Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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`A cet instant, Fant^omas se levait, se pr'ecipitait, et d’une bourrade, redressait le malade. Son geste 'etait si brutal, si tranquille, que Ma Pomme s’'etonna :
— Au fait, demandait l’apache, qui est-ce donc, ce gaillard-l`a ? Et s’il m’est permis de vous interroger, Fant^omas, pourquoi ^etes-vous d'eguis'e en femme ?
La question 'etait assez naturelle, Fant^omas, en l’'ecoutant, sourit tout en haussant les 'epaules.
— Heu, fit-il 'enigmatiquement, ce sont des affaires assez compliqu'ees. Il n’emp^eche, Ma Pomme, que je veux bien, pour te faire plaisir, te donner quelques renseignements : ce paralytique s’appelle Daniel. Tu ne le connais pas, mais cela n’a aucune importance. Va donc lui serrer la main.
Fant^omas parlait sur un ton si bizarre que Ma Pomme, `a cet instant, le consid'era avec une certaine 'emotion.
— Qu’est-ce que cela veut dire ? pensait-il. Pourquoi dois-je aller serrer la main `a ce Daniel qui ne doit pas faire partie de la bande, car je n’en ai jamais entendu parler ?
Assez intrigu'e, Ma Pomme interrogea :
— Mais il a l’air de dormir, votre Daniel ?
— Cela ne fait rien, r'epliqua Fant^omas. Serre-lui toujours la main.
Ma Pomme se leva, s’approcha du malade.
Or, comme il arrivait, la main tendue, aupr`es de celui-ci, l’apache, brusquement, se rejetait en arri`ere, poussant un sourd juron.
— Ah, nom de Dieu, faisait-il.
Et en m^eme temps, il contemplait le paralytique avec une 'etrange insistance.
Fant^omas, toutefois, 'eclatait de rire.
— Eh bien, demandait le bandit ? Tu ne lui serres pas la main ?
Mais, Ma Pomme, immobile, contemplait toujours le malade. Il demandait bient^ot :
— Mais, Fant^omas, je… je… je ne me trompe pas ?
Fant^omas eut un 'eclat de rire encore plus violent.
— Eh non, d'eclarait-il `a l’apache. Tu ne te trompes pas.
Et comme Ma Pomme le regardait avec des yeux d’'epouvante, Fant^omas brusquement ajoutait :
— Tu l’as bien devin'e, Ma Pomme, ce paralytique, ce n’est pas un paralytique, c’est un mort… c’est un cadavre, c’est le cadavre d’un nomm'e Daniel, c’est un cadavre qui va me servir `a la plus terrible des vengeances !…
Fant^omas n’avait point menti. Il 'etait profond'ement exact que le soi-disant paralytique qu’il avait eu l’audace d’emmener dans ce train, le faisant passer pour son fils, apr`es s’^etre lui-m^eme grim'e en vieille femme, 'etait le cadavre de ce fameux Daniel, ce jeune homme, aux allures 'etranges qui semblait ^etre un policier, dont Juve et Fandor avaient remarqu'e la pr'esence dans la p`egre d’Amsterdam alors qu’ils cherchaient H'el`ene, que Fant^omas avait assassin'e d’un coup de poignard dans la propri'et'e de M. Eair, le jour m^eme o`u Beno^it le Farinier et Geoffroy la Barrique, fort 'emus des bruits qu’ils entendaient dans le jardin, interrompaient leur beuverie pour s’enfuir en toute h^ate et tenter, dans leur candeur, de regagner Paris `a pied, supposant qu’ils n’en 'etaient gu`ere 'eloign'es.
Pourquoi Fant^omas avait-il tu'e Daniel ? C’'etait 'evidemment son secret. Secr`ete aussi 'etait l’intention qu’il avait de se servir de ce cadavre pour une terrible vengeance !
Fant^omas n’'etait pas homme, en effet, `a agir `a la l'eg`ere, au hasard, sans plan bien net, sans d'esir bien arr^et'e.
