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ЖАНРЫ

L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Et, de fait, il suffoquait. Il avait d’effroyables tremblements. Une 'ecume rose lui perlait `a la commissure des l`evres, ses yeux 'etaient r'evuls'es.

— Cet homme-l`a va mourir, pensait Fant^omas, il est foudroy'e par l’alcool.

Et, d`es lors, perdant toute mesure, le sinistre bandit secoua le moribond :

— Parle ! hurla-t-il. Parle ! Que veux-tu dire lorsque tu pr'etends que j’ai 'ecrit ?

— 'Ecrit, oui, 'ecrit, poursuivit Coutureau qui haletait. Ah que j’ai mal ! Tu as 'ecrit la lettre. Avec du feu. Du feu qui me br^ule. Non, c’est avec de l’encre… Ma fille l’a vue. O`u est-elle ? Pourquoi est-elle partie avec Beaum^ome ? Parbleu, elle a eu peur, peur de toi. Peur de la police qui l’accuse d’avoir tu'e, oui, tu'e lady Beltham. Mais je sais bien, moi, que c’est toi, Fant^omas, crapule, brigand ! Merci tout de m^eme de l’avoir sauv'ee. Que j’ai soif. Ca me br^ule. `A boire ! `A boire ! Donne-moi encore `a boire !

Fant^omas, d'esormais, s’'etait recul'e. Il regardait avec des yeux hagards la sc`ene effroyable qui se d'eroulait : les membres du p`ere Coutureau se tordaient, comme s’ils 'etaient crisp'es par le t'etanos, ses yeux se r'evulsaient, ses l`evres 'ecumaient, sa t^ete se renversait en arri`ere puis retombait en avant, lourdement sur sa poitrine. Il essaya de se lever, fit quelques pas en tr'ebuchant.

— O`u suis-je ? balbutia-t-il.

Ses gestes 'egar'es heurtaient la bouteille d’alcool. Ses mains tremblantes s’en empar`erent, il en enfonca le goulot dans sa gorge et vida le poison `a m^eme dans son gosier. Puis, soudain, ses membres se raidirent, ses dents se referm`erent, brisant le goulot de la bouteille. Sa bouche pleine de verre et de sang devint une plaie affreuse. Soudain, en pleine crise alcoolique, terrass'e par le poison, le p`ere Coutureau tomba sur le sol, raide, immobile. Fant^omas se rapprocha :

— Delirium tremens, dit-il. Il est mort. Il est mort avant que j’aie pu tout savoir. Mais sa mort ne sauve pas sa fille. Au contraire. `A nous deux maintenant. Malheur `a toi, Rose Coutureau…

21 – TALMA JUNIOR

— Eh bien voil`a, j’aime mieux cela ! Quand on commence `a prendre de l’^age, on a plaisir `a se rendre compte que son avenir est assur'e, que la fortune est faite, car c’est bien mon cas, je suis tranquille maintenant. Est-ce que je ne suis pas 'etabli commercant ? Sacr'e bon Dieu, commercant, c’est tout de m^eme quelque chose ! Ca compte dans le pays, et quand on r'epond

« oui » `a quelqu’un qui vient vous demander : « Monsieur est dans le commerce », ca produit toujours son petit effet. Qu’est-ce que j’ai bien pu faire du pot de peinture ? Ah le voil`a ! La question est de savoir s’il faut mettre un r ou deux au mot gruy`ere ?

L’individu qui monologuait ainsi 'etait un personnage `a la figure joviale, tout embroussaill'ee d’une barbe rousse hirsute. Il 'etait coiff'e d’un vieux chapeau mou, aux teintes d'efra^ichies, et qui avait d^u recevoir les coups de plusieurs orages auxquels avaient succ'ed'e de cuisants rayons de soleil.

Par dessus des v^etements modestes, il portait une grande blouse couverte de taches de peinture. Le personnage qui s’exprimait tout haut, bien qu’il f^ut seul, recula de quelques pas dans la rue, mettant entre lui et sa devanture la largeur du trottoir, pour s’assurer de l’effet que produisait son travail. Et cependant qu’il agitait son pinceau, il poursuivit :

— Il y a commerce et commerce, il s’agit de s’entendre ! Dans un pays civilis'e, les gouvernements changent, la mode varie, et ce qui pla^it aujourd’hui, nul n’y fait attention demain. Mais il y a une chose qui ne ch^ome jamais, c’est l’alimentation. Et la mode a beau se modifier, les g'en'erations se succ'eder les unes aux autres, on mange toujours `a peu pr`es de la m^eme facon, et sans cesse les m^emes choses. C’est m^eme bien 'epatant qu’on n’en soit pas fatigu'e. D'ecid'ement, j’'etais n'e pour le commerce, et le commerce 'etait fait pour moi, c’est une v'eritable vocation, et je suis bien heureux de m’en ^etre apercu. Tout serait parfait vraiment si j’'etais renseign'e sur l’orthographe de « gruy`ere ».

