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ЖАНРЫ

La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Comprenez-vous ce document ? demanda le juge.

— Non, dit Fandor, pas du tout.

La lettre adress'ee `a Nalorgne et `a P'erouzin, 'etait en r'ealit'e compos'ee d’une s'erie de mots sans suite. Cette fois Fandor en demeura muet. Autour de lui tout dansait, tout tournait, dans une sarabande effroyable : le juge d’instruction, Nalorgne, P'erouzin, le greffier, les deux gardes, le mobilier du cabinet, tout valsait dans l’esprit de Fandor. Le jeune homme tituba, fut sur le point de s’'ecrouler : un garde le soutint.

— 'Evidemment, concluait, avec une nettet'e tranchante le digne M. Langlois, 'evidemment, c’est tr`es int'eressant, tr`es significatif, Monsieur Fandor. Vous avez voulu vous moquer de la Justice et pour moi, la preuve de votre culpabilit'e est largement faite par les mensonges saugrenus que vous aviez imagin'es au sujet de ces deux lettres qui, disiez-vous, devaient vous innocenter. L’une est incompr'ehensible, l’autre est blanche, en cons'equence…

Fandor, comme un fou, s’'etait lev'e. Il 'echappait `a ses gardiens, il bondissait vers le juge d’instruction terrifi'e, il lui fourrait la lettre sous le nez avec une autorit'e qui n’admettait pas de r'eplique :

— Sentez : il est impossible que vous ne sentiez pas.

M. Langlois n’osait dire ni oui ni non. La mimique de Fandor l’affolait. Il savait que contrarier les fous est ce qu’il y a de plus dangereux au monde, aussi s’en garda-t-il soigneusement. Il huma, pour lui faire plaisir, le papier que Fandor lui mettait sous le nez.

Or, brusquement, comme il respirait ainsi, M. Langlois `a nouveau 'ecarquillait les yeux.

— Vous sentez, hein ? r'ep'etait Fandor.

— Oui.

— Et qu’est-ce que vous sentez, nom d’un chien ?

— L’oignon.

— L’oignon, je ne vous l’ai pas fait dire.

— Et quelle conclusion en tirez-vous ?

Alors Fandor s’emporta :

— Je comprends tout. L’aventure est limpide ! Parbleu oui, j’ai 'et'e jou'e par Fant^omas, c’est bien `a l’encre v'eritable qu’il 'ecrivait, seulement, en m^eme temps, il passait un morceau d’oignon sur les lignes qu’il venait de tracer. C’est un proc'ed'e connu, un proc'ed'e classique. Quand l’op'eration est faite habilement, quand l’oignon pr'esente certaines qualit'es, il mange l’encre. Petit `a petit il n’en reste plus trace. Ah, l’animal. Je comprends maintenant pourquoi il tenait `a ce que la lettre ne m’arriv^at que dans trois jours, il voulait laisser `a la chimie le temps d’agir.

— Ce que vous dites est possible, mais rien ne le prouve. Cette lettre sent l’oignon, je le reconnais, l’oignon peut faire dispara^itre des traces d’'ecriture, mais, et voil`a le point essentiel, il n’en reste pas moins que vous avez menti. Vous pr'etendiez que Fant^omas avait 'ecrit sous votre dict'ee, il n’a pas 'ecrit sous votre dict'ee car alors vous l’auriez vu passer un morceau d’oignon.

— C’est absurde. Parbleu oui, il a pass'e de l’oignon sur sa lettre, mais il l’a pass'e subrepticement. Comment ? je ne le sais pas. Il peut y avoir vingt moyens. Je me rappelle, tenez, qu’il avait des manchettes fort longues et des boutons de manchettes volumineux. Ces boutons de manchettes 'etaient peut-^etre constitu'es par des oignons artistement truqu'es.

M. Langlois tendit un papier `a Nalorgne et `a P'erouzin.

— Ce que dit l’inculp'e, d'eclarait le magistrat, n’a aucune vraisemblance et l’on peut en cons'equence tenir ses d'eclarations pour non avenues. De tout ceci, il n’y a qu’une chose `a retenir : le sieur J'er^ome Fandor, arr^et'e sur l’ordre de Juve, a affirm'e que son innocence 'eclaterait quand il arriverait deux lettres. L’une de ces lettres est blanche, l’autre est incompr'ehensible. Je clos mon instruction sur ce fait. Messieurs Nalorgne et P'erouzin, voici un mandat qui vous enjoint d’accompagner le sieur J'er^ome Fandor `a Paris, o`u je le renvoie devant le juge d’instruction d'ej`a saisi des affaires de l’avenue Niel. Je vous recommande tout sp'ecialement de faire grande attention au pr'evenu pendant le voyage, je vais d’ailleurs donner des ordres pour qu’on vous r'eserve un wagon sp'ecial dans le train.

