L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
Шрифт:
P'erouzin, plus perspicace peut-^etre que Nalorgne, allait prof'erer un nom, mais le myst'erieux nouveau venu mit un doigt sur ses l`evres, fit un geste. P'erouzin s’arr^eta de parler, l’homme d'eclara :
— Oui, c’est moi ! Apr`es ? Pourquoi cela vous 'etonne-t-il ? Je vois d’ailleurs, que vous ^etes toujours aussi b^etes qu’auparavant. Quel est cet individu ? Pourquoi l’avez-vous arr^et'e ?
Nalorgne et P'erouzin tremblaient de tous leurs membres, car l’un et l’autre venaient de reconna^itre, tant `a sa silhouette qu’`a sa voix, l’homme qu’ils redoutaient le plus au monde, ce en quoi ils n’avaient pas tort, car leur interlocuteur n’'etait autre que le Roi de l’'Epouvante, le Ma^itre de l’Effroi, Fant^omas.
Comme des petits garcons surpris en faute, ils expliquaient :
— C’est le p`ere Coutureau, l’habilleur du Th'e^atre Ornano, le p`ere de cette Rose qui a vol'e la comtesse de Blangy. Nous le soupconnons d’^etre coupable et d’avoir tremp'e dans le crime.
Ils s’arr^et`erent net, et P'erouzin recut de Nalorgne un grand coup de poing dans la poitrine.
Parbleu, ils allaient en dire, une b^etise !
C’'etait de la folie, de l’innocence que d’aller avouer `a Fant^omas qu’ils arr^etaient un homme suspect de quelque complicit'e dans la mort tragique de lady Beltham, alors que selon toute apparence, le seul qui pouvait avoir os'e porter la main sur la grande dame ne pouvait ^etre que Fant^omas lui-m^eme.
P'erouzin comprit aussit^ot ce que signifiait le coup de poing de Nalorgne :
— Eh bien, songeait-il, je viens de faire une belle gaffe, et cela va nous co^uter cher.
Il osait `a peine lever les yeux sur Fant^omas.
Celui-ci, cependant, ne manifestait point sa col`ere. Il n’avait pas l’air autrement f^ach'e de la d'eclaration des deux agents de la S^uret'e, il paraissait plut^ot surpris, 'etonn'e, perplexe.
Fant^omas prit une d'ecision rapide.
Un taxi-automobile passait. Il lui fit signe, l’arr^eta : d’un geste, il d'esigna le p`ere Coutureau, qui, les menottes aux mains, vraiment terrass'e par le sommeil, s’'etait laiss'e choir sur le marchepied de l’automobile de la S^uret'e et s’assoupissait `a nouveau.
— Faites-le monter dans ce taxi, ordonnait le bandit aux deux inspecteurs.
Ceux-ci, sans comprendre, ob'eirent.
Lorsque le p`ere Coutureau fut install'e dans la voiture de place, Fant^omas y monta, claqua la porti`ere, puis, d'eclara `a Nalorgne et P'erouzin abasourdis :
— Maintenant, vous autres, pas un mot sur cette histoire.
Puis, l’audacieux et terrible bandit jeta une adresse au m'ecanicien.
***
Cependant, le p`ere Coutureau avait enfin pu dormir pendant une bonne demi-heure, cela, malgr'e les secousses et les cahots de la voiture.
Il avait seulement 'et'e arrach'e `a sa somnolence au moment o`u on le fit descendre de voiture et, incapable de se rendre compte nettement de ce qui se passait, l’ivresse chez lui le disputant au sommeil, il avait 'et'e conduit dans une petite pi`ece `a peine meubl'ee, au rez-de-chauss'ee d’une petite maison dans laquelle on 'etait entr'e apr`es avoir travers'e un jardin.
Or, voici qu’il se trouvait assis sur une chaise devant une table, en face de ce myst'erieux inconnu qui l’avait s'epar'e, boulevard Bourdon, de Nalorgne et P'erouzin.
Le p`ere Coutureau ne comprenait pas facilement les choses, et d’ailleurs ne cherchait pas autrement `a les comprendre. Il attendait g'en'eralement qu’on voul^ut bien les lui expliquer.
Son interlocuteur, comme s’il devinait qu’il fallait faire les premi`eres avances, d'eclara soudain :
— P`ere Coutureau, il s’agit maintenant de parler. Tu as devant toi Fant^omas et Fant^omas sait que tu es renseign'e sur l’assassinat de lady Beltham.
Fant^omas, comme pris d’une rage subite, se pr'ecipita sur le vieil habilleur, d’une main il le secoua, cependant que de l’autre il armait un revolver qu’il braqua sur le vieillard :
— Ah nom de nom ! cria celui-ci. C’est pas possible ! O`u suis-je ?
— Dans une maison d'eserte, d'eclara Fant^omas, 'eloign'ee de tous et de tout et dont les murs sont si 'epais que le bruit des appels, les supplications, les menaces, que le tapage des d'etonations ne peuvent en sortir. Allons parle ou je te mets `a mort !
— Je n’ai rien `a dire !
Fant^omas, alors, se f^acha.
Il prit la main du vieil habilleur, et la tordit dans la sienne. Le p`ere Coutureau poussa un hurlement.
— Gr^ace ! fit-il.
Puis, larmoyant, le p`ere Coutureau reprit :
— Ce n’est pas une facon de me faire causer, moi. Je dirai ce que je sais si tu me traites autrement, comme tu me traitais avant, comme tu as d'ej`a agi, puisque c’est toi, para^it-il, qui es Fant^omas.
Le sinistre bandit parut troubl'e dans ses r'eflexions :
— Qu’ai-je donc fait pour toi ?
— Je meurs de soif, ma t^ete se trouble, donne-moi `a boire !
Fant^omas h'esita une seconde. Il consid'erait le p`ere Coutureau : c’'etait d'esormais une v'eritable loque que cet homme effondr'e, gisant `a moiti'e inerte, incapable d’agir.
— Parle, explique-toi !
Il avait d'ecouvert, sur un buffet voisin, une bouteille d’alcool dont il versa au p`ere Coutureau de larges rasades :
Le vieil habilleur avala goul^ument la liqueur br^ulante, puis commenca :
— Tu sais bien et tu veux rire en m’obligeant `a te rappeler ce qui s’est pass'e. Tu sais bien que c’est toi qui as fait 'evader ma fille.
— 'Evader ta fille ? r'ep'eta Fant^omas, qui, incapable de ma^itriser l’'emotion bizarre qui semblait l’envahir, serrait de sa main nerveuse le poignet endolori du p`ere Coutureau.
— Eh oui, poursuivit celui-ci, sauv'e ma fille du D'ep^ot ! C’est m^eme toi qui lui as appris `a se d'eguiser en vieille femme.
— En vieille femme ? reprit Fant^omas, dont le regard percant s’efforcait de deviner la pens'ee intime du vieil ivrogne qui titubait de plus en plus, oscillant sur sa chaise, comme le balancier d’un m'etronome.
Des rougeurs subites montaient au visage de Coutureau, il avait des yeux vagues, des hoquets terribles, par moments il semblait suffoquer.
D`es qu’il s’interrompait de boire, tout son corps s’affaissait sur lui-m^eme. L’ivrogne semblait redevenir alors une v'eritable chiffe et ne retrouver d’'energie qu’en buvant. Fant^omas, qui s’en 'etait rendu compte, lui versait sans cesse de l’alcool, l’obligeait `a l’ingurgiter.
— Oui, continuait p'eniblement le p`ere Coutureau, c’est de la blague que de m’interroger, puisque tu es Fant^omas, l’homme tout v^etu de noir, l’homme `a la cagoule. Tu dois savoir mieux que personne ce que tu as 'ecrit l’autre jour chez moi, dans ma maison.
— Explique-toi ! hurlait Fant^omas. Explique-toi mieux ! Que veux-tu dire ?
— Ah que je souffre ! r'epondait le p`ere Coutureau, dont les mains se crispaient sur sa poitrine, comme s’il avait voulu en arracher un poids formidable.