Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Il eut quelques convulsions, puis il retomba inerte.
Fant^omas consid'erait ce spectacle horrible d’un oeil calme et tranquille.
— Est-il mort ? demanda-t-il au Bedeau.
— Pas encore, patron ! fit l’apache.
— Je l’esp`ere bien, d'eclara Fant^omas en ricanant… Ce serait aller trop vite en besogne. Desserre-lui sa cravate de chanvre, mon ami, redonne-lui de l’air !
Le Bedeau ob'eissait, l^achait le noeud coulant ; un mouvement machinal de sa poitrine ramena dans les poumons de Gauvin une large bouff'ee d’air pur.
Les yeux `a demi clos du malheureux s’ouvrirent, il put respirer, il reprenait ses sens, il balbutia :
— Tu me pardonnes, Fant^omas ? Tu me laisses vivre ?
Le bandit se penchait vers Gauvin.
Son visage 'etait transfigur'e, tant il avait une expression hideuse et f'eroce.
— Te laisser vivre, dit-il, jamais ! Je veux que tu souffres, avant d’avoir la paix 'eternelle ! Je veux te torturer, te martyriser, jusqu’`a ce que ma col`ere soit pass'ee, que j’aie fait, moi aussi, mon deuil de cette fortune que je convoitais, et que j’esp'erais poss'eder d`es ce soir !
Assur'ement, le G'enie du crime 'etait expert dans l’art de torturer ses victimes, mais jamais, jusqu’alors, il n’avait d'eploy'e tant de science et de cruaut'e pour mettre `a mort l’un de ces malheureux !
L’agonie de Gauvin durait deux heures, deux longues heures, pendant lesquelles il 'etait quinze fois 'etrangl'e, et quinze fois rappel'e `a la vie !
Enfin, `a la quinzi`eme fois, lorsque le Bedeau eut rel^ach'e le noeud coulant de chanvre, Gauvin demeura inerte, immobile sur le sol…
— Cette fois, d'eclara l’apache, je crois qu’il a tourn'e de l’oeil pour de bon !
Et le Bedeau consid'erait Fant^omas l'eg`erement inquiet, `a l’id'ee que peut-^etre le Ma^itre allait estimer que sa malheureuse victime n’avait pas suffisamment souffert.
Fant^omas s’approchait. Il consid'erait longuement le mort, puis avec un air m'eprisant il articula :
— L’imb'ecile !
Telle fut l’oraison fun`ebre du notaire Gauvin…
Le Bedeau cependant interrogeait :
— Que va-t-on faire du cadavre ?
— Il t’appartient ! d'eclara le G'enie du crime.
Le Bedeau d`es lors fouillait les poches, avec une rapacit'e, une voracit'e de fauve s’acharnant sur sa proie.
Il en extrayait une montre, quelque menue monnaie, puis, le repoussant du pied, l’envoyait rouler dans le torrent.
Fant^omas d'ej`a quittait le souterrain, la cuve devenue tragique de Sassenage.
Le Bedeau, suivant son ma^itre, se glissa derri`ere lui par le petit orifice, qui acc'edait `a la sortie…
Les premiers rayons du jour se levaient lentement 'eclaircissant l’horizon, que Juve et Fandor 'etaient encore en t^ete `a t^ete, dans le cabinet en d'esordre du notaire Gauvin.
Ils avaient caus'e toute la nuit, ils s’'etaient expliqu'e l’un et l’autre sur les diverses aventures, qui leur 'etaient respectivement survenues.
Fandor cependant rayonnait :
— Juve, Juve, r'ep'etait-il `a chaque instant, qu’il me tarde d’^etre au lever du jour et de pouvoir embrasser ma m`ere. Juve quand partons-nous pour aller la trouver ?
Le policier souriait.
— Patience ! petit, patience !… Oh, je comprends combien il est cruel de te retenir, et de retarder le bienheureux instant o`u tu serreras dans tes bras cette digne femme, mais je t’ai dit combien elle 'etait d'elicate, et avec quelles pr'ecautions il fallait s’approcher d’elle. La moindre 'emotion pourrait lui ^etre fatale et il serait horrible de lui faire du mal avec du bonheur, songez-y bien, Fandor !
Fandor crispait ses mains sur les barreaux de sa chaise.
— Je ne bougerai pas d’ici, d'eclara-t-il, avant huit heures du matin !
— Bien ! fit le policier.
Les deux amis s’entretenaient encore de la nuit paisible qui venait de se passer.
Qu’allait devenir le notaire Gauvin ?
Comment se faisait-il que Fant^omas ne soit pas encore venu `a l’'etude y chercher la fortune de M me Rambert ?
Longtemps le policier et le journaliste avaient esp'er'e qu’ils recevraient, au cours de cette nuit, la visite du monstre.
Mais au fur et `a mesure que naissait l’aurore, ils abandonnaient cet espoir.
Et d`es lors une inqui'etude nouvelle naissait dans leur esprit.
Si Fant^omas ne venait pas imm'ediatement demander `a Gauvin de lui livrer les titres constituant la fortune de M me Rambert, c’est que vraisemblablement il s’'etait produit quelque chose qui avait emp^ech'e le bandit de mettre son intention `a ex'ecution.
`A sept heures, Juve et Fandor ne pouvaient plus y tenir.
Ils s’interrog`erent du regard.
— Partons-nous ? dit Fandor qui dominait difficilement son impatience.
— Ma foi, d'eclara Juve, j’allais te le proposer. Aussi bien arriverons-nous peut-^etre `a Dom`ene, au moment o`u on nous y attend le moins et, peut-^etre, M me Rambert n’y sera-t-elle pas seule ?
Juve n’ajoutait aucune explication, mais, au regard que lui jetait Fandor, il se rendait compte que le journaliste avait devin'e sa pens'ee.
Oui, Juve nourrissait le secret espoir de trouver Fant^omas chez M me Rambert ; ah ! si cela 'etait, le monstre passerait un mauvais quart d’heure, les deux hommes 'etaient d'ecid'es `a tout faire pour s’emparer de lui.
Quelques instants apr`es, ayant soigneusement referm'e `a cl'e la porte du cabinet de travail de Gauvin dans lequel ils venaient de passer la nuit, Juve et Fandor quittaient le domicile du notaire.
— Personne n’y viendra, faisait remarquer Juve, aujourd’hui, car nous sommes dimanche et les clercs sont libres pour toute la journ'ee.