Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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La porte s’ouvrit, un homme en chemise se montra :
— Ah c`a, c’est vous, patron ? Bon Dieu, qu’est-ce qu’il y a donc ?
— Rien, dit Fant^omas. Absolument rien. Seulement, j’ai besoin de toi, Bedeau. L`eve-toi, et viens !
Le Bedeau ne faisait nulle objection, n’opposait pas davantage une seule question au Ma^itre de l’effroi.
Le Bedeau savait fort bien que Fant^omas n’'etait pas homme `a tol'erer qu’on se perm^it de l’interroger. Il savait aussi que le Ma^itre ne le d'erangeait pas `a l’improviste sans de graves raisons, et que si Fant^omas faisait appel `a lui, c’'etait qu’il 'etait n'ecessaire qu’il se m^it `a sa disposition, c’est qu’il 'etait urgent qu’il ob'eisse.
— Bon… bon… dit Le Bedeau, je m’habille et je calte… Ah, tout de m^eme, Fant^omas, tu choisis mal ton jour… Cette nuit, j’avais du monde !
— Qui ? demanda Fant^omas.
— La Rouquine.
— Que la Rouquine vienne…
Dix minutes plus tard, le trio 'etrange quittait le bouge du passage Tivoli.
Fant^omas avait chang'e d’habits chez Le Bedeau. Il avait laiss'e chez ce lieutenant d'evou'e ses v^etements 'el'egants. Maintenant il portait une veste d’ouvrier, un pantalon de velours, et, sans faux-col, la chemise d'ebraill'ee, il apparaissait souple, 'elanc'e, mince, plus `a son aise encore.
`A c^ot'e de Fant^omas, la casquette enfonc'ee sur les oreilles, un foulard autour du cou, les mains dans ses poches, Le Bedeau marchait. Il ne semblait pas encore tr`es bien r'eveill'e, ou bien il titubait quelque peu…
Derri`ere eux, enfin, `a quelques pas, la Rouquine, en gonzesse qui sait garder ses distances, marchait lentement, laissant les hommes jacter et ne se doutant aucunement que le compagnon de son amant 'etait le terrible Fant^omas.
Le Bedeau pourtant, qui se r'eveillait en raison de la fra^icheur de la nuit, le Bedeau tranquillement d'eclarait :
— C’est tout de m^eme pas pour nous offrir un lait Vichy que tu nous a tir'es du pieu, la m^ome et moi, Fant^omas… O`u c’est donc qu’on radine ?
Fant^omas, pour toute r'eponse, se retournait et d’un geste appelait la Rouquine :
— De quoi ? fit la femme. Qu’est-ce qu’on me veut ?…
Fant^omas d'evisageait la pierreuse, un sourire ironique semblait r'eellement flotter sur ses l`evres.
— La Rouquine, commenca-t-il, je ne te connais pas, et je ne veux pas te conna^itre. Toutefois, fais bien attention `a mes paroles : il se passe cette nuit quelque chose d’assez grave, tu vas nous aider, `a coup s^ur, n’est-ce pas, tu connais tous les amis du Bedeau ?
— Oui, fit la Rouquine. Apr`es ?
— Eh bien, r'epartit Fant^omas, tu vas te rendre d’urgence chez chacun d’eux et les convoquer. Tu leur diras de se trouver derri`ere Notre-Dame dans une heure et demie d’ici.
La Rouquine, en 'ecoutant ces instructions, ouvrait des yeux ronds, fort 'etonn'ee :
— Non, mais des fois… commencait la femme. Faudrait voir `a ne pas me prendre pour ta bonne… y a le commissionnaire du coin, mon vieux, y s’d'erange pour dix ronds… Mais moi, je n’marche pas… D’abord, j’ai les pieds nickel'es !
La Rouquine refusait de rendre service `a cet individu qu’elle ne connaissait pas. Elle devait rapidement changer d’avis, Fant^omas, en effet, se contentait de faire un pas vers elle et de poser la main sur son 'epaule.
