L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Ses dents claquaient de peur et ses exclamations interrompaient une plainte sourde, monotone.
— Mon enfant, qu’est devenu mon enfant ?
Soudain, la porte de la pi`ece dans laquelle elle se trouvait, et qu’elle avait referm'ee de son mieux, s’'ebranla, s’ouvrit tout enti`ere.
Blanche sentit son coeur battre violemment dans sa poitrine, l’homme qui s’introduisait dans la cachette o`u la malheureuse se croyait en s'ecurit'e, venait de pousser un formidable juron et `a haute voix, il grommela :
— Imb'ecile que je suis, ce n’est plus la peine de tourner le commutateur, cet animal de Bedeau depuis qu’il est parti, a naturellement abandonn'e le moteur qui faisait marcher l’'electricit'e, nous n’avons plus de lumi`ere.
Blanche l’entendait, elle se f'elicitait d'ej`a du renseignement. Peut-^etre allait-elle passer inapercue du fait que la lumi`ere manquait ?
Et, dans l’angle de la pi`ece o`u elle se trouvait, elle se recroquevilla de son mieux, se fit toute petite, s’emp^echa de respirer pour ne pas attirer l’attention de l’arrivant. Mais son espoir ne devait pas ^etre exauc'e, car l’homme avait fait craquer une allumette, il l’approcha d’une lanterne qu’il avait apport'ee avec lui, la m`eche s’alluma, la lampe projeta une lueur blafarde sur la salle, que l’homme examina soigneusement aux rayons de son fanal.
Blanche fut 'eclair'ee par ce rayon, et l’apercevant, l’homme poussa un cri de triomphe.
Mais la jeune femme qui voyait l’arrivant avait, elle aussi, un cri, et ce cri n’'etait point un cri de terreur, mais plut^ot un cri de soulagement, presque de satisfaction :
— Juve, c’est Juve, je suis sauv'ee.
Blanche alla vers le policier, l’homme qu’elle reconnaissait pour ^etre celui qui, quelques jours auparavant, l’avait enferm'ee dans le couvent, rendue prisonni`ere, et constitu'ee gardienne de son amie H'el`ene :
— Monsieur ? Monsieur ? interrogea Blanche alarm'ee, que se passe-t-il ? renseignez-moi ! Que signifient ces coups de feu ? O`u est mon enfant ? O`u sont mes amis ?
L’homme avait pos'e sa lanterne sur une petite table ; il consid'era Blanche d’un air sinistre, les bras crois'es, le front pliss'e. Puis il ricana.
— Blanche Perrier, d'eclara-t-il, le moment des explications est venu. 'Ecoute. Tu m’as d'esob'ei, tu vas ^etre ch^ati'ee. Ta punition servira d’exemple, montrera que ce n’est jamais impun'ement que l’on enfreint mes ordres.
— Mais qu’ai-je fait ? demanda-t-elle interdite, en quoi vous ai-je d'esob'ei ?
— Tu as cherch'e `a fuir malgr'e ma d'efense, tu as quitt'e le couvent en emmenant avec toi H'el`ene et ton enfant.
— Mais, protesta Blanche au comble de la stup'efaction, si j’ai agi de la sorte, c’est sur les conseils de votre meilleur ami, de celui que vous consid'erez, comme votre fr`ere, comme votre fils, sur le conseil de J'er^ome Fandor.
— Ah, ah, Fandor, mon meilleur ami ? mon fr`ere ? mon fils ? ah oui donc !
Il s’arr^eta un instant, fit quelques pas, dans la pi`ece, jeta sur Blanche de plus en plus abasourdie, des regards f'eroces, puis, soudain, il bondit sur elle, lui prit le poignet, attira la jeune femme contre lui.
— 'Ecoute bien, Blanche Perrier, dit-il, et retiens ce que je vais te dire, car ce sont les derni`eres paroles que tu entendras.
— Les derni`eres paroles ?