Il nourrissait 'evidemment depuis quelque temps d’importantes intrigues, de redoutables projets. S’il avait exp'edi'e Ma Pomme `a Bruxelles avec mission de simuler un vol et de faire croire `a la police officielle que Fant^omas se trouvait dans la capitale de la Belgique, s’il avait tu'e l’inconnu r'epondant au nom de Daniel, s’il avait pouss'e l’audace jusqu’`a emmener cet inconnu sous les apparences d’un paralytique dans le train de Paris, c’'etait 'evidemment qu’il avait de graves motifs pour agir ainsi, c’'etait tr`es certainement qu’il entreprenait une fois encore quelques-unes de ces sombres intrigues qui tant de fois avaient endeuill'e le monde et hauss'e son personnage de l'egende, sa r'eputation de Roi du crime, de Ma^itre de l’effroi.
Fid`ele `a ses habitudes autoritaires, Fant^omas d’ailleurs estimait qu’il avait assez renseign'e Ma Pomme et que celui-ci n’avait pas `a pr'etendre approfondir davantage ses intentions.
Fant^omas, en effet, se levait.
— Voil`a, disait-il, Ma Pomme. Voil`a tout ce que j’ai `a te dire en ce moment. Tu comprendras le reste peut-^etre un peu plus tard, et cela, d’ailleurs, importe peu.
Fant^omas riait `a quelque pens'ee secr`ete, puis il interrogeait son complice :
— Dis-moi, Ma Pomme, nous ne devons plus ^etre tr`es loin de la gare d’Anvers ?
— Patron, nous y serons dans une bonne demi-heure.
— Fort bien. Et `a Anvers, il y a dix minutes d’arr^et, n’est-ce pas ?
— Oui, patron. Est-ce l`a que nous descendons ?
Fant^omas, avant de r'epondre, parut r'efl'echir.
— Un instant, dit-il.
Puis il d'ecida :
— Toi, Ma Pomme, tu ne descendras pas `a Anvers. Moi, ce sera diff'erent. Tu vas donc continuer avec ce train jusqu’`a Paris ; je ne te donne pas d’autre mission que celle d’observer les incidents de route. Quand j’aurai besoin de te revoir, je te pr'eviendrai.
Ma Pomme 'ecoutait sans mot dire les instructions que lui donnait le bandit ; il hochait la t^ete, ajoutant :
— Patron, je serai toujours `a votre disposition.
Mais Fant^omas ne pr^etait gu`ere attention `a ses paroles.
— Ma Pomme, reprenait-il, si nous devons ^etre dans vingt-cinq minutes `a Anvers, il importe de ne plus perdre de temps. Ferme les rideaux bleus pour emp^echer les gens qui se prom`enent dans le couloir de voir ce que nous faisons, et aide-moi.
Un instant plus tard, Fant^omas avait quitt'e son d'eguisement de vieille femme. Il avait d'epouill'e sa perruque, enlev'e sa robe, et il apparaissait sous son aspect ordinaire, v^etu de v^etements noirs, le visage d'egrim'e, le geste libre, l’air d'ecid'e.
Mais Fant^omas allait-il rester d'egrim'e en r'ealit'e ?
Il 'etalait maintenant sur les coussins de la banquette tout un attirail de fards et de crayons gras analogues `a ceux dont se servent les com'ediens.
— Ma Pomme, appelait Fant^omas, tu vas me tenir sous les yeux cette photographie !
Fant^omas avait tir'e de sa poche une photographie qu’il remettait `a Ma Pomme. Il s’'etait arm'e lui-m^eme d’un gros b^aton de fard, et il traversa le wagon, se rapprochant du coin occup'e par le paralytique.
Quelle sinistre horreur allait donc encore r'ealiser le Ma^itre de l’'epouvante ? `A quelle nouvelle ruse abominable allait-il avoir recours ?
Chapitre VII
La peur de Juve