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ЖАНРЫ

L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Le Prince, au bout de quelques instants, vint donc s’asseoir `a la place r'eserv'ee au banquier. D’un geste plein de nonchalance, il tira de la poche de son habit une liasse de billets qu’il jeta d'edaigneusement `a Mario Isolino.

— De la monnaie, ordonna-t-il, et des cartes neuves.

Cependant, all'ech'es par la guigne persistante de la banque, les joueurs venaient nombreux autour du tapis vert et sur chacun des tableaux, des louis s’accumulaient.

On consid'erait avec un certain respect ce banquier, ce personnage que l’on ne connaissait uniquement que par son titre, et qu’on appelait commun'ement « le Prince » sans savoir rien de ses titres de noblesse, sans conna^itre le nom qui, r'eguli`erement, devait succ'eder `a la particule.

C’'etait un homme d’une cinquantaine d’ann'ees environ, robuste, 'el'egant, v^etu avec minutie et qui portait, `a la mode des hommes du second Empire, le large favori 'epanoui sur la joue, cependant qu’une 'epaisse moustache grisonnante 'etait soigneusement fris'ee sur sa l`evre sup'erieure.

Quiconque aurait consid'er'e le d'ebut de cette partie avec un but autre que celui de conna^itre le r'esultat imm'ediat du jeu n’aurait pas 'et'e sans remarquer que, depuis qu’il se faisait le banquier b'en'evole de cette succession de parties, le Prince changeait r'eguli`erement des liasses de billets de banque neufs contre des pi`eces d’or. Enfin, si l’on avait examin'e avec attention ces billets, on se serait apercu qu’ils comportaient les caract'eristiques particuli`eres du genre de celles que Juve, le matin de cette journ'ee avait signal'ees `a M. Havard, chef de la S^uret'e.

***

Dans ce cercle de la rue Fortuny, fonctionnait une entreprise clandestine de jeux de hasard et il fallait, pour ^etre admis, s’^etre recommand'e de quelque habitu'e et ^etre pr'esent'e par un personnage garantissant que vous n’apparteniez point `a la police. La client`ele se renouvelait peu et si les joueurs, sans cesse pourchass'es et troubl'es par l’incursion des autorit'es, changeaient fr'equemment de local, le m^eme petit groupe se retrouvait assez r'eguli`erement dans les h^otels ou appartements qu’il leur fallait occuper, puis abandonner, pour 'echapper aux poursuites.

Cette client`ele, tr`es m^el'ee, en effet, 'etait bizarre, compos'ee de gens de toute sorte. On remarquait notamment, parmi les personnes les plus assidues autour des tapis verts de la rue Fortuny, une demi-mondaine bien connue dans Paris, r'epondant au nom de Chonchon [13]. Elle 'etait fort bien consid'er'ee par le tenancier de l’'etablissement, par l’Italien Mario Isolino, personnage douteux, dont quelques ann'ees auparavant, la conduite scandaleuse au casino de Monaco avait fait sensation dans la Principaut'e tout enti`ere.

Chonchon, lorsqu’elle perdait, vocif'erait bien des :

« Vous ^etes des voleurs ! Je veux qu’on me rende ma galette ! », mais on la tol'erait tout de m^eme, car elle entra^inait toujours dans son sillage une douzaine de jeunes gens qui, sous pr'etexte de se faire bien voir d’elle, perdaient sans se plaindre de grosses sommes au baccara.

Il y avait aussi, amusant l’assistance par ses bons mots et ses saillies, un gros n'egociant connu dans l’alimentation parisienne, qui s’appelait C'elestin Labourette.

Il 'etait marchand de porcs aux Abattoirs, et au grand scandale de certaines personnes qui ne comprenaient pas comment on avait pu accepter un pareil individu, C'elestin Labourette r'epondait par anticipation en se tapant sur les cuisses :

— Je vends des cochons ? Eh ben quoi, il n’y a pas de sots m'etiers ! Et ca ne m’emp^eche pas d’^etre un brave homme qui est aim'e des jolies petites femmes. Pas, Chonchon ?

— Oui, mon gros loup, r'epliquait la demi-mondaine, ultra richement entretenue par le marchand de porcs.

C'elestin Labourette, d’ailleurs, ne semblait avoir gard'e aucun souvenir de l’effroyable attentat dont il avait 'et'e victime quelques mois auparavant, laiss'e pour mort par la sinistre bande du Bedeau [14]. Plus que jamais heureux de vivre, le gros marchand de porcs faisait perp'etuellement tinter l’or dans ses vastes poches.

Parmi les familiers du tripot, se trouvait 'egalement la comtesse de Blangy, du moins la grande dame myst'erieuse et troublante que l’on connaissait depuis quelques mois sous ce nom ronflant dans la soci'et'e parisienne.

Ce soir-l`a, la comtesse de Blangy, ou pour mieux dire lady Beltham, 'etait pr'esente. Son teint p^ale, son regard inquiet, faisaient un contraste 'etrange avec l’attitude cupide ou indiff'erente des autres joueurs qui s’empressaient autour du tapis vert.

Parmi les nouveaux venus, une jeune et jolie femme am'ericaine, Sarah Gordon, faisait l’objet de nombreux commentaires :

— Vous savez mon cher, disait un cercleux au visage fatigu'e et banal, que c’est une jeune fille qui est venue seule `a Paris, uniquement accompagn'ee d’une vieille miss au visage parchemin'e, au nez surmont'e de lunettes. Figurez-vous qu’elle pr'etend, sous la seule protection de ce chaperon, faire connaissance avec toutes les joies de la grande vie parisienne, 'epuiser les plaisirs de la capitale ?

— Ah ! Et quel est ce jeune homme perp'etuellement sur ses talons ?

Miss Gordon, riche, jeune et c'elibataire, 'etait naturellement le point de mire de la soci'et'e parisienne, aussi n’avait-on pas 'et'e sans remarquer qu’elle 'etait souvent accompagn'ee par un jeune homme glabre, `a la tournure 'el'egante et que l’on savait ^etre un acteur r'epondant au nom de Dick.

Vraisemblablement, l’artiste 'etait 'epris de l’Am'ericaine, il suffisait, pour s’en assurer, de le regarder quelques instants. Toutefois, la jolie Sarah Gordon paraissait ne pr^eter aucune attention `a ce soupirant, sans doute de trop m'ediocre importance `a ses yeux.

Dans la foule encore des habitu'es du tripot, on remarquait Malvertin, le fils du grand carrossier, l’avocat Duteil que sa r'eputation d’aust'erit'e au Palais n’emp^echait pas de venir de temps `a autre taquiner la dame de pique, puis encore Valaban, gros propri'etaire de chevaux de courses, puis aussi le boxeur Smith, robuste et gigantesque individu auquel ses poings et ses biceps assuraient r'eguli`erement une rente de cinq cent mille francs par an.

Cependant la partie avait commenc'e, et Mario Isolino qui en assumait la direction, affectait d'esormais un air grave et solennel.

La joie r'egnait parmi les joueurs, car la tradition 'etablie depuis plusieurs soirs d'ej`a, se poursuivait :

— La banque perd, la banque perd encore, murmurait-on.

Or, tandis que s’'epanouissaient les visages des pontes et que les sommes qu’ils avaient risqu'ees 'etaient sans cesse rendues, consid'erablement augment'ees, soudain, un coup de sifflet retentit.

D’un geste brusque, Mario Isolino s’'elanca sur la table de jeu, et, recouvrant de son corps souple et agile les monceaux d’or qui s’y trouvaient accumul'es, il cria d’une voix angoiss'ee :

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