout d’expression. Le jeune homme, en effet, venait d’ouvrir le portefeuille rouge qu’il tenait dans ses mains, il en v'erifiait le contenu et il songea, bl^eme de fureur :
— Mis'ericorde, je suis jou'e. C’est bien un portefeuille rouge, mais ce n’est pas le
Il se leva brusquement :
— Apr`es tout, mon petit, se d'eclara-t-il, redevenu joyeux et de bonne humeur, apr`es tout, cela n’a pas d’importance. J’ai 'echou'e aujourd’hui. Je r'eussirai demain. Demain ou apr`es demain, mais je r'eussirai ou j’y perdrai mon nom.
Cet homme qui, successivement, avait 'et'e camelot, puis garcon coiffeur, qui d'eployait une telle activit'e pour rattraper le fameux portefeuille rouge, 'evidemment donnait dans l’optimisme.
25 – REPROCHES ET F'ELICITATIONS
— Je ne suis pas plus b^ete qu’un autre, et dans le fond de mon ^ame, j’estime, m^eme, que je suis plus intelligent qu’un autre. Et pourtant, ma parole, je n’y comprends plus rien du tout. Ah, c’est insupportable, `a la fin, de voir comme l’on est second'e. Il faudrait tout faire soi-m^eme.
M. Havard, qui, depuis pr`es de deux heures, dans le silence de son cabinet, 'etudiait avec une minutie qui prouvait le soin extr^eme qu’il apportait `a tous ses travaux, une pile d’'enormes dossiers plac'es devant lui, repoussa d’un geste las tous les papiers 'epars, passa la main sur son front, avec le geste d’un homme qui se r'esigne `a ne point tirer au clair une affaire embrouill'ee.
— Et Juve qui ne revient pas, murmura-t-il, que diable a-t-il encore fait ? Je parie qu’il s’est livr'e `a quelque enqu^ete stupide relativement `a la mort de ce malheureux Anglais. Je parie qu’il aura voulu faire du z`ele et qu’il va nous amener des complications diplomatiques.
M. Havard, qui avait l’esprit prompt et le geste rapide, brusquement se leva, alla `a un gigantesque tableau de sonneries qui pendait `a la muraille et, d’un doigt rageur, fit carillonner un timbre dont on entendit l’'echo lointain.
Un huissier parut.
M. Havard devait ^etre de fort mauvaise humeur, car c’est d’une voix bourrue qu’il jeta l’ordre que l’on attendait respectueusement :
— Envoyez-moi le chef des Recherches.
Sans bruit, la porte se referma. Elle se rouvrit pour livrer passage `a un petit homme, replet, d'ej`a vieux, portant d’'enormes lunettes rondes, affect'e d’un accent marseillais, qui le rendait `a la fois sympathique et grotesque.
— Mon cher monsieur Lerey, commenca M. Havard, je vous ai fait demander tout simplement pour avoir le t'emoignage n'ecessaire `a la paix de ma conscience, le t'emoignage que voici : oui ou non, monsieur Lerey, comprenez-vous quelque chose aux aventures du portefeuille rouge ?