La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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C’est ainsi que la jeune fille apprit les circonstances dans lesquelles les services de la S^uret'e, synth'etis'es par Juve, avaient d'ecouvert l’'etrange disparition de Fleur-de-Rogue, et finalement identifi'e le cadavre.
H'el`ene se fit raconter de m^eme que le Bedeau, depuis la mort de sa ma^itresse, semblait compl`etement an'eanti, abruti, qu’il faisait gaffe sur gaffe, et attirait chaque jour sur lui le courroux de Fant^omas.
— Fant^omas est-il donc par ici ?
— S’il est ici ? s’'ecria Bec-de-Gaz, et comment, plut^ot deux fois qu’une !
L’apache raconta alors `a H'el`ene comment Fant^omas, une quinzaine de jours auparavant, avait, dans un bouge de la Glaci`ere, retrouv'e le Bedeau qui voulait se faire conduire en prison, et embauch'e l’amant de Fleur-de-Rogue dans une bande qui devait aller travailler aux environs de Bayonne et de Biarritz. On leur avait pay'e le voyage jusqu’`a Bayonne o`u ils se trouvaient, et depuis lors, ils n’avaient plus eu de nouvelles de personne et ils commencaient `a s’ennuyer, parce que l’argent recu en avance 'etait enti`erement d'epens'e.
— Car, vous n’en n’aurez plus, avait dit Fant^omas, d'ebrouillez-vous comme vous l’entendrez pour assurer votre existence. Et je ne veux pas entendre parler de mauvais coups, je ne veux pas qu’on descende des pantes [5]. Compris ?
— Je te demande un peu, la Gu^epe, ce qui nous reste `a faire ?
— S^ur, reprit Bec-de-Gaz, la mat'erielle n’est pas commode `a gagner, dans ces conditions.
OEil-de-Boeuf reprenait :
— Surtout que Fant^omas m’a l’air de ne pas y aller avec le dos de la cuill`ere, dans ce patelin-l`a, ca remue, ca grouille depuis qu’il est arriv'e. De tous les c^ot'es on entend parler que de vols, que de crimes.
H'el`ene p^alit. Bec-de-Gaz venait de raconter, non sans une certaine admiration pour le policier, comment Juve avait failli pincer le Bedeau dans un 'egout, et comment il avait emp^ech'e, par suite, Fant^omas de se procurer les vingt-cinq mille francs dont il avait besoin.
— Comment sais-tu tout ca ? demanda H'el`ene.
— Par B'eb'e, expliqua l’apache.
— Ah c`a, songea H'el`ene, ils sont donc tous l`a ? Qu’'etait devenu Fandor dans tout cela ?
Au d'ebut de leur entretien avec elle, Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf avaient laiss'e entendre qu’on croyait le journaliste parti de Paris puis, qu’il avait disparu `a la suite du fameux accident de l’express de Bordeaux.
Mieux que personne, OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz 'etaient renseign'es sur cette affaire, mais ils n’avaient voulu fournir `a H'el`ene aucun renseignement compl'ementaire. Ils connaissaient les sentiments de la jeune fille `a l’'egard du journaliste.
H'el`ene, toutefois, avait retenu ce fait de son long entretien avec les deux apaches : que Juve devait ^etre retourn'e au ch^ateau de Garros o`u il s’agissait pour lui d’enqu^eter avec le procureur de la R'epublique, sur la mort myst'erieuse du spahi.
Et un d'esir irr'esistible, une envie folle s’emparait de la jeune fille. Elle voulait `a tout prix voir Juve, avoir par lui des nouvelles de Fandor. Elle 'etait pr^ete `a risquer le tout pour le tout, oui, il fallait qu’elle retourne le plus vite possible au ch^ateau de Garros.
Sa d'ecision prise, H'el`ene n’h'esita plus. Une demi-heure plus tard, elle quittait les apaches, regagnait son logement `a Bayonne, mais pour n’y passer qu’un instant : elle allait partir pour le ch^ateau de Garros, c’'etait d'ecid'e.
