Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Le journaliste remonta lentement vers sa m`ere ; il soupira profond'ement.
— Ce docteur vient de la sauver, fit-il, mais je me rends compte qu’il dit vrai et que la moindre 'emotion pourrait la tuer.
» Mon Dieu ! mon Dieu ! faites qu’il ne survienne rien qui soit de nature `a lui faire du mal !
Le journaliste, non sans inqui'etude, songeait `a l’avenir !
Il rentra dans la chambre, M me Rambert, d'esormais remise de sa crise, lui souriait tendrement.
— Mon enfant, dit-elle d’une voix repos'ee, presque joyeuse, un bonheur n’arrive jamais tout seul, tu viens de m’^etre rendu ; or, je viens d’entendre le bruit des grelots d’une voiture qui m’est famili`ere, et qui ram`ene quelqu’un que j’aime, que tu aimes 'egalement…
Fandor frissonna sans comprendre.
M me Rambert lui annoncait :
— Charles, mon enfant, dans un instant tu vas…
M me Rambert s’arr^etait de parler mais ses yeux se tournaient instinctivement dans la direction de la porte qui venait de s’ouvrir.
M me Rambert, dont le visage s’animait et se colorait par moments, regardait 'egalement dans la direction de l’entr'ee.
La porte de la chambre qui s’'etait ouverte, quelques instants apr`es l’arriv'ee de la voiture, livrait passage `a un homme aux 'epaules vo^ut'ees, `a la grande barbe blanche, que Fandor au premier abord, estimait ne point conna^itre.
Ce personnage, qui s’avancait, s’arr^eta net, en apercevant le journaliste et parut tressaillir.
Toutefois, apr`es ce court moment d’h'esitation, il continua `a se rapprocher du lit dans lequel 'etait 'etendue M me Rambert.
Fandor regardait, interloqu'e, l’homme qui s’avancait.
M me Rambert prit la main de son fils, et l’attirant aupr`es d’elle, murmura `a son oreille :
— Mon cher enfant, je te disais bien, tout `a l’heure, qu’un bonheur ne vient jamais seul ! Certes, tu ne connais et tu n’as pas de raison de conna^itre M. le professeur Marcus, savant g'eologue qui passe aux yeux de tous pour ^etre le pensionnaire de M me Verdon…
» Mais, de m^eme que tu sais que M me Verdon n’est autre que ta m`ere, M me Rambert, le professeur Marcus oblig'e, pour des raisons que je t’expliquerai plus tard, de dissimuler ici provisoirement sa personnalit'e… ce n’est autre, mon cher enfant, que ton p`ere, ton cher p`ere !
Fandor qui s’'etait agenouill'e au chevet de sa m`ere, se releva brusquement…
Ses yeux hagards fixaient M me Rambert, avec une expression de stupeur terrifi'ee.
— Mon p`ere ?… balbutia Fandor, vous dites que c’est mon p`ere ?
Et d`es lors le journaliste se demandait s’il n’'etait pas d'efinitivement devenu fou, s’il ne perdait point la t^ete ou alors s’il ne vivait pas un cauchemar affreux, et s’il n’'etait pas tomb'e dans un guet-apens 'epouvantable dont sa m`ere 'etait la complice ou alors la victime…
Fandor, instinctivement, mettait la main sur la crosse de son revolver qu’il sentait dans sa poche, ses doigts se crispaient sur l’arme toute pr^ete, puis son regard lentement se fixa sur l’homme que sa m`ere venait de lui d'esigner comme 'etant son p`ere… alors qu’il savait que son p`ere 'etait mort !
Le journaliste regardait ce vieillard des pieds `a la t^ete.
Il lui trouvait malgr'e son air humble, une silhouette robuste, un aspect autoritaire et imp'erieux.
Les yeux noirs vifs et cruels brillaient dans l’encadrement clair des sourcils et de la barbe blanche.
Oh ! Fandor avait l’habitude de ces sortes de physionomies et sur ce point nul ne pouvait le tromper. Ce n’'etait pas un vieillard qu’il avait en face de lui, c’'etait un homme dans la force de l’^age. Quelqu’un habilement maquill'e, quelqu’un qui, malgr'e l’apparence fr^ele et vieillotte qu’il voulait se donner, 'etait un homme robuste, solide et puissant.
M me Rambert cependant, de sa voix douce, r'ep'eta lentement.
— Charles !… J'er^ome Fandor !… Mon petit Charles !… N’as-tu donc pas entendu ce que je viens de te dire ? Ne comprends-tu pas que c’est ton p`ere, qui se trouve en face de toi ?
Le journaliste poussait un cri rauque, et bondissait en avant.
Soudain, le voile s’'etait d'echir'e, la lumi`ere s’'etait faite dans son esprit. Instinctivement, il allait sortir son revolver de sa poche, et tirer `a bout portant, sur le myst'erieux personnage qui lui faisait face.
En m^eme temps, d’ailleurs, Fandor se rendait compte que l’homme qui passait pour ^etre le professeur Marcus ne perdait pas un seul de ses mouvements.
Et si Fandor avait port'e la main `a sa poche dans le but d’y prendre son revolver, il apparaissait que le faux vieillard avait fait de m^eme, et nourrissait la m^eme intention.
Fandor cependant 'etait devenu livide, une sourde col`ere lui montait au cerveau et, apr`es avoir prof'er'e ce cri qui exprimait toute sa surprise et toute son angoisse, il commenca, les dents serr'ees :
— Fant…
Mais il s’arr^eta !
— Fant^omas ! allait dire Fandor.
Le journaliste, en effet, avait reconnu le G'enie du crime, le Roi de l’effroi, qui se trouvait en face de lui et qui jouait d'esormais le r^ole le plus odieux qu’il soit possible d’imaginer.
Fant^omas qui avait choisi pour dupe de cette ignominie, pour victime de ses turpitudes, la femme que Fandor devait ch'erir et respecter le plus au monde, M me Rambert, sa m`ere !
Oh ! d'esormais le journaliste 'etait r'esolu ! Il ne se passerait pas une minute de plus que la tragique poursuite `a laquelle il se livrait, depuis des ann'ees contre Fant^omas, ait sa solution !
Le hasard et l’audace du bandit les mettaient tous les deux face `a face ; Fandor comprenait qu’ils allaient se livrer `a un duel sans merci, il en 'etait satisfait, s’en r'ejouissait !
Longtemps, `a maintes reprises, le journaliste s’'etait dit qu’il serait bien heureux de trouver Fant^omas dress'e devant lui, Fant^omas auquel il pourrait dire toute sa haine et son m'epris, Fant^omas qu’il pourrait abattre, comme un chien, `a ses pieds !
Or, Fant^omas 'etait l`a, souriant, 'enigmatique, plein d’ironie, Fant^omas, narquois et triomphant, semblait-il, Fant^omas paraissait d'efier Fandor, et d'esormais sortant la main de sa poche, tenant son revolver, croisant les bras sur sa poitrine.