L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Il n’en 'eprouvait d’ailleurs qu’une sensation plus p'en'etrante de calme et de paix `a s’'eveiller dans la tranquille infirmerie, en cette petite pi`ece, toute blanche, toute silencieuse, o`u flottaient de vagues relents de potions et de rem`edes et qui semblait un v'eritable asile.
Quelle que f^ut cependant sa fatigue, quel que f^ut l’'etat d’'epuisement o`u il se trouvait, Juve 'etait bien trop 'energique pour se laisser longtemps aller au besoin de somnolence qui l’engourdissait. Aussi, aux injonctions de l’infirmi`ere, le policier qui, brusquement, dans un 'eveil de sa m'emoire venait de songer `a Fant^omas, se contentait-il de r'epondre :
— Ma soeur, vous ^etes infiniment bonne, mais je vous assure que maintenant, je suis parfaitement r'etabli. Je veux bien boire votre potion, mais je ne veux pas dormir.
— Bois toujours, petit p`ere, et on verra.
Des mains de l’infirmi`ere, Juve prenait donc le grand bol fumant, le punch d’un nouveau genre, que la religieuse avait pr'epar'e.
Juve but avidement, puis, tout ragaillardi par l’absorption de cette liqueur, s’assit sur la couchette.
— Ma soeur, d'eclarait le policier, je vous assure qu’il faut m’autoriser `a me lever.
Et avant que la religieuse, qui s’effarait des intentions de ce rescap'e r'ecalcitrant, e^ut pu s’opposer `a ses d'esirs, Juve appelait d’une voix forte, bien timbr'ee :
— Fandor, veux-tu te r'eveiller, paresseux.
Fandor, `a vrai dire, dormait tout son saoul.
Mais le journaliste 'etait trop habitu'e `a toujours se tenir pr^et aux pires 'eventualit'es pour ne pas, m^eme en dormant de toute son ^ame, garder le sentiment de ce qui se pr'eparait.
`A l’appel de Juve, Fandor brusquement se dressa sur son lit et d’une voix comique, encore tout emp^at'ee de sommeil, r'epondit :
— Pr'esent, Juve. Bon Dieu, je dormais bien… Que diable voulez-vous ? Ah oui, voil`a.
Juve, pour toute r'eponse, 'eclata de rire. Et c’'etait la bonne soeur qui intervint :
— Petit p`ere, cria-t-elle, veux-tu bien laisser dormir en paix ton ami.
Mais elle devait elle-m^eme rester interdite car Fandor 'eclata lui-m^eme d’un grand fou rire.
— Petit p`ere, r'ep'eta le journaliste. Ma foi, Juve, cela vous va tr`es bien.
Puis, comprenant ce qu’avait d’irrespectueux son intempestive gaiet'e `a l’endroit de la garde-malade, Fandor s’efforca de rattraper son s'erieux…
— Ma soeur, d'eclarait le journaliste, d’une voix qu’il voulait raffermir, ne m’en veuillez pas de rire un peu : je ne suis point m'echant, mais je ne puis jamais ^etre s'erieux plus de dix minutes de suite.
Et comme la religieuse hochait la t^ete, souriante, Fandor ajoutait pour Juve :
— Ah ca, mon bon ami, mais savez-vous qu’`a bord du Skobeleff on nous a parfaitement recueillis tous les deux et que pour deux noy'es volontaires, nous apparaissons, somme toute, maintenant, en excellente sant'e.
— Hum.
Et le policier allait ajouter quelques phrases sceptiques, lorsque soudain, la porte de l’infirmerie s’ouvrit : un officier, le m'edecin-chef, faisait son apparition :
— Eh bien, mes gaillards, demanda-t-il, vous voil`a r'etablis, je pense ?
D’un geste spontan'e, Juve tendit la main au praticien.
— Docteur, r'epondait-il, croyez bien que soeur Natacha et vous-m^eme, vous avez fait un miracle. Mon ami et moi, nous voici sur pieds.
— Compl`etement ? pas de malaise ? pas de fi`evre ?
— Mais non, docteur, r'epondit Fandor. Nous sommes m^eme si bien portants que nous 'etions en train d’exiger notre bulletin de sortie.
— Mon bon ami, vous allez vite en besogne. Voyons d’abord votre pouls ?
Juve laissa le docteur tranquillement ausculter Fandor, et se pr^eta lui-m^eme `a l’examen m'edical. Mais comme l’homme de l’art gardait un bon sourire, il demanda :
— Vous nous autorisez `a nous lever, docteur ?
Le m'edecin venait de remettre sa montre dans le gousset de son gilet, il hocha la t^ete :
— Parfaitement ! faisait-il, levez-vous, mes bons amis, il n’y aura d’autre suite `a votre aventure que la perte de votre jolie embarcation. Mais, aussi, quelle dr^ole d’id'ee avez-vous eue d’aller vous promener par le raz de Sein ? D`es que vous serez pr^ets, soeur Natacha vous conduira sur le pont, vous trouverez `a l’escalier de la coup'ee un planton qui vous conduira vers notre Commandant, notre nouveau Commandant, qui d'esire vous parler.
Le m'edecin cependant, apr`es un cordial salut `a la soeur Natacha, venait de quitter l’infirmerie.
— Debout, Juve.
— Debout Fandor.
Les deux amis en un clin d’oeil se jet`erent `a bas de leur couchette.
Mais comme Juve passait sa veste et machinalement t^atait sa poche, il 'etouffait un juron :
— Bigre de nom…
Soeur Natacha accourut.
— Ah ! petit p`ere, d'eclarait la bonne religieuse, tu t’'etonnes de ne point retrouver tout ce que tu avais dans tes poches ? Ne te f^ache pas ! vois-tu, on te rendra tes armes quand tu quitteras le Skobeleff, `a notre prochaine escale, mais, ici, l’ordre est formel : j’ai d^u faire porter ton revolver, ainsi que celui de ton ami `a notre capitaine d’armes.
Il n’y avait rien `a dire. Juve fronca les sourcils.
***
Sous la conduite de soeur Natacha, ainsi qu’il avait 'et'e convenu, Juve et Fandor au sortir de l’infirmerie avaient suivi un 'etroit petit couloir, puis 'etaient arriv'es en une sorte de vestibule o`u d'ebouchait un tortueux escalier menant sur le pont.
Avec un bon sourire, soeur Natacha les quitta alors, en bas des marches :
— Montez, disait l’excellente religieuse, et Dieu vous garde, petits p`eres. Je ne vous oublierai point dans mes pri`eres aux Saintes Images. Pour vous, souvenez-vous quelquefois de soeur Natacha qui fut heureuse de vous soigner. Montez donc, mes petits p`eres, les r`eglements du bord m’interdisent `a moi, pauvre femme, de para^itre sur le pont, mais vous trouverez en haut de ces degr'es un planton qui vous conduira `a notre Commandant.
Que r'epondre ?
— Ma soeur, disait le policier, fouillant dans son portefeuille et en tirant un billet de banque, vous avez bien, quelque part, un pauvre malade `a qui vous vous int'eressez ? Voil`a de quoi am'eliorer son sort.
Et Fandor avait ajout'e :
— Mais ne croyez pas, ma soeur, que nous pensions, avec un peu d’argent, payer vos soins. Vous saurez peut-^etre, quelque jour, que les deux pauvres diables que vous avez aid'es sont de braves gens. Si vous ne les oubliez pas, ils ne vous oublieront pas eux non plus.