L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— De sorte qu’ils n’ont pas de valeur, interrompit Juve pr'ecipitamment.
— Au sens propre du mot, vous avez raison, ce ne sont point de bons billets. Mais ils sont cependant tr`es facilement 'ecoulables.
Entendant cela, Juve s’'etait repris `a sourire.
— Oh, d'eclara le policier, si Fant^omas a vol'e des billets si faciles `a reconna^itre, des billets faux en somme, l’affaire n’est pas termin'ee. Sur mon ^ame, il faudra bien que nous retrouvions et le voleur et les billets vol'es !
Juve 'etait d'ej`a debout, il n’'etait plus d'esesp'er'e, il n’'etait plus m^eme accabl'e. Il avait d’abord, en reprenant les clefs, gagn'e une partie. Fant^omas avait eu la revanche. Juve songeait `a la belle.
10 – L’ENQU^ETE
— Eh bien, monsieur Havard ?
— Eh bien, Juve, je ne suis pas m'econtent de ma journ'ee, et j’estime que l’enqu^ete, depuis quarante-huit heures, a fait des progr`es immenses. Ou je me trompe fort, ou ce soir, nous serons lanc'es sur une piste, voire m^eme sur plusieurs qui seront des plus s'erieuses. Voulez-vous une cigarette ?
Le chef de la S^uret'e tendait son 'etui `a Juve, qui, machinalement y puisait, puis, les deux hommes se mirent `a fumer.
La formidable affaire de la Banque de France n’avait pas 'et'e 'ebruit'ee. Certes, parmi le personnel du grand 'etablissement de Cr'edit, on avait chuchot'e ; plusieurs avaient exprim'e cet avis :
Toutefois, on y 'etait habitu'e, et l’on se demandait si ces incursions polici`eres n’avaient pas pour but de pincer quelque employ'e ind'elicat, ou de surveiller quelque transaction douteuse. Nul cependant, sauf les initi'es, qui gardaient le silence absolu, ne se doutait de ce qui s’'etait produit. `A la Pr'efecture, on se montrait 'egalement myst'erieux et M. Havard, qui avait pris l’affaire en main, s’il avait donn'e des ordres pr'ecis `a ses inspecteurs, s’'etait prudemment gard'e de leur faire conna^itre les v'eritables motifs des recherches `a faire.
Juve, fumant silencieusement, attendait que M. Havard se d'ecid^at `a fournir les explications compl'ementaires que laissait pr'evoir son pr'eambule.
Le chef de la S^uret'e, d’ailleurs, semblait fort joyeux ce matin-l`a, tr`es dispos'e `a parler. Ayant donn'e quelques signatures, puis, consign'e la porte de son cabinet, M. Havard s’en vint s’asseoir en face de Juve. Il se frotta les mains, commenca :
— J’ai d’excellents tuyaux, fit-il, et notre audacieux voleur a fait preuve d’une imprudence extr^eme. Les billets d'erob'es dans les caisses de la Banque circulent dans Paris, avec une telle d'esinvolture – si j’ose m’exprimer ainsi – que je suis convaincu que dans un bref d'elai, il n’en sera pas de m^eme de leurs d'etenteurs.
— Les d'etenteurs, cela ne suffit pas. Ce qu’il faudrait tenir, c’est l’'emissaire.
Cependant, le chef de la S^uret'e ne releva pas cette observation. Il poursuivit :
— Oui, mon cher Juve, les inspecteurs que j’ai lanc'es sur l’affaire ont trouv'e des choses fort int'eressantes. C’est ainsi m^eme que je tiens depuis ce matin un individu fort suspect de complicit'e dans le vol des billets.
— Oh ! s’'ecria Juve, voil`a en effet, une information sensationnelle. Quel est cet individu ?
M. Havard sourit :
— Je savais bien, Juve, que j’allais enfin vous d'erider un peu en surexcitant votre curiosit'e. Dites que je ne suis pas un ami pour vous ! J’ai fait tra^iner en longueur l’arrestation de cet individu, pour 'eviter de l’envoyer au D'ep^ot avant votre venue `a la Pr'efecture. De telle sorte qu’il est encore dans nos bureaux, et que je m’en vais vous le montrer.
