Чтение онлайн

ЖАНРЫ

La mort de Juve (Смерть Жюва)
Шрифт:

Fandor, d’abord, avait 'et'e tout `a la joie des nouvelles extraordinaires que Juve lui avait communiqu'ees. Il riait tout seul en songeant que l’avenir 'etait maintenant lumineux : Fant^omas 'etait pris, il allait ^etre livr'e `a la justice francaise. C’en 'etait fini des luttes 'epouvantables qui depuis des ann'ees, ne laissaient aucun repos `a Juve et `a Fandor. Le policier m^eme avait ajout'e, n’insistant point sur ce sujet, car il 'etait d’une discr'etion exemplaire, qu’H'el`ene allait mieux, que la jeune fille, toujours d'etenue `a Saint-Lazare, 'etait en voie de gu'erison.

Et cela avait caus'e une telle joie `a Fandor que les premi`eres heures de sa captivit'e, ou plut^ot de sa garde, avaient pass'e assez vite.

Fandor, toutefois, apr`es avoir fait des r'eflexions joyeuses, apr`es avoir envisag'e l’avenir sous toutes ses faces, s’^etre congratul'e lui-m^eme `a l’id'ee que Fant^omas 'etait pris, qu’H'el`ene allait mieux et que le bonheur parfait qu’il r^evait n’'etait plus qu’une question de jours, Fandor s’'etait mis `a s’ennuyer profond'ement.

— C’est monotone en diable, pensait-il, la station que je fais dans cette champignonni`ere, en face de ces deux bonshommes ligot'es, de ce maigre Nalorgne et de ce gros P'erouzin dont la conversation manque d’autant plus d’int'er^et qu’'etant 'etroitement b^aillonn'es ils ne peuvent articuler un mot.

Fandor, par compassion, autant que par ennui, avait fini par se dire qu’il 'etait inutile et m'echant de ne point soulager un peu les deux mis'erables qu’il gardait. Le journaliste s’'etait alors approch'e des captifs, avait donn'e quelque peu de l^ache `a leurs liens, les avait m^eme affranchis des b^aillons qui les 'etouffaient, tout en les avertissant qu’il agissait ainsi par pure compassion, mais qu’il ne se ferait aucun scrupule de leur casser la figure si d’aventure il leur prenait fantaisie de crier ou d’appeler au secours.

Nalorgne et P'erouzin s’'etaient tenus cois. Les deux bandits 'etaient demeur'es longtemps silencieux, puis enfin Nalorgne avait rompu son mutisme pour interroger Fandor :

— Quelle heure est-il, s’il vous pla^it ? Allez-vous bient^ot nous emmener d’ici ?

Fandor avait r'epondu, aimablement, presque, qu’il 'etait `a peu pr`es quatre heures du soir et qu’il ignorait tout `a fait quand on s’en irait de la champignonni`ere, mais qu’il souhaitait lui-m^eme que ce f^ut le plus vite possible, car il avait l’estomac dans les talons…

Fandor, `a cet instant, aurait certes bien engag'e la conversation avec Nalorgne tant il s’ennuyait, et puis il aurait peut-^etre appris des complices de Fant^omas quelques d'etails int'eressants, mais Nalorgne, renseign'e, s’'etait `a nouveau tu et les minutes encore s’'ecoulaient sans que Fandor e^ut pu trouver une autre distraction que celle qui consistait `a se promener de long en large dans l’'etroite cave, bord'ee d’un c^ot'e par un tas de fumier et de l’autre par un monceau de d'etritus.

— Tr`es joli, le paysage ! se r'ep'etait Fandor, qui commencait `a s’'enerver d’autant plus qu’il venait de griller sa derni`ere cigarette.

`A six heures, J'er^ome Fandor soudain, prit une d'ecision.

`A bout de patience, il alla se camper en face de Nalorgne et P'erouzin, et interrogeait les deux crapules avec cette extraordinaire gouaillerie un peu gavroche mais vraiment originale qui faisait le fond de son caract`ere :

— Dites donc, est-ce que vous trouvez qu’on s’amuse ici ?