Le personnage s’arr^eta de bavarder et regarda autour de lui, sans doute avec l’espoir de trouver quelqu’un `a qui poser cette question embarrassante, `a qui soumettre ce probl`eme compliqu'e. Mais il n’y avait personne et l’homme demeurait perplexe.

L’orateur qui 'emettait ces pens'ees lapidaires, et les exprimait si noblement, n’'etait autre que le vieux chemineau Bouzille, qui, apr`es avoir exerc'e toutes sortes de m'etiers et v'ecu dans les pays les plus vari'es les aventures les plus diverses, avait fini par s’'etablir commercant.

Oh certes, l’'etablissement de Bouzille n’'etait pas bien vieux ; cela remontait `a trois jours. Un cordonnier install'e dans une 'echoppe de la rue de la Libert'e, `a Belleville, avait subitement disparu, emportant tout son mat'eriel, et le petit local 'etait rest'e vide, disponible, sans que l’on s^ut quel en 'etait le propri'etaire. Bouzille, qui passait par l`a, avait avis'e cette baraque, toute pr^ete et, sans le moindre scrupule, s’en 'etait empar'e.

— Il sera toujours temps de m’en aller, pensait-il, si je ne m’entends pas avec le propri'etaire de la cambuse.

Bouzille avait apport'e l`a ce que ses p'er'egrinations `a travers Paris lui avaient permis de r'ecolter pr'ecis'ement.

Il avait 'et'e le matin m^eme aux Halles, sur le carreau ; b'en'eficiant d’une occasion, l’in'enarrable chemineau avait fait emplette de quelques mottes de beurre qui n’'etaient en r'ealit'e que de la margarine, et aussi d’une superbe roue de fromage qui ressemblait, tout au moins de loin, `a du gruy`ere.

Bouzille s’'etait dit qu’avec ces articles de premi`ere n'ecessit'e, il allait certainement faire une bonne affaire en les revendant au d'etail. Plein d’ing'eniosit'e il 'etait all'e emprunter un pot de peinture `a un marchand de couleurs voisin, puis s’'etait procur'e des planches arrach'ees `a une cl^oture des environs, et d`es lors, il avait d'ecid'e d’'ecrire sur ces panneaux la raison sociale de sa maison de commerce, qu’il intitulait

« Au vrai Gruy`ere ».

Il en 'etait `a la moiti'e du dernier mot, qu’il s’arr^etait, troubl'e, ne sachant toujours pas s’il fallait mettre un ou deux r.

Bouzille consid'erait d'esormais les alentours de son magasin. Celui-ci se trouvait rue de la Libert'e `a Belleville, et ce quartier, cette rue pr'ecis'ement, 'evoquaient en lui des souvenirs qui l’apitoyaient quelque peu.

Il voyait, non loin de l`a, un grand immeuble de six 'etages, construit en briques, et se dressant comme une tour au haut des terrains vagues qui surplombent Paris.

C’'etait l`a qu’autrefois avait habit'e une brave femme charg'ee d’enfants, mari'ee `a un ouvrier terrassier du nom de Bernard. La trag'edie avait 'eclat'e bient^ot. Bernard avait retrouv'e `a Paris, venue comme lui du fonds du Limousin, une de ses payses qui avait eu de la chance et qui `a l’'epoque 'etait richement entretenue par un fils de famille. Cette femme s’appelait alors Rita d’Anr'emont.

Le drame 'etait survenu brutalement. Trois ^etres 'etaient morts au cours d’un myst'erieux massacre : l’ouvrier macon, le fils de famille et la demi-mondaine [32]. Bouzille se souvenait de ces histoires et ne pouvait s’emp^echer de tressaillir en y pensant car, `a ces aventures tragiques, 'etait m^el'e le nom du sinistre, de l’insaisissable bandit : Fant^omas.

Bouzille, d’ailleurs, avait des souvenirs plus r'ecents de ses relations avec le Ma^itre de l’Effroi.

Tout r'ecemment, encore, il avait eu une belle peur, lorsqu’il avait 'et'e m^el'e aux incidents de l’autobus tragique, de l’int'erieur duquel la bande de Fant^omas avait mitraill'e Paris.

Bouzille, ensuite, avait pass'e par de terribles inqui'etudes. Il 'etait entra^in'e dans la fuite 'eperdue des assassins, il s’'etait cach'e, sur l’ordre de Fant^omas, au fond d’un tonneau que le bandit avait jet'e `a la Seine et dont il 'etait parvenu `a sortir, `a moiti'e mort de froid, `a moiti'e suffoqu'e.

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