— Les derni`eres paroles, car tu vas mourir.
— Mourir ? pourquoi ? Qu’ai-je fait ? Gr^ace, Juve, Juve, d'efendez-moi !
— Te d'efendre ? Allons donc. C’est moi qui vais te tuer.
D'eployant une vigueur extraordinaire de la part de sa fr^ele personne, Blanche Perrier s’arracha `a l’'etreinte de celui qui la maintenait.
— C’est impossible, hurla-t-elle, Juve ne tue pas. Juve n’est pas un assassin. Juve, au contraire, sauvegarde et prot`ege.
Elle n’acheva pas.
— Triple sotte, tu n’as donc pas compris qui je suis ? Moi, l’homme qui te parle en ce moment ? Celui qui va te ch^atier et te faire p'erir ? Aussi bien en ai-je assez de passer sans cesse pour Juve, Juve le perspicace, Juve l’honn^ete homme, Juve l’irr'eprochable. Non, non, je ne suis pas cela et je m’en vante. Regarde-moi bien Blanche Perrier, pour que tes yeux emportent jusqu’au fond de la tombe le souvenir de mon visage. Je ne suis pas Juve. Je suis Fant^omas. Fant^omas !
Blanche Perrier bondit `a travers la pi`ece comme une b^ete fauve, comme une folle. Elle allait au hasard, se heurtant aux murs, tr'ebuchant dans les meubles, ensanglantant ses mains au contact de pointes qu’elle rencontrait, de vitres bris'ees, mais, insensible, indiff'erente, elle allait quand m^eme, comme si elle voulait enfoncer les murs, rompre les cloisons. Le sang coulait sur tout son corps, elle 'etait `a demi d'ev^etue, ses v^etements se d'echiraient, tombaient par lambeaux, et sa lourde, son opulente chevelure compl`etement d'efaite, flottait sur sa nuque et ses 'epaules. Assur'ement, elle 'etait belle `a voir, dans la tragique horreur de son 'epouvante.
Fant^omas, `a deux ou trois reprises, avait pouss'e des jurons d’impatience. En vain, avait-il cherch'e `a recharger son revolver, il n’avait pas trouv'e une seule balle, il avait d'ej`a tellement tir'e qu’il ne lui restait plus de munitions :
— Quelle malchance, jura-t-il, est-ce qu’elle va m’'echapper ?
Le monstre grinca des dents :
— Il faut pourtant que je la tue, cette mort est indispensable au plan que j’ai 'echafaud'e, `a toute la combinaison que je pr'epare. Blanche 'epargn'ee, vivante, ce serait la ruine de mes esp'erances et de mes projets.
Cependant, de l’ext'erieur, parvenaient des bruits qui faisaient tressaillir Fant^omas.
Blanche Perrier les avait entendus aussi. Elle n’'etait pas de ces femmes qui se r'esignent ais'ement et que le d'esespoir ou la terreur paralyse. Elle sentait sa vigueur d'ecupler. Les bruits lointains d’abord, mais qui se rapprochaient, lui donn`erent de l’espoir.
— Au secours, au secours ! hurla-t-elle.
Puis, elle s’arr^eta une seconde, pour 'ecouter, cependant que Fant^omas grommelait :
— Mal'ediction !
Tous deux, en effet, avaient entendu que de l’ext'erieur, des voix avaient r'epondu `a l’appel :
— Courage, avait cri'e quelqu’un, courage, on arrive !
Fant^omas tr'epignait de col`ere, et se rendait compte que c’'etait d'esormais une lutte de vitesse, pour lui, avec les sauveteurs 'eventuels de Blanche, lutte dans laquelle il fallait triompher.
— Blanche ordonna-t-il, laisse-toi prendre. Ob'eis-moi, ta mort est certaine, mieux vaut pour toi qu’elle soit douce et rapide. Si tu r'esistes elle sera d’autant plus douloureuse.