L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Pendant plusieurs jours, il avait 'et'e terrifi'e `a l’id'ee que, sans doute, on allait l’arr^eter. Puis, l’'emotion provoqu'ee par le drame 'epouvantable s’'etait att'enu'ee. Son attention, d’ailleurs, avait 'et'e d'etourn'ee des aventures de l’autobus par le formidable et myst'erieux vol de la Banque de France auquel Bouzille n’avait rien compris, mais dans lequel sa perspicacit'e naturelle lui disait que Fant^omas avait tremp'e.
— Faut-il deux r `a gruy`ere ?
Tel 'etait le probl`eme que se posait `a nouveau Bouzille, qui, apr`es ce retour sur autrefois, en revenait aux pr'eoccupations imm'ediates. Pr'ecis'ement, un passant s’approchait. Bouzille l’interrogea :
— Pardon, monsieur, fit-il, vous seriez bien aimable de me dire comment ca s’'ecrit ce mot-l`a et s’il faut mettre une fois ou deux la lettre r ?
— Imb'ecile, il en faut trois !
Le personnage qui venait de r'epondre `a Bouzille s’'etait arr^et'e et le regardait fixement.
Le vagabond jovial demeura quelques instants interdit par cette r'eplique inattendue, puis, soudain, il en loucha de saisissement, il l^acha son pinceau et s’'ecria :
— Ah par exemple, Fant^omas !
Bouzille avait en effet devant lui le sinistre bandit qui n’avait m^eme pas dissimul'e les traits de son visage sous un d'eguisement.
Fant^omas, toutefois, ne semblait gu`ere de bonne humeur. Il 'etait sombre, pr'eoccup'e, il avisa la boutique de Bouzille, il y p'en'etra. Le chemineau le suivit. Bouzille 'etait inquiet, car il n’aimait gu`ere les visites de ce genre, et, en outre, il se demandait quelle attitude il convenait d’avoir vis-`a-vis du bandit.
Bouzille savait, en effet, la mort extraordinaire et myst'erieuse de sa ma^itresse, lady Beltham, et se demandait s’il convenait d’exprimer des condol'eances `a ce veuf 'etrange et redoutable, qui, peut-^etre bien, se trouvait ^etre l’assassin de la malheureuse.
Fant^omas toutefois, ne paraissait gu`ere avoir envie de s’entretenir de ces choses avec Bouzille. Il furetait dans la boutique et, sans se g^ener le moindrement, ayant avis'e une corde, il s’en emparait, la mettait dans sa poche, puis d’une voix rude et autoritaire, il ordonna :
— Puisque te voil`a, Bouzille, tu vas me rendre service. Il faut aller m’acheter d’urgence un couteau. Non pas un couperet. Quelque chose de tranchant comme, comme…
Machinalement, Bouzille l^acha, voulant avoir l’air de plaisanter :
— Comme le couteau de la guillotine ?
— Tu l’as dit, Bouzille, c’est cela.
Bouzille se gratta le front.
— C’est que… commenca-t-il.
Mais Fant^omas lui fit signe de se retourner :
Bouzille ob'eit. Une brave m'enag`ere s’'etait arr^et'ee devant sa boutique, dont la facade sur la rue avait `a peu pr`es une largeur d’un m`etre cinquante.
Avec une certaine m'efiance, elle examinait les produits que Bouzille offrait `a sa client`ele.
Le commercant se fit aimable, il s’avanca vers elle et, souriant, lui demanda :
— Qu’est-ce qu’il vous faut, ma petite dame ?
La m'enag`ere h'esita, puis r'epondit :
— Donnez-moi donc quatre sous de gruy`ere.
— Quatre sous de gruy`ere, cria triomphalement Bouzille, boum, voil`a !
Il tira un couteau de sa poche et tailla dans le grand fromage un morceau 'epais. La m'enag`ere l’interrogeait :
— Vous ne pesez donc pas ? O`u sont vos balances ?
— Oh, fit Bouzille, nous avons supprim'e tout cela ! Les balances, ca n’est jamais exact, on peut faire des erreurs, tandis qu’en calculant la quantit'e `a vue de nez, on est s^ur de ne pas se tromper.
Ce raisonnement ne parut par convaincre la m'enag`ere. Elle prit le morceau de fromage, le tourna et le retourna dans ses doigts. Elle eut une moue de d'epit :
— C’est pas bien beau, dit-elle, et il n’y a que des trous. On dirait que votre gruy`ere a 'et'e mang'e par les rats ?
— Eh, fit Bouzille, qui s’efforcait de plaisanter, les rats dans le fromage, ca ne serait pas `a d'edaigner… Quant `a y avoir des trous, dans mon gruy`ere, c’est bien 'evident, c’est m^eme forc'e. C’est la marque de fabrique.
— Je veux bien vous payer ce morceau-l`a deux sous… pas plus.
— Mettez-en trois, fit Bouzille conciliant.
Mais la brave femme 'etait d'ecid'ee. Elle avait sorti de sa poche une pi`ece de dix centimes, elle la tendait au commercant :
— `A prendre ou `a laisser, dit-elle.
Bouzille haussa les 'epaules et lui dit :
— Prenez, prenez, je ne suis pas regardant et je veux me faire de la client`ele.
Quelques instants apr`es, la pratique s’'etant 'eloign'ee, Bouzille, un peu penaud, expliquait `a Fant^omas qui, malgr'e son air sombre et pr'eoccup'e avait daign'e sourire de l’incident et s’y int'eresser :
— Parbleu, je le sais bien pourquoi il y a des trous dans le gruy`ere, c’est moi qui les fais. Dame, je ne suis pas riche, et comme j’ai toujours un app'etit f'eroce, que diable, `a d'efaut de client`ele, je me sers moi-m^eme et je mange mon fonds. Vous allez voir quand les affaires marcheront mieux.
— Tais-toi, interrompit Fant^omas, qui, reprenant un air s'ev`ere, interrogea :
— O`u vas-tu te procurer ce couperet ?
Bouzille r'efl'echissait :
— Je ne vois gu`ere, fit-il, qu’un boucher qui pourrait me vendre un accessoire pareil.
Fant^omas, r'epliqua en tendant une pi`ece d’or `a Bouzille :
— Voil`a dix francs, je te donne cinq minutes pour aller m’acheter ce dont j’ai besoin. La monnaie sera pour toi.
Au bout du temps fix'e, Bouzille revint.
Il tenait `a la main un robuste et large hachoir de forme triangulaire, qui, comme il avait dit, ressemblait assez exactement au couperet de la guillotine. Il le tendit `a Fant^omas :
— Je l’ai pay'e cher, fit-il, et j’y perds.
Mais le bandit, plus sombre encore qu’auparavant, saisit l’objet redoutable et intima `a Bouzille l’ordre de se taire.
Fant^omas se disposait `a partir.
Bouzille, incapable de dominer sa curiosit'e, l’interrogea :
— Alors, vous avez besoin de ce truc-l`a ?