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ЖАНРЫ

La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Faites de nous ce que vous voudrez, firent-ils, nous n’essayerons pas de fuir.

Fandor, de son c^ot'e, se frottait les mains :

— Ca va, alors. Nous allons nous tirer d’ici. Ah, mais, j’y songe, et Juve ? Si jamais il revenait, il pourrait s’inqui'eter de ne plus nous trouver.

Le journaliste tira son portefeuille, 'ecrivit en h^ate quelques mots destin'es `a renseigner Juve, si par hasard le policier survenait apr`es leur d'epart. Il attacha cette feuille de papier bien en vue sur l’un des barreaux de l’'echelle de la champignonni`ere.

Cela fait, Fandor, en moins de cinq minutes, hissa Nalorgne et P'erouzin au moyen de la benne jusque dans le champ d'esert. Il alla qu'erir le taxi-auto abandonn'e par Juve, y jeta les deux agents de police, mit le moteur en marche, sauta sur le si`ege.

Fandor, `a cet instant, 'etait joyeux, respirait `a pleins poumons.

— Bougre, se disait-il `a lui-m^eme, je n’aurais jamais cru qu’il f^ut si p'enible de passer une nuit et une journ'ee enferm'e dans une cave `a champignons. Ah, que c’est beau, la nature et les petits oiseaux.

Fandor devait 'evidemment faire appel `a sa puissante imagination pour s’extasier devant la nature, car le paysage qu’il avait devant les yeux ne pr^etait gu`ere au lyrisme. Il traversait en effet les quartiers 'epouvantables, mal fam'es et laids du Petit-Bic^etre, du Grand-Bic^etre, tous ces faubourgs qui entourent Paris d’une ceinture de mis`ere et de puanteur.

N’importe. Conduisant son auto avec une habilet'e qui t'emoignait de ses habitudes de sportsman, Fandor, en grande vitesse, virant sur deux roues et se faufilant `a travers les tramways, les tombereaux charg'es de sable, les voitures mara^ich`eres d'ebordantes de l'egumes, atteignit bient^ot la porte de Ch^atillon. Le jeune homme s’arr^eta `a quelque distance de l’octroi, passa la t^ete par la porti`ere, avertit encore, par prudence, Nalorgne et P'erouzin, toujours ligot'es :

— Pas un mot, n’est-ce pas, pas un cri, ou sans ca…

Les deux hommes ne r'epondirent pas. Fandor, en conducteur soucieux de ne point s’exposer aux rigueurs de l’octroi, v'erifia le contenu de son r'eservoir, afin d’aller faire sa d'eclaration d’essence.

Mais au moment m^eme o`u le journaliste approchait du petit bureau o`u un brave agent d’octroi allait lui d'elivrer un permis d’introduction, des camelots le d'epassaient, qui hurlaient `a pleins poumons :

La Capitale, demandez La Capitale, deuxi`eme 'edition, l’incendie de la rue Bonaparte, demandez La Capitale !

Fandor, qui n’avait pas tourn'e la t^ete en entendant crier l’'edition de son journal, une 'edition dont d’abord il pensa, devait s’expliquer par des 'ev'enements politiques qui lui 'etaient fort indiff'erents, s’arr^eta net, s’'elanca comme un fou vers le dernier des camelots en entendant ces mots tragiques :

L’incendie de la rue Bonaparte.

Fandor arracha plus qu’il ne recut la feuille que le camelot avait en main. Il jeta les yeux sur le papier frais sorti des presses, et c’est avec une stup'efaction douloureuse, qu’il lut la manchette :

« Mort du policier Juve.

»

`A cet instant, Fandor pensait que tout croulait autour de lui. Juve mort. Juve qu’il avait quitt'e quelques heures avant, en pleine victoire, 'etait mort ? Le cher ami, le compagnon de dix ans de lutte, celui qu’il aimait comme un p`ere, celui pour qui il e^ut donn'e cent fois sa vie, qui e^ut donn'e cent fois la sienne pour lui, Fandor, n’'etait plus ? Non ce n’'etait pas possible.