Regardant alors la pierreuse bien dans le fond des yeux, Fant^omas articulait lentement :
— Ma fille, tu es une sotte… Tu ne sais point qui je suis, mais tu aurais d^u deviner, `a l’attitude du Bedeau, qui j’'etais… Je suis… si mon nom ne t’est pas encore venu `a l’esprit, celui auquel on ne d'esob'eit pas ! R'epondre comme tu viens de le faire, cela vaut la mort. Je te pardonne pour cette fois, mais souviens-t-en… Maintenant, va !
La Rouquine 'etait v'eritablement m'edus'ee par l’extraordinaire discours qu’elle venait d’entendre.
— Ah bien, maladie !… soupirait-elle.
Et apr`es un coup d’oeil nouveau lanc'e au Bedeau qui ne disait rien, la Rouquine articula lentement :
— Mais qui donc es-tu, alors ? Dis-le tout d’m^eme…
Fant^omas, simplement, r'ep'eta :
— Va…
Et, mat'ee, dompt'ee comme tant d’autres, la Rouquine n’insista point, se pr'ecipita vers les quartiers excentriques de la Villette pour ex'ecuter l’ordre de celui qui 'etait encore pour elle un complet inconnu.
Une heure plus tard, il y avait, derri`ere Notre-Dame, dans un coin d’ombre propice, un groupe d’individus `a mine patibulaire, `a gestes inqui'etants, qui devisaient avec animation semblait-il.
C’'etaient l`a les compagnons que la Rouquine avait 'et'e chercher, les uns apr`es les autres. Elle avait racont'e la sc`ene dont elle venait d’^etre victime, elle interrogeait les aminches, elle leur demandait :
— Qui diable croyez-vous que ca peut ^etre ? Qui a os'e m’engueuler juste en pr'esence du Bedeau, et sans que le Bedeau, qu’a pourtant pas la trouille, ait seulement tent'e de rousp'eter ?
Il y avait unanimit'e dans les r'eponses, chacun tombait d’accord que Fant^omas seul pouvait avoir os'e pareille chose.
La Rouquine, quelques instants plus tard, devait d’ailleurs acqu'erir `a ce sujet une certitude, parce que, lorsque Fant^omas arrivait en effet en compagnie du Bedeau, des exclamations 'etouff'ees l’accueillaient.
— Ah ca, bon Dieu, le patron revenait donc avec les poteaux, qu’il leur avait fait signe ? On allait donc travailler ensemble ? Pardieu, depuis quelque temps, Fant^omas, pr'ecis'ement, oubliait trop ses amis… On ne fichait plus rien… On s’ennuyait de lui…
Fant^omas 'ecoutait toutes ces amabilit'es, son extraordinaire sourire aux l`evres. Mieux que personne, 'evidemment, il connaissait les v'eritables sentiments de ces hommes qui se disaient ses amis, et qui 'etaient tous, `a un titre quelconque, ses complices, ses subordonn'es.
Certes oui, on parlait toujours de lui dans la p`egre… Certes oui, il 'etait de ces mis'erables qui devaient regretter le temps o`u Fant^omas, comme un ordinaire bandit, s’occupait de vols ou de crimes motiv'es par l’argent.
Mais Fant^omas n’ignorait pas davantage, il en avait d’ailleurs fait l’exp'erience, que ceux qui l’entouraient 'etaient fort capables de le trahir aussi.
Pour gouverner ces homme rus'es, ne r^evant que meurtres et crimes, pour dompter ces b^etes f'eroces, il fallait une poigne de fer…
Fant^omas r'epondit brutalement :
— Les aminches, ce soir, y n’s’agit pas de rigolade, et moins encore de fariboles. Je n’dis pas qu’un jour prochain, un jour tr`es prochain m^eme, nous n’aurons pas `a travailler ensemble ; cette nuit, c’est surtout une op'eration de s^uret'e qu’il faut accomplir.