— Fichu, se disait le journaliste, je suis fichu.

24 – PRIS AU PI`EGE

Nalorgne, l’air rogue et hautain, s’'etait tourn'e vers Fandor, et l’avait averti :

— La d'ep^eche que l’on vient de nous remettre, nous pr'evient que, par crainte de manifestations, la S^uret'e a envoy'e un taxim`etre nous attendre `a Clamart. Notre train y stoppera une minute, pour nous permettre de descendre, t^achez de ne pas rousp'eter et de vous d'ep^echer.

Fandor, de la t^ete, avait fait oui. Rousp'eter ? Il n’y songeait gu`ere, le malheureux journaliste, car, `a la v'erit'e il 'etait rompu de fatigue, bris'e d’'emotions, incapable, croyait-il, du moindre acte d’'energie. Depuis Cherbourg, Nalorgne et P'erouzin avaient us'e `a son endroit de rigueurs pour le moins inutiles. Non seulement, ils n’avaient pas permis `a leur prisonnier de descendre une seconde de wagon, mais encore ils lui avaient laiss'e les menottes.

Fandor, toutefois, 'etait trop philosophe pour laisser para^itre son ennui, sa col`ere ou sa rage, d`es lors qu’il pr'evoyait que ses gardiens en concevraient une satisfaction qu’il n’avait nul d'esir de leur donner.

— Ces gaillards-l`a, se r'ep'etait Fandor, se payent ma t^ete de bonne mani`ere. Ils doivent exulter `a l’id'ee qu’ils m’ont arr^et'e, qu’ils sont charg'es de me livrer `a la justice. Je ne vais pas, en leur montrant mon emb^etement, augmenter leur satisfaction personnelle.

Toutefois, Fandor avait beau faire, il ne r'eussissait pas `a amener un sourire joyeux sur ses l`evres. D’abord il 'etait vex'e, ensuite il 'etait inquiet. De plus, il comprenait `a merveille ce qu’avait voulu Fant^omas. Fant^omas, dans le ch^ateau d'esert de Saint-Martin, s’'etait parfaitement rendu compte qu’il avait beaucoup plus d’int'er^et `a ne pas tuer Fandor, pour le faire consid'erer comme l’auteur de tous les crimes dont lui-m^eme 'etait responsable. Fant^omas s’'etait moqu'e du journaliste. Lentement, docilement, il avait 'ecrit sous sa dict'ee la lettre que Fandor avait pr'epar'ee pour faire 'eclater son innocence mais, en m^eme temps, il s’'etait arrang'e pour utiliser le proc'ed'e de l’oignon qui l’avait assur'e que la lettre ne produirait aucun effet. Cela 'etait d'ej`a bien. Ce qu’il y avait de mieux, c’'etait les instructions donn'ees `a Nalorgne et P'erouzin o`u le juge n’avait vu que du feu.

— Je suis, pensait Fandor, exactement dans la situation d’un monsieur qui tombe du quatri`eme 'etage. Tant qu’il tombe, tant qu’il est dans le vide, le mal n’est pas grand. Seulement il se dit en lui-m^eme : pourvu que cela dure. C’est ainsi que, depuis Cherbourg, Nalorgne et P'erouzin m’ont empoign'e dans leurs mains d'elicates. Je n’ai, somme toute, pas trop `a me plaindre. Mais pourvu que cela dure, pourvu qu’avant la Tour de l’Horloge o`u je vais tr`es vraisemblablement coucher ce soir, il ne survienne rien.

Car en r'ealit'e, ce que Fandor redoutait, c’'etait tout bonnement une attaque de Nalorgne, et de P'erouzin. Les mains prises dans ses menottes, Fandor se rendait parfaitement compte qu’il 'etait `a peu pr`es hors d’'etat de se d'efendre contre les deux bandits qui le gardaient, si fantaisie leur prenait de se d'ebarrasser de lui.

— Que voulait dire la d'ep^eche remise `a Nalorgne et `a P'erouzin lors de l’arr^et du rapide `a Dreux ?

On l’avait averti, sans doute, qu’il s’agissait tout simplement d’un ordre d’avoir `a d'ebarquer `a Clamart pour 'eviter toute manifestation, mais 'etait-ce vraisemblable ?…

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