Avec des yeux brouill'es de larmes, des yeux qui ne voyaient gu`ere, et tandis que des sanglots s’'etouffaient dans sa gorge, Fandor lisait le court entrefilet publi'e dans cette 'edition de La Capitale, annoncant, avec des d'etails pr'ecis, h'elas, la mort du policier.

Juve avait br^ul'e, disait La Capitale, dans son propre appartement rue Bonaparte. On ne connaissait pas encore la cause de l’incendie, on ne savait point comment il se faisait que les 'etages sup'erieurs de la maison de la rue Bonaparte eussent flamb'e avec une telle rapidit'e, mais il 'etait certain que le policier avait trouv'e la mort dans les flammes. Les pompiers, arriv'es trop tard, n’avaient pu, en noyant les d'ecombres, que d'egager un cadavre informe, carbonis'e, cadavre qui 'etait, qui ne pouvait ^etre que le cadavre du policier paralytique.

Or, `a mesure que Fandor lisait, `a mesure qu’il d'epouillait les lignes vagues et incompr'ehensibles qu’avait 'ecrit quelque reporter indiff'erent, les id'ees en foule se pressaient dans le cerveau de Fandor.

« Le malheureux paralytique

», avait-on 'ecrit. Or, Juve n’'etait pas paralytique. « On ne sait comment il se fait que l’incendie a 'et'e si rapide ». « On a retrouv'e un corps ».

Fandor s’'etonnait `a tous ces d'etails. Dans l’appartement de Juve, il le savait bien, lui, se trouvait Fant^omas. C’'etait Fant^omas assur'ement qui avait mis le feu, il avait d^u mettre le feu pour s’'echapper, pour se venger de Juve. Mais s’'etait-il 'echapp'e ? et n’y avait-il pas une confusion tragique `a propos du cadavre retrouv'e ? Ce corps carbonis'e, 'etait-ce vraiment le corps de Juve ? N’'etait-ce pas celui de Fant^omas ?

Dans l’esprit de Fandor, apr`es l’horrible 'emotion de la nouvelle tragique, une esp'erance soudaine renaissait. Non, ce n’'etait pas possible, Juve n’'etait pas mort, il ne se pouvait pas que Juve f^ut mort, un homme comme Juve ne p'erissait pas dans un incendie, chez lui, grill'e, br^ul'e, comme un infirme incapable de s’'echapper.

Pourtant, Fandor se disait qu’il 'etait extraordinaire que Juve ne f^ut pas venu le d'elivrer dans la champignonni`ere. Est-ce que ce retard incompr'ehensible ne prouvait pas que le policier avait 'et'e victime d’un accident ?

Fandor, `a cette minute, e^ut donn'e tout au monde pour savoir ce qu’il 'etait r'eellement advenu de Juve.

Et voil`a qu’en m^eme temps il songeait que sa propre situation n’'etait pas d'epourvue de dangers.

Tant que Juve vivait, certes Fandor n’avait pas `a s’inqui'eter outre mesure des soupcons qui pesaient sur lui du mandat d’arr^et qui le menacait, mais, Juve mort, sa situation devenait tragique, il courait les pires dangers.

Que faire de Nalorgne et de P'erouzin ? Les emmener `a la S^uret'e ? `a quel titre ? quelles preuves avait-il contre eux ? Il n’y avait pas de mandat contre Nalorgne et P'erouzin, il y en avait un contre lui, Fandor. C’'etait donc lui que l’on coffrerait. Lui qu’on emprisonnerait, peut-^etre, sans savoir de facon certaine si Juve 'etait mort ou non.

J'er^ome Fandor ne mit pas deux minutes `a r'efl'echir. En un instant, son parti 'etait pris.

Nalorgne et P'erouzin ? Ah, il se moquait pas mal d’eux, il lui 'etait bien indiff'erent qu’ils fussent libres ou non. C’'etait de Juve qu’il s’inqui'etait. C’'etait Juve qu’il fallait retrouver `a toutes forces.

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