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ЖАНРЫ

Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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L’homme ne bougeait point. Il restait ainsi immobile et r'efl'echissant pendant pr`es d’une heure. La servante, maintes fois, 'etait venue lui demander s’il ne voulait point boire encore ; mais il n’avait m^eme pas r'epondu, paraissant ne point entendre ses offres, paraissant m^eme, ce qui 'etait plus extraordinaire encore, ne rien voir autour de lui, ne plus pouvoir fixer son attention sur autre chose que sur sa propre pens'ee.

Et c’'etait apr`es cette sorte d’'egarement si longtemps prolong'e que l’individu, brusquement, se redressait.

— Soit, faisait-il, monologuant `a la facon d’un homme qui pr'ecise sa pens'ee pour ne plus pouvoir en douter. Il me faut, co^ute que co^ute, sortir de cette ind'ecision… J’imagine qu’ils le comprendront. Ce sera de leur part, d’ailleurs, une question d’honn^etet'e. J’aurai une r'eponse… oui, j’aurai une r'eponse !…

Il ajoutait, un instant plus tard :

— Et la guerre reprendra sans doute, la guerre sans tr^eve ni merci ; la guerre qui se terminera maintenant, je le d'ecide et je le veux, par leur mort et par mon triomphe !…

L’homme avait tir'e de sa poche un portefeuille dans lequel il tirait une feuille de papier blanc, puis un crayon. D’une grande 'ecriture alors, mais d’une 'ecriture zigzaguante, invraisemblable, il 'ecrivait h^ativement quelques lignes qu’il relisait avec un grand soin.

— Cela suffira, pensa-t-il.

Une enveloppe qu’il prenait dans la poche de son v^etement 'etait bient^ot munie d’une adresse, et bient^ot encore l’inconnu y enfermait la feuille de papier qu’il avait r'edig'ee quelques instants avant, soupirant profond'ement en m^eme temps, et cependant paraissant quelque peu soulag'e par sa d'ecision.

`A ce moment, l’inconnu, heurtant sa monnaie, appelait `a nouveau la servante.

— De l’alcool, appela-t-il…

Son verre fut comble encore, la servante demandait :

— Vous ne voulez pas manger un morceau ?

Mais l’homme au manteau sombre haussait les 'epaules :

— La paix, disait-il.

Et, son verre en main, l’inconnu recommencait `a boire.

Or, comme l’homme au manteau sombre d'egustait ainsi, lentement cette fois, la br^ulante liqueur qu’il avait command'ee ; tandis qu’il promenait des yeux int'eress'es sur les d'etails pittoresques de la tabagie hollandaise dans laquelle il se trouvait, brusquement il paraissait tressaillir.

— Ah ! par exemple, murmurait-il.

L’homme au manteau brun, qui avait pris une pose nonchalante se redressait instinctivement. Il semblait d'esormais, en effet, scrupuleusement attentif et fortement 'etonn'e.

— Cela fait trois fois que je le rencontre… murmurait-il. Trois fois que j’ai la nette impression que je suis 'epi'e, espionn'e, fil'e, suivi. D'ecid'ement, il faudra que j’en aie le coeur net.

L’homme au manteau sombre fixait en ce moment un consommateur qui se trouvait `a l’autre bout de la tabagie, et qui, plusieurs fois, en effet, avait paru le fixer lui aussi avec une certaine attention.

C’'etait un tout jeune homme de vingt-cinq ans environ, aux traits 'energiques et intelligents, `a l’allure d'ecid'ee, au regard vif, et qui, v^etu avec une certaine recherche, bien que sans 'el'egance, d'etonnait quelque peu parmi la client`ele fam'elique de la tabagie.

L’homme au manteau brun le fixait toujours ardemment.

— Voici trois fois, r'ep'etait-il encore, que cet inconnu se trouve sur ma route… trois fois qu’il me regarde comme quelqu’un qui v'erifie un signalement, et je ne sais, moi, que son pr'enom `a peine… Daniel, ai-je cru entendre dire qu’il se nommait. En v'erit'e, c’est une imprudence que j’ai faite ; cet individu, j’aurai d^u depuis longtemps m’en m'efier !

L’homme au manteau brun, impassible toujours en apparence, continuait en r'ealit'e `a d'evisager l’inconnu qu’il croyait s’appeler Daniel.

— Un Francais, remarquait-il. S^urement, c’est un Francais…

Et soudain, comme il se levait, ramassant sa monnaie, dissimulant la lettre qu’il venait d’'ecrire dans l’une des grandes poches de sa cape, l’homme au manteau brun ajoutait :

— Je ne sais qui est ce Daniel, mais si par malheur il s’agit d’un policier appel'e par Juve ou Fandor pour me combattre, je montrerai `a Juve et `a Fandor qu’il n’est point homme qui vive qui puisse me faire peur, et que Fant^omas, tout meurtri qu’il est en ce moment par ses tragiques aventures, est encore capable de vaincre, est encore capable de tuer…

L’homme au manteau brun, Fant^omas peut-^etre, Fant^omas assur'ement, jetait encore un dernier regard de haine `a l’adresse du personnage qu’il disait s’appeler Daniel.

— Nous nous reverrons, murmurait-il tout bas… nous nous reverrons quand il me plaira, et je saurai si le hasard seul a voulu ces trois rencontres…

Il sortait du cabaret, il se perdait dans la nuit embrouillard'ee d’Amsterdam… l’homme au manteau brun ricanait, et r'ep'etait par moments :

— Nous allons voir si Juve et Fandor sont v'eritablement honn^etes, nous verrons si Juve et Fandor me r'epondront…

Et il agitait toujours, d’une main qui tremblait, la lettre qu’il avait 'ecrite dans la tabagie hollandaise.

— C’est toi, Fandor ?

— C’est moi, Juve. Rien de nouveau ?

— Si, Fandor.

— Quoi ? mon Dieu…

— Elle est sauv'ee…

— Sauv'ee ?…

Et Fandor, qui rentrait dans la chambre d’h^otel o`u Juve et lui demeuraient toujours depuis les aventures qui avaient termin'e les intrigues du palais royal et depuis la disparition d’H'el`ene, Fandor bondissait comme un fou au-devant de Juve, la figure illumin'ee d’une joie intense, d’une joie consid'erable.

— Sauv'ee… r'ep'etait-il. H'el`ene est sauv'ee… Ah ! Juve, soyez b'eni pour la nouvelle que vous me donnez. Je devenais fou, moi, voyez-vous. Mais parlez, bon Dieu… O`u est-elle ?… Comment savez-vous qu’elle est sauv'ee ?… Parlez donc… parlez donc…

Fandor s’'etait pr'ecipit'e sur Juve, il avait pris le policier par le bras, il le secouait sans m'enagements, l’ahurissant de demandes, et ne lui laissait pas le temps de r'epondre.

— Bon Dieu ! parlez donc, r'ep'etait-il… Vous voyez bien que vous me faites mourir…

Il y avait vingt-quatre heures qu’H'el`ene avait disparu, vingt-quatre heures tout juste s’'etaient 'ecoul'ees depuis l’instant tragique o`u Fandor, rentrant dans le salon orange du palais royal, avait d^u constater le rapt de la jeune femme, sans pouvoir, h'elas ! se douter que Fant^omas et H'el`ene se trouvaient encore `a quelques m`etres de lui, cach'es derri`ere la tenture, et courant le danger d’^etre imm'ediatement d'ecouverts.

Ces vingt-quatre heures, Juve et Fandor les avaient naturellement employ'ees `a parcourir Amsterdam, `a enqu^eter, `a perquisitionner, `a rechercher H'el`ene.

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