C’'etait P'erouzin qui se d'ecidait `a r'epondre :

— C’est abominable, murmurait l’agent, c’est abominable de souffrir ce que nous souffrons. Monsieur Fandor, pour ma part, j’aimerais mieux encore ^etre en prison, au d'ep^ot, ^etre n’importe o`u, que de rester ici. Est-ce que M. Juve va revenir ?

Fandor ne r'epondait point `a l’agent, mais interrogeait son deuxi`eme prisonnier :

— Et vous, Nalorgne, est-ce que l’endroit vous pla^it ? vous trouvez-vous parfaitement bien ?

Nalorgne avait une r'eponse farouche ; pour une fois, le bonhomme perdait sa mine chafouine d’agent d’affaires v'ereux, il r'epondait presque avec une brutalit'e propre `a 'emouvoir tout autre que Fandor.

— Je ne sais pas ce que vous allez faire de nous, monsieur Fandor, mais je crois que, quand vous 'etiez notre prisonnier, P'erouzin et moi, nous n’avons jamais eu la l^achet'e de vous imposer une attente pareille. Si vous voulez nous tuer, tuez-nous tout de suite. Si vous voulez nous remettre aux mains de la justice, faites-le, mais, bon Dieu, par piti'e, ne restons pas plus longtemps ici.

— Ouais, grommela Fandor, qui, les deux mains dans ses poches, contemplait la pointe de ses souliers `a la facon d’un homme cherchant une inspiration, ouais, je vois, mes deux amis, que vous pensez exactement comme moi. Ca ferait plaisir d’aller prendre un peu l’air. Je ne dis pas que vous n’avez pas raison, seulement vous comprendrez que je ne me soucie point de vous donner la cl'e des champs. Et dame, comme j’imagine que vous n’allez pas m’accompagner de bonne gr^ace…

Nalorgne interrompait le journaliste :

— Vous plaisantez, demandait-il, voyons, monsieur Fandor, qu’avez-vous `a craindre ? Juve nous a mis les menottes, nous sommes li'es `a ne pouvoir faire le moindre geste. M. Juve est parti `a pied, certainement, car nous ne sommes pas 'eloign'es d’une gare. Donc, vous avez le taxi-auto `a votre disposition, eh bien…

Fandor, `a son tour, ne laissait pas `a son interlocuteur le temps d’achever :

— Ca n’est pas b^ete, ce que vous dites l`a, Nalorgne, remarquait le journaliste, et, ma foi, puisque Juve ne revient pas, nous allons aller au-devant de lui. Vous avez raison, vous ^etes solidement li'es, donc je n’ai rien `a craindre. Et en tous les cas je vous avertis que si vous bougez pieds ou pattes, j’ai six balles blind'ees dans mon revolver qui me suffiraient `a vous convaincre qu’il importe de rester tranquille. Ceci dit, 'ecoutez-moi : je m’en vais vous hisser l`a-haut, dans le terrain vague. Le taxi auto est rang'e sous le hangar abandonn'e pr`es de la champignonni`ere. Je vous ferai monter `a l’int'erieur. Pour moi, je me mettrai sur le si`ege. Et ma foi, je vous emm`enerai tout droit `a la Pr'efecture. Cela vous va-t-il ?

Acceptez-vous de vous pr^eter docilement `a ce plan d’op'eration ?

Que pouvaient r'epondre Nalorgne et P'erouzin ?

Il leur 'etait 'evidemment bien impossible de refuser quoi que ce f^ut `a ce que voulait leur demander Fandor, et puis ils 'etaient convaincus tous deux que mieux valait en finir tout de suite, et ils pr'ef'eraient l’un et l’autre ^etre rapidement livr'es `a la Pr'efecture plut^ot que de supporter plus longtemps l’angoisse de l’attente dans ces conditions.

Поделиться с друзьями: