Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Oh, conseillait le substitut, dans le premier bottin venu !
Deux heures apr`es ces diverses d'emarches, M. Jussieu, fort nerveux, fort 'emotionn'e semblait-il, se trouvait dans un petit bureau sobrement et presque pauvrement meubl'e, dans l’un des faubourgs de Bruxelles, en face d’un homme d’une trentaine d’ann'ees qui n’'etait autre que Job Tylor, directeur de l’agence de police G.D.H. « sp'ecialit'e d’enqu^etes, de recherches et de surveillances » ainsi que le disait le prospectus de ce d'etective priv'e.
Job Tylor avait une physionomie intelligente, semblait 'energique et d'ecid'e. Il 'ecoutait, amus'e malgr'e lui, le r'ecit mouvement'e de M. Jussieu qui lui narrait les visites qu’il avait faites.
— Vous le voyez, d'eclarait le courtier en parfumerie, j’ai tout essay'e pour 'emouvoir les sph`eres officielles, mais je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien `a esp'erer de ce c^ot'e. Je pense ^etre plus heureux avec vous. Voulez-vous accepter, monsieur Job Tylor, de m’accompagner jusqu’`a mon retour `a Paris ?
Le d'etective n’avait garde, bien entendu, de refuser une affaire de si grande importance.
— Cela d'epend des honoraires, murmurait-il.
Mais M. Jussieu, en v'erit'e, 'etait bien trop inquiet `a ce moment pour ne point se montrer accommodant sur un pareil d'etail.
— Les honoraires, d'eclarait-il, seront ceux qu’il vous plaira de fixer, car je ne doute pas que vous ne soyez raisonnable.
'Etant d'esormais d’accord, le d'etective priv'e interrogeait son client et se faisait raconter toute la gen`ese de l’affaire dont les p'erip'eties promettaient d’^etre fort importantes.
— Vous ne connaissez pas Fant^omas ? demandait-il.
— Nullement.
— Vous ne voyez point de quelle facon il a pu ^etre mis au courant de vos affaires ?
— Je n’en ai pas la moindre id'ee.
— Vous ne pr'evoyez pas davantage o`u et quand il pourrait vous attaquer ?
— Non, soupira encore M. Jussieu.
Le d'etective eut un sourire de parfaite assurance.
— Eh bien, dit-il, j’en serai quitte pour ^etre continuellement sur mes gardes.
Et Job Tylor ajoutait avec un sourire assez avantageux :
— Rassurez-vous, monsieur Jussieu, un homme averti en vaut deux, et un d'etective pr'evenu en vaut quatre. On ne vous volera pas, et il ne vous arrivera pas malheur.
Job Tylor 'etait-il r'eellement aussi rassur'e qu’il voulait bien le dire ? Exag'erait-il, au contraire, la confiance qu’il avait en lui-m^eme, et cela afin d’impressionner favorablement son client ?
L’explication de sa tranquillit'e 'etait en r'ealit'e tout autre.
Job Tylor aimait passionn'ement son m'etier. C’'etait un 'energique garcon qui vivait chichement d’une profession qui ne nourrit jamais largement son homme, et qui se passionnait depuis longtemps pour les aventures, c'el`ebres dans le monde entier, du terrible Fant^omas.
Job Tylor, dans le secret de son ^ame, r^evait d’^etre pr'esent'e `a Juve, et d'esirait ardemment 'egaler les prouesses du c'el`ebre policier.
Rien que cela e^ut 'et'e suffisant pour que Job Tylor accueillit avec enthousiasme le client particuli`erement int'eressant que repr'esentait `a ses yeux le courtier en parfumerie. Mais il 'etait une raison surtout qui faisait que Job Tylor ne concevait en ce moment aucune 'emotion `a l’id'ee d’avoir `a se mesurer, peut-^etre m^eme `a entrer en lutte avec Fant^omas : cette raison, c’'etait tout simplement que Job Tylor doutait fort que Fant^omas fut r'eellement l’auteur des menaces qui avaient tant effray'e le courtier.
— Non, non, se disait-il. Fant^omas n’a pas de ces proc'ed'es enfantins, il n’'ecrirait pas `a l’une de ses victimes pour lui annoncer aimablement qu’il a l’intention de s’attaquer `a elle… `A coup s^ur, cet excellent homme est tout simplement le jouet d’une plaisanterie de mauvais go^ut, cette lettre est le fait d’une blague de commis voyageur, il n’y a pas plus de Fant^omas l`a-dedans qu’il n’y a d’intervention myst'erieuse dans un tour de prestidigitation !
Partant de ce principe, Job Tylor, fort tranquillement, continuait `a rassurer le courtier en parfumerie.
— C’est entendu, continuait-il, comme M. Jussieu persistait `a lui fournir des d'etails qui ne l’int'eressaient gu`ere, en homme qui se f'elicite d’avoir enfin trouv'e un auditeur complaisant. C’est entendu, cher monsieur. Vous avez quarante mille francs `a sauvegarder, je vous garantis qu’on vous les sauvegardera, et je vous donne ma parole que vous les rapporterez `a Paris !
Et pour donner plus de poids `a ses paroles, Job Tylor ajoutait :
— D’ailleurs, `a partir de maintenant, je ne vous quitterai pas d’un instant, je vous suivrai en marchant sur vos talons. Je serai arm'e, et par cons'equent, vous le voyez, vous n’avez rien `a craindre.
L’assurance de Job Tylor calmait naturellement les appr'ehensions du courtier en parfumerie qui, petit `a petit, semblait se laisser gagner par le flegme tranquille du d'etective.
— Vous m’enlevez un poids de dessus la poitrine, d'eclarait-il avec une certaine rondeur. On a beau ne pas ^etre un poltron, cela vous fait tout de m^eme un certain effet, voyez-vous, de penser que Fant^omas veut lutter contre vous. Ma parole, cher monsieur, je n’'etais pas rassur'e.
— C’est tout naturel, affirmait Job Tylor.
Le courtier en parfumerie reprit :
— Et m^eme, je pense `a quelque chose : parbleu, si Fant^omas nous attaque, `a nous deux, nous l’arr^eterons, hein ? Une sensationnelle aventure, en v'erit'e !
Job Tylor hochait la t^ete avec 'emotion :
— Fichtre, oui !
Puis le d'etective proposait :
— Mais vous avez sans doute des affaires `a traiter, monsieur Jussieu ? D'esormais, il n’y a plus aucun motif pour que vous ne vaquiez pas `a vos occupations. Voulez-vous que je vous accompagne d`es ce matin ?
— Vous ^etes libre ?
— Assur'ement.
M. Jussieu se leva.
— En ce cas, je ne dis pas non, acceptait-il. Allons d’abord d'ejeuner, j’irai voir ensuite deux clients, et nous prendrons ce soir le rapide de Paris.
— C’est parfait, d'ecida encore Job Tylor.
Le d'etective venait de mettre un peu d’ordre sur sa table de travail qui d’ailleurs en avait grand besoin, et s’excusait aupr`es de son client :
— Voulez-vous m’attendre un instant, monsieur Jussieu ? Dame, je ne pensais pas partir en voyage… je vais jeter deux chemises et trois faux-cols dans un sac, prendre quelques objets de toilette, laisser un mot pour pr'evenir mon secr'etaire, et je suis `a vous.