L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Cependant que M. Havard demeurait perplexe, Juve hocha la t^ete, approuva.
— Bien, tr`es bien, fait-il.
Et il semblait si satisfait que M. Havard l’interrogea :
— On dirait, Juve, que vous tirez une conclusion int'eressante de ces renseignements ?
Mais le policier ne voulait 'evidemment rien communiquer encore `a son chef. Il secoua la t^ete.
— Pas le moins du monde, dit-il, j’ai simplement constat'e – et je vous le r'ep`ete – que les billets suspects semblent avoir 'et'e r'epandus dans les quartiers de l’Ouest de Paris et semblent ^etre d'etenus, soit par des gens chics comme il s’en trouve au pesage, soit par des commercants qui ont des commerces de luxe, comme les fleuristes, les garages d’automobiles.
Peut-^etre M. Havard allait-il poursuivre ses questions, lorsque Michel, s’'etant retir'e, deux personnages aux allures burlesques s’introduisirent dans son cabinet.
Juve sourit en les voyant, cependant que M. Havard froncait les sourcils.
— En voil`a une tenue pour vous pr'esenter devant moi ! s’'ecria-t-il.
Les deux hommes, en effet, arrivaient couverts de poussi`ere, v^etus de v^etements luisants de cambouis, avec des mains sales, des chevelures d'epeign'ees.
— Excusez-moi, monsieur le chef de la S^uret'e, murmura l’un d’eux, mais il a fallu r'eparer un pneu et le carburateur, au coin de la rue de Rivoli.
C’'etait l’ineffable P'erouzin qu’accompagnait le surprenant Nalorgne. Les deux inspecteurs qui faisaient la joie de la police parisienne et que l’on gardait `a la S^uret'e, nul ne savait exactement pourquoi, arrivaient cependant avec des mines si triomphantes que M. Havard esp'era un instant qu’ils avaient quelque chose d’int'eressant `a lui dire.
Nalorgne, en effet, entreb^aillait son veston de cuir, en sortait un portefeuille crasseux dont il retirait trois billets de banque :
— Ah, constata le chef de la S^uret'e, vous avez saisi ces billets ?
— Oui, monsieur le chef de la S^uret'e, r'epliqua hardiment P'erouzin.
Nalorgne, cependant, rectifiait :
— Saisi n’est pas le mot.
— Je l’esp`ere bien, poursuivit M. Havard. Je vous avais donn'e, en effet, pour instructions, de ne pas vous emparer de ces sommes, ni m^eme des billets. Votre r^ole 'etait simplement de savoir qui les poss'edait. D’o`u vous viennent ces billets ?
— Ah voil`a, fit P'erouzin, c’est ce que nous nous demandons tous les deux. Et c’est ce qui est difficile `a retrouver.
Les deux inspecteurs avaient maintenant une mine si piteuse que, tandis que M. Havard froncait de plus en plus les sourcils, Juve se pincait les l`evres pour ne pas 'eclater de rire.
Nalorgne et P'erouzin racont`erent alors une histoire confuse, aux termes de laquelle ils exposaient que, par suite des diverses pannes de leur automobile, ils avaient 'et'e oblig'es de faire des d'epenses en cours de route. Or, dans l’ardeur de la poursuite, ils avaient fait de la monnaie, 'echang'e de l’or contre des billets, tant et si bien qu’ils ne se souvenaient plus exactement d’o`u provenaient les trois coupures de cent francs qu’ils venaient d’apporter `a leur chef hi'erarchique.
Juve, qui enfin avait repris son s'erieux, expliqua brutalement la situation.
— En somme, dit-il au chef de la S^uret'e, je comprends que Nalorgne et P'erouzin se sont purement et simplement fait coller ces billets, et qu’ils ne se sont apercus de leur caract`ere suspect que longtemps apr`es les avoir eus entre les mains.
Nalorgne et P'erouzin approuv`erent. Mais ils tressaillirent. M. Havard venait de donner un formidable coup de poing sur la table.
— Foutez-moi le camp ! cria-t-il, en les foudroyant du regard. Il est permis d’^etre b^ete, mais pas `a ce point-l`a ! Foutez-moi le camp !
Nalorgne et P'erouzin ne se le firent pas r'ep'eter.
M. Havard, en proie `a une indignation ph'enom'enale, prenait Juve `a t'emoin.
Le chef de la S^uret'e croisait les bras, et, fixant son regard dans celui de Juve :
— On se plaint, cria-t-il, que la police soit mal faite, mais comment diable voulez-vous qu’il en soit autrement, lorsqu’on a pour subordonn'es de pareilles nullit'es ?
Juve, toutefois, qui cependant savait `a quoi s’en tenir sur Nalorgne et P'erouzin, calma M. Havard :
— Ces gens-l`a ont des qualit'es, fit-il. Seulement voil`a, peut-^etre ne sont-ils pas employ'es d’une facon conforme `a leurs aptitudes… Au surplus, peu importe, l`a n’est pas la question pour le moment.
***
Juve, enfin, avait quitt'e le cabinet du chef de la S^uret'e.
Il sauta dans une voiture, et mettant `a ex'ecution son projet primitif, se fit conduire rue de la Paix.
Il 'etait onze heures du matin environ lorsque le c'el`ebre inspecteur franchit le seuil du somptueux immeuble occup'e par la maison Rivel soeurs. Il arrivait au premier 'etage par un large escalier tout d'ecor'e de plantes vertes. Une jeune femme fort 'el'egante vint au devant de lui.
Elle lui fit un signe aimable, puis pr'ec'edait le policier dans les salons dont les parquets minutieusement cir'es semblaient ^etre un redoutable skating.
Juve, surpris, tr'ebucha deux ou trois fois, ce qui d'etermina autour de lui quelques petits rires 'etouff'es. Il y avait, en effet l`a une multitude de jeunes femmes et de jeunes filles qui s’agitaient comme un essaim bourdonnant de papillons, ayant l’air fort occup'e d’un tas de choses ind'efinissables, donnant l’impression d’une activit'e extr^eme, laquelle dissimulait une absence totale de travaux.
Toutefois, la personne qui avait pr'ec'ed'e Juve dans cette pi`ece, lui demanda avec un air gracieux :
— Vous venez sans doute pour un essayage, monsieur ?
Le policier ne put s’emp^echer de rire :
— Non, madame, r'epliqua-t-il, je ne suis pas ignorant au point de ne pas savoir que la maison Rivel soeurs n’habille pas les messieurs.
— Oh ! continua la jeune femme, qui rougit, ce n’est pas cela que je voulais dire. Je pensais, monsieur, que vous veniez assister `a l’essayage de quelque dame de vos parentes ou de vos amies.
Juve interrompit :
— Je viens pour voir M. Rivel.
— `A titre personnel, monsieur ?
— Tout ce qu’il y a de plus personnel.
La jeune femme, convaincue qu’elle n’avait pas affaire `a un client, redevint m'efiante, prit un air hautain.
— Ce n’est pas pour des fournitures, je pense ? M. Rivel ne recoit jamais lorsqu’il s’agit d’offres de services.
Juve commencait `a s’impatienter. Il sortit sa carte de sa poche, la glissa dans une petite enveloppe qu’il cacheta :