Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Or, `a dix heures et demie, la jeune femme, brusquement, se d'epartait de son immobilit'e.
— Fuyons, murmurait-elle. Co^ute que co^ute, fuyons…
H'el`ene se leva. D’un geste d'ecid'e, elle commencait `a s’appr^eter pour sa fuite, dont elle semblait d'esormais pr'eparer, avec minutie, les moindres d'etails.
H'el`ene commencait par se d'ebarrasser des v^etements d’apparat qu’elle portait encore. Dans une armoire du salon, elle avait vu des v^etements plus simples, qui allaient lui permettre d’avoir une plus grande libert'e de mouvement. F'ebrilement, elle s’en rev^etit.
Dans le d'esir encore de passer inapercue, dans le but secret de se d'efigurer aussi – la pr'ecaution pouvait n’^etre pas inutile – H'el`ene prenait ses lourds cheveux, les nattait, et les tordait sur sa t^ete en un chignon qui ne rappelait que de loin la jolie coiffure qu’elle portait d’ordinaire.
C’'etait seulement quand tous ces pr'eparatifs 'etaient termin'es, qu’H'el`ene entreprenait r'eellement la t^ache p'erilleuse qu’elle s’'etait impos'ee.
La jeune femme, en v'erit'e, devait se montrer en cette occasion la digne 'epouse de Fandor, la digne compagne du plus rus'e des reporters policiers.
H'el`ene, pour 'echapper `a sa prison, avait recours au proc'ed'e le plus simple et le plus certain `a la fois.
Tout simplement, la jeune femme enfoncait dans les charbons ardents de son foyer la tige d’un tisonnier. Elle laissait la barre de fer rougir, puis, quand elle 'etait arriv'ee `a un degr'e de chaleur extr^eme, elle s’en servait pour tracer dans l’une des parois de sa cellule, un large sillon.
H'el`ene, en r'ealit'e, dessinait sur le bois, du bout de son tisonnier rougi `a blanc, une large entaille qui, petit `a petit, devait s’agrandir.
Certes, le travail qu’entreprenait ainsi la jeune femme devait ^etre long et difficile. Mais il n’en 'etait pas moins vrai que, forc'ement, il devait aboutir.
H'el`ene, `a l’aide de son tisonnier rougi, devait, sans faire le moindre bruit, parvenir `a percer le bordage de la p'eniche, et, ce qui 'etait le mieux, `a d'etacher de ses flancs une sorte de panneau, un carr'e de bois, qui, arrach'e, lui laisserait la place suffisante pour passer, pour s’enfuir…
La jeune femme cependant, et tandis qu’elle travaillait avec 'energie `a ce simple et pourtant extraordinaire moyen d’'evasion, n’'etait pas sans inqui'etude.
Elle se demandait, en effet, si le panneau de bois qu’elle attaquait se trouvait en dessus ou en dessous de la ligne de flottaison. Dans le premier cas, son entreprise r'eussissait ; dans le second, tout au contraire, par la br`eche ouverte, les eaux s’engouffreraient avec fracas, et H'el`ene aurait des chances de p'erir noy'ee avant qu’on ait pu seulement venir `a son secours.
Longtemps, la courageuse femme de Fandor travailla de la sorte `a son 'evasion…
Elle rencontrait dans son entreprise des difficult'es quasi insurmontables ; les parois de la p'eniche 'etaient terriblement 'epaisses, d’une part, elles 'etaient humides, d’autre part, et le tisonnier, bien que rougi `a blanc, ne br^ulait chaque fois le sillon que sur l’'epaisseur de quelques millim`etres.
Dans ces conditions, que faire ?
H'el`ene n’h'esitait nullement. Elle s’obstinait, elle pers'ev'erait.
— C’est une question de temps, pensait-elle, mais il faut que j’arrive `a faire sauter le panneau de bois, et j’y arriverai…
L’'energie de la jeune femme devait ^etre en effet r'ecompens'ee. Il 'etait pr`es de trois heures du matin, et H'el`ene travaillait depuis cinq heures, lorsqu’elle parvenait `a ses fins.
Le panneau de bois sautait sous la pouss'ee de son 'epaule, l’eau n’entrait pas… H'el`ene avait r'eussi `a percer les murs qui la retenaient prisonni`ere.
Allait-elle donc s’enfuir ?
La jeune femme, tout d’abord 'etourdie par la r'eussite de sa manoeuvre dont elle avait d'esesp'er'e quelque temps, demeurait immobile, haletante, `a c^ot'e de la br`eche qu’elle venait de se m'enager.
Il faisait encore nuit noire… Le ciel 'etait nuageux, aucune 'etoile, aucun rayon de lune ne permettait de percer l’obscurit'e.
H'el`ene, toutefois, respirait avec d'elices l’atmosph`ere pure et glaciale qui parvenait jusqu’`a elle, par le panneau de bois arrach'e. Elle passa la t^ete dans l’ouverture, elle huma l’air, tendit le bras, ne rencontra que le vide.
— Ma bonne 'etoile est avec moi, se dit H'el`ene. Je n’ai pas de doute `a avoir, j’ai sabord'e la p'eniche du c^ot'e de la pleine mer, et non du c^ot'e de la berge, je n’ai plus, pour m’enfuir, qu’`a me jeter `a l’eau.
H'el`ene, par bonheur, avait gard'e de son aventureuse enfance dans les plaines natales, le go^ut des sports dans lesquels elle excellait. C’'etait une nageuse intr'epide, et pourtant elle frissonna en songeant qu’il importait de ne pas perdre une minute et qu’il lui fallait, sous peine d’imprudence supr^eme, se jeter imm'ediatement `a l’eau.
H'el`ene, toutefois, n’h'esitait pas. Elle avait un dernier regard pour le salon qui lui avait tenu lieu de prison, puis elle se rapprochait du sabord, elle s’appr^etait `a se jeter `a la mer…
Or, `a l’instant m^eme o`u H'el`ene allait faire le geste supr^eme, une flamme s’illuminait dans ses yeux.
Elle 'etait bien femme, en v'erit'e, pour songer `a pareille chose, dans un pareil instant. Elle 'etait bien femme, mais elle 'etait encore plus amoureuse. C’'etait le cri de son amour, la protestation de son coeur, qu’elle songeait encore une fois `a faire entendre `a Fant^omas !
H'el`ene revint vers la table qui occupait le centre de sa prison. Elle prit une feuille de papier et un crayon et, de sa grande 'ecriture, nette et ferme, H'el`ene 'ecrivit ce court billet :
Avant tout, et par-dessus tout, avant tous et malgr'e tous, j’aime J'er^ome Fandor. Que ce soit la guerre entre vous et moi s’il vous pla^it, Fant^omas, mais sachez que je n’'epouserai jamais un autre homme que Fandor, et que je me consid`ere d'ej`a et pour toujours comme sa femme.
Et H'el`ene signa : H'el`ene Fandor
Le billet laiss'e bien en 'evidence sur la table, H'el`ene, toutefois, d'ecidait de ne point tarder davantage. Elle se rapprocha du sabord qu’elle avait pu m'enager avec tant de peine. Elle se glissa par l’'etroite ouverture, elle s’abandonna aux eaux froides qui clapotaient le long des flancs de la p'eniche.
Or, `a cet instant, il semblait que la nature voulut aider la jeune femme par une complicit'e secr`ete.