— Merci.
Quelques instants apr`es, on introduisait dans le cabinet de M. Havard un homme de modeste apparence entre deux agents. Il avait le visage p^ale et fatigu'e, les yeux rougis et creus'es, comme ceux des gens qui abusent des veilles. Il 'etait compl`etement ras'e et l’on reconnaissait `a sa tenue qu’il s’agissait 'evidemment l`a de quelque domestique, vraisemblablement d’un garcon de caf'e.
L’homme consid'era avec surprise les deux personnages devant lesquels on l’avait amen'e. Sur un signe de M. Havard, les agents se retir`erent, puis le chef de la S^uret'e interrogea :
— Vous vous appelez Henri Gr'egoire, fit-il, et vous exercez la profession de garcon de caf'e dans un 'etablissement qui s’appelle Au Carrefour situ'e boulevard Voltaire, pr`es de la place de la R'epublique ? Est-ce exact ?
— Mon Dieu, oui, monsieur, r'epliqua l’homme, qui s’'epongeait continuellement le front, car l’'emotion lui faisait perler la sueur sur le visage.
M. Havard, solennel, continua :
— Vous avez 'et'e arr^et'e hier apr`es-midi au moment o`u vous vous efforciez de faire passer au receveur des contributions un certain billet de banque de cent francs dont la nature a paru suspecte `a nos inspecteurs.
L’homme haussa les 'epaules.
— Je ne comprends pas, dit-il, qu’on ait agi de la sorte avec moi. Je suis honn^ete et, de ma vie, je n’ai 'et'e soupconn'e par les patrons des maisons o`u j’ai travaill'e de la moindre incorrection. Je ne sais pas d’ailleurs, ce que l’on reproche `a ce billet de banque. S’il est faux, ce n’est pas de ma faute. Je l’ai recu d’un client, tout cela est bien malheureux pour moi.
Malgr'e son 'emotion, le prisonnier s’exprimait avec tranquillit'e, M. Havard, se penchant vers Juve, murmura, lui clignant de l’oeil :
— Le gaillard est fort, et il cache son jeu.
Il poursuivait n'eanmoins, ironique :
— Naturellement, vous seriez incapable de d'esigner la personne qui vous a remis ce billet de banque ?
— C’est vrai, avoua le garcon de caf'e. Il passe tant de monde chez nous que je ne sais pas si je tiens ces cent francs de la caisse ou alors d’un client.
— Naturellement, fit encore M. Havard, dans de semblables affaires, on ne peut jamais rien dire. Eh bien, mon garcon, vous ferez bien cependant de vous efforcer de rassembler vos souvenirs, car il pourrait vous en co^uter fort cher de n’avoir point de m'emoire.
M. Havard sonna. Deux agents entr`erent. Le chef de la S^uret'e ordonna :
— Vous allez conduire cet homme au D'ep^ot.
Le d'etenu, `a ces mots, avait sursaut'e :
— Quoi ? interrogea-t-il, on me m`ene en prison ? On ne me l^ache pas ? Mais c’est extraordinaire, indigne ! Je n’ai rien fait de mal, moi. Je suis un honn^ete homme. Et d’ailleurs, qu’a-t-on `a me reprocher ? Ce maudit billet que vous avez saisi, j’ignore ce qu’il a de suspect ! Est-il faux ? Est-ce un billet vol'e ?
M. Havard s’'enervait :
— Vous retournez les r^oles, mon garcon, et ce n’est gu`ere `a vous de poser des questions. Je ne demande pourtant pas mieux que de vous r'epondre. Je m’en vais vous le dire, ce qu’est ce billet.
Mais Juve s’interposa :
— Je vous en prie, monsieur Havard, ne dites rien, ce n’est pas la peine, le moment n’est pas venu.
Le chef de la S^uret'e consid'era un instant le c'el`ebre policier :
— Apr`es tout, reconnut-il, vous avez peut-^etre raison.