L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
Шрифт:
— Mon petit Fandor, s’'etait dit le journaliste, se parlant `a lui-m^eme ainsi qu’il avait coutume de le faire dans ses moments d’expansion, mon petit Fandor, tu es le plus immonde des cr'etins de l’univers. Ta cervelle doit ^etre en putr'efaction. Ton idiotie ferait reculer d’horreur un acad'emicien de l’Acad'emie francaise. Enfin, je ne te reconnais plus. Parbleu, un endroit dont il faut trente-cinq minutes pour s’'evader par la voie de l’eau en se trouvant amen'e `a la Seine est un endroit qui est `a trente-cinq minutes de la Seine. Il n’y a pas `a aller contre. C’est un fait indiscutable. Maintenant il est tr`es facile, en cas de besoin, de mettre trois heures pour y parvenir.
Fandor interrompit sa gigue, souffla, se frotta les mains, fit trois grimaces de plaisir dans la glace de sa chemin'ee, puis poursuivit son raisonnement :
— Admettons que Fant^omas ait tourn'e en rond pour rallonger la route. La premi`ere conclusion `a en tirer, c’est qu’H'el`ene et Blanche sont prisonni`eres dans l’enceinte de Paris. Cela explique parfaitement, d`es lors, que Riquet, tomb'e dans la rivi`ere souterraine, ait pu ^etre amen'e `a la Seine au pont de Grenelle en trente-cinq minutes. Il y a mieux, cela va peut-^etre me donner le moyen de retrouver en l’espace d une seconde la prison de mes deux amies.
Tout en parlant, Fandor choisissait dans une valise cach'ee sous son lit, la chemise toil'ee sur laquelle on lisait : Plan de Paris.
Fandor fouilla dans ce dossier. C’'etait la collection tr`es compl`ete de tous les plans qui ont 'et'e publi'es : plans ordinaires, plans des tramways, du M'etropolitain, des monuments, des th'e^atres, des curiosit'es, cartes g'eologiques.
Et soudain, Fandor poussa un cri de triomphe en retrouvant le seul plan qu’il cherchait : le plan de l’hydrographie du sous-sol parisien.
— Parbleu, chantonna le journaliste, en d'epliant la feuille, c’est bien le diable si je ne trouve pas l`a-dessus la rivi`ere souterraine qui a si proprement emport'e mon pauvre Riquet, et c’est le diable encore, si, en v'erifiant les immeubles sous lesquels passent les diverses rivi`eres du sous-sol parisien, je n’arrive pas `a d'ecouvrir le ch^ateau que je cherche, soi disant un ancien couvent.
Une heure plus tard, Fandor 'etait s^ur de son fait. Il partait vers le ch^ateau myst'erieux.
Fandor, subitement, avait pens'e au couvent de l’Assomption.
D'esaffect'e depuis peu, le couvent de l’Assomption se trouve dans le plus complet abandon, 'etant confi'e aux soins d’un liquidateur. Il y a l`a un vaste parc o`u l’on se croirait `a cent lieues de Paris, d’'enormes b^atiments, avec une infinit'e de murs d’enceinte, et il 'etait tr`es possible, en effet, que les deux prisonni`eres y eussent 'et'e conduites. Et elles pouvaient parfaitement ignorer qu’elles 'etaient dans Paris, et qu’elles se trouvaient dans ce couvent.
Une heure plus tard, parvenu rue de l’Assomption, `a deux pas de la rue Mozart, o`u les tramways d’Auteuil-Madeleine passent majestueux et lents, il v'erifiait combien l’endroit 'etait merveilleusement propice `a un emprisonnement semblable `a celui dont il s’occupait. Les maisons voisines tournent le dos au couvent. De plus, le parc lui-m^eme, 'enorme, compl`etement n'eglig'e, rempli de fourr'es touffus, est bord'e de tout un c^ot'e par un autre grand jardin qui d'epend d’une villa voisine.
Les murs qui entourent le couvent sont hauts, et l’escalade e^ut assur'ement attir'e l’attention des passants, provoqu'e un scandale, ce qu’il fallait 'eviter `a tout prix, au cas d’une erreur possible. Par bonheur, le hasard, une fois encore, devait servir le journaliste. Le long du trottoir, en effet, stationnait une grande voiture d’'epicier, dont les chevaux, `a demi d'etel'es, avalaient tranquillement une musette d’avoine, tandis que leurs conducteurs devaient d'ejeuner en un mastroquet voisin. J'er^ome Fandor avisa cette voiture, sourit, et, leste comme un chat, escalada sa toiture. Il 'etait nu t^ete, v^etu de pauvres habits, on dut le prendre pour un livreur, personne ne s’'etonna.
« Tr`es bien, pensa Fandor.
Parvenu sur ce toit de voiture J'er^ome Fandor 'etait `a peu pr`es de niveau avec le sommet de la muraille du couvent dont seule la largeur du trottoir le s'eparait.
Prendre son 'elan, sauter de la voiture sur le mur, rester une demi-seconde `a peine en 'equilibre sur ce mur et se laisser d'egringoler dans le parc, c’'etait un jeu pour le journaliste.
— De mieux en mieux, se d'eclara Fandor qui, tomb'e dans un buisson de ronces, se d'echirait la peau aux pointes ac'er'ees.
Il traversa le parc dans son entier, puis se heurta `a une nouvelle muraille qui devait clore le jardin proprement dit.
Mais, si J'er^ome Fandor avait h'esit'e `a franchir par escalade le mur de la rue de l’Assomption, il n’avait plus `a s’embarrasser de la crainte des passants pour vaincre ce nouvel obstacle.
Intr'epide, il s’accrocha aux pierres branlantes, trouva prise dans les l'ezardes du pan de mur. Une seconde apr`es il 'etait au fa^ite, une seconde encore et il se trouvait `a l’int'erieur de la seconde enceinte.
Or, J'er^ome Fandor n’'etait pas de l’autre c^ot'e de ce mur qu’il apercevait, gracieusement dress'ee devant le perron d’une immense b^atisse, la jolie statue de l’Amour apprivoisant les deux colombes.
Alors Fandor, oubliant toute prudence, allait s’'elancer en courant, et de toutes ses forces, crier :
— H'el`ene, H'el`ene, me voil`a, vous ^etes sauv'ee !
Il s’arr^eta, r'efl'echit.
— Non, se dit-il, attendons la nuit pour nous montrer.
Et jusqu’`a neuf heures du soir, il demeura tapi dans un fourr'e.
***
En quelques mots entrecoup'es, J'er^ome Fandor, ayant enfin retrouv'e H'el`ene et Blanche Perrier, d'ecida d’un plan de fuite :
— Fuyez, avait dit le jeune homme, vous ^etes au couvent de l’Assomption, prisonni`eres de Fant^omas.
— Non, de Juve, avaient cri'e Blanche et H'el`ene.
Il ne les 'ecoutait d'ej`a plus.
— Je ne peux pas fuir… Mon enfant ! cria Blanche.
— Cette cha^inette ne vous retiendra pas longtemps, dit Fandor.
Et, tandis qu’H'el`ene entra^inait Blanche, tandis qu’elle la forcait `a s’enfuir, J'er^ome Fandor, se servant d’une pierre comme d’une enclume, en prenant une autre pour marteau, il brisait la cha^ine qui retenait le petit Jacques.