23 – LA FAVORITE
Il 'etait neuf heures du soir environ lorsque H'el`ene arriva au ch^ateau de Garros. La jeune fille avait eu la chance de trouver, `a la gare de Bayonne, un train omnibus desservant toutes les stations, ce qui lui permit d’atteindre la petite gare, distante seulement du ch^ateau de quinze cents m`etres.
La nuit 'etait noire et un l'eger brouillard obscurcissait encore le trajet que faisait la jeune fille sur une route d'eserte `a travers la for^et de pins.
De fortes senteurs de r'esine lui montaient au cerveau, cependant qu’un air sain et vivifiant s’'echappait de la pignada.
La jeune fille, qui avait v'ecu plus de quarante-huit heures dans le ch^ateau de Garros et trois ou quatre jours `a errer dans son voisinage au moment o`u elle avait quitt'e ces tragiques parages, se sentait fort `a l’aise dans cette obscurit'e et se dirigeait d’un pas d'ecid'e dans la propri'et'e des Fargeaux.
H'el`ene ne tarda pas `a atteindre le perron de la propri'et'e, elle se disposait `a sonner. Non, elle ne tenait pas `a faire conna^itre son retour `a tout le personnel. Mieux valait pour elle passer inapercue et rencontrer tout d’abord Delphine afin d’obtenir d’elle quelques explications.
D’apr`es ce que lui avaient dit Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf, au cours du d^iner qu’H'el`ene avait brusquement interrompu pour partir, celle-ci supposait qu’aux habitants du ch^ateau s’'etaient joints Juve, le procureur Anselme Roche et vraisemblablement J'er^ome Fandor aussi.
Car H'el`ene n’avait rien soupconn'e des r'eticences des deux apaches, elle ne se doutait pas que ceux-ci avaient 'et'e au nombre de ceux qui s’'etaient empar'e du train.
La jeune fille s’attendait 'egalement `a des questions sur son attitude depuis une quinzaine de jours, depuis la mort myst'erieuse de Fleur-de-Rogue. Lui faudrait-il fournir des explications `a ce sujet ? que dirait-elle aussi si on s’'etait apercu, ce qui 'etait probable, que c’'etait sur elle qu’avait tir'e le spahi ? On lui demanderait alors certainement comment et pourquoi elle s’'etait trouv'ee juste `a point pour servir de cible au coup de revolver de l’infortun'e cavalier.
H'el`ene, tout en r'efl'echissant, s’introduisait dans la maison, doucement, inapercue, se r'eservant le moment de se montrer.
Pr'ecis'ement, la porte qui faisait communiquer l’ext'erieur du ch^ateau avec le vestibule du rez-de-chauss'ee n’'etait pas ferm'ee `a clef. H'el`ene ouvrit lentement, fit quelques pas dans le noir, 'ecouta. C’'etait le silence absolu. H'el`ene connaissait tr`es suffisamment la disposition de l’immeuble pour s’y diriger, m^eme dans l’obscurit'e. Elle gagna l’escalier qui conduisait au premier 'etage, elle monta les marches, suivant le tapis dont la laine moelleuse 'etouffait le bruit de ses pas. Parvenue au palier du premier 'etage, la jeune fille 'ecouta encore. Elle savait qu’en face d’elle se trouvait un petit salon o`u les 'epoux Fargeaux se tenaient d’ordinaire.
Et, finalement, H'el`ene s’'etonnait de ne point les entendre, car le peu de temps de son s'ejour `a Garros avait 'et'e suffisant pour que la jeune fille e^ut remarqu'e les disputes continuelles dont les deux 'epoux 'emaillaient leurs entretiens.
H'el`ene pr^eta l’oreille quelques instants encore et finit par percevoir le bruit d’une voix qu’elle reconnaissait fort bien. C’'etait celle de Delphine Fargeaux. Toutefois, en 'ecoutant, H'el`ene n’entendait personne d’autre lui r'epondre.