Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Et par cons'equent, vous m’exp'ediez dans le Midi pour aller tirer les vers du nez `a ce respectable Espagnol qui est peut-^etre, apr`es tout, la derni`ere des crapules. Bon, tr`es bien, d’accord.
L`a-dessus, apr`es avoir encore quelque temps conf'er'e avec Juve, J'er^ome Fandor s’'etait rendu `a la gare du quai d’Orsay, avait pris place dans le premier train en partance et s’'etait tranquillement rendu `a Irun.
— Avec ca, monologuait Fandor, se promenant de long en large sur le quai de la gare fronti`ere, avec ca que ca va ^etre commode de rejoindre Eugenio !
J'er^ome Fandor, toutefois, ne s’inqui'etait pas outre mesure de la difficult'e de la mission qui lui 'etait confi'ee.
— En somme, se disait-il, avec une souriante philosophie, je sais que tout `a l’heure, dans cette gare o`u je me trouve, un train de luxe va passer `a bord duquel sera un personnage qu’il faut que j’interviewe. Pour r'eussir, il convient tout d’abord que je prenne place dans ce train. Quand le convoi filera, je me d'ebrouillerai pour arriver jusqu’`a don Eugenio.
Dans cet 'etat d’esprit, J'er^ome Fandor continuait `a arpenter le quai de la gare d’Irun, furieux d’^etre arriv'e en avance et d’avoir pr`es de soixante minutes `a faire comme il le disait pittoresquement
Or, il y avait au moins un quart d’heure que le journaliste s’ennuyait ainsi dans la petite gare, lorsqu’il se retourna en tressaillant :
— Tiens, une femme !
Quelques instants plus tard, il ajoutait :
— Oh, oh, et une jolie femme m^eme !
Sur le quai d'esert, en effet, une gracieuse apparition venait de se montrer `a quelque distance de J'er^ome Fandor, une jeune femme v^etue de noir, habill'ee avec une sobre 'el'egance qui n’excluait pas une certaine recherche, coiff'ee d’un chapeau dont les bords 'etaient recouverts par une 'epaisse voilette, allait et venait, ayant l’air, elle aussi, d’attendre le train sp'ecial.
J'er^ome Fandor, dans son ennui et baillant `a toutes les minutes, contempla cette jeune femme distraitement, devinant qu’elle attendait elle aussi le convoi royal. Il pensa :
— Cette jeune femme est en avance comme moi.
Mais J'er^ome Fandor 'eprouva comme un douloureux choc au coeur :
— Mon Dieu ! murmura-t-il.
Il 'etait devenu bl^eme, il tremblait de tous ses membres.
— Allons, je suis fou, se disait le journaliste, qu’est-ce que je vais imaginer ?
Pourtant, il avancait de quelques pas et au bruit qu’il faisait ainsi l’inconnue se retourna.
Une seconde peut-^etre Fandor pouvait alors apercevoir le visage de la jeune femme qui attendait le train o`u devaient se trouver Alphonse XIII et sa suite. Le regard de la jeune femme et celui de Fandor se crois`erent, et en cette minute, J'er^ome Fandor croyait vivre mille vies. De son c^ot'e, la jeune femme semblait 'eperdue de surprise, elle avait port'e, avec une h^ate f'ebrile, ses deux mains `a la poitrine comme pour comprimer les battements affol'es de son coeur.
Fandor, comme un furieux, s’'elanca en avant vers la jeune femme. Elle demeura fig'ee sur place.
Et, dans le silence de la petite gare, deux cris retentirent, deux cris d’amour :
— H'el`ene ! Fandor !
— Fandor !
— H'el`ene !
H'el`ene, pourtant, la premi`ere, en raison de son instinctive d'elicatesse de femme, se d'erobait `a l’'etreinte du journaliste :
— Je vous en prie, dit-elle, on nous regarde.
Elle montrait des hommes d’'equipe qui riaient, t'emoins de l’'emotion des deux jeunes gens.
— Vous avez raison, r'epondait Fandor. Venez, H'el`ene, sortons de cette gare. Ah, mon Dieu ! Nous avons tant de choses `a nous dire !
Il l’entra^inait rapidement, comme s’il e^ut voulu la conduire tr`es loin, puis, brusquement, s’arr^eta.
Fandor, comme un enfant qui a peur, avec une parfaite na"ivet'e, avait besoin d’^etre heureux, tout `a fait heureux et il demandait, quoique ce f^ut bien inutile.
— H'el`ene, vous m’aimez toujours ?
La jeune femme le regarda de ses grands yeux, J'er^ome Fandor lut la r'eponse qu’il d'esirait :
— Venez, venez, j’ai remarqu'e un petit bois tout `a c^ot'e. L`a, nous serons tranquilles.
***
Vingt minutes plus tard, J'er^ome Fandor et la fille de Fant^omas 'etaient install'es dans une verte prairie et causaient `a voix basse, tendrement press'es l’un contre l’autre.
H'el`ene, secouait la t^ete et calmait J'er^ome Fandor :
— Vous ^etes m'echant, disait-elle, vous devriez savoir, mon pauvre ami, que si je vous ai fait de la peine, cela a 'et'e bien involontaire. Je n’y suis pour rien. Il n’y a nullement de ma faute dans ce qui est arriv'e.
— Allons donc !
— 'Ecoutez-moi Fandor, et vous jugerez.
Et la jeune fille, alors, fit `a J'er^ome Fandor l’hallucinant r'ecit de ses derni`eres aventures.
`A un moment donn'e, Fandor l’interrompit :
— Ma pauvre ch`ere H'el`ene, quand je pense que cet inf^ame gredin de don Eugenio vous a r'eellement enlev'ee !
— Vous vous trompez Fandor, d'eclarait la fille de Fant^omas. Don Eugenio n’est pas un inf^ame gredin, c’est au contraire un galant homme, un tr`es galant homme.
— Pour Dieu, H'el`ene, r'epondez-moi, vous l’aimez donc ? Comment pourriez-vous le d'efendre si ce n’'etait pas ? Il vous a fait enlever. Ah, vous l’aimez !
— Vous ^etes fou, je n’aime pas don Eugenio, je ne peux pas l’aimer, puisque je vous aime. Voyons, laissez-moi parler et vous comprendrez.
Encore tremblant de jalousie, J'er^ome Fandor se jetait `a genoux aux pieds de celle qu’il adorait :
— Parlez, alors, par piti'e, parlez ! H^atez-vous, vous me faites souffrir mille supplices !
— Ne vous tourmentez donc pas.
Et elle poursuivit son r'ecit :
— Don Eugenio est un galant homme, Fandor, pour la bonne raison que, m’ayant fait enlever, ce qui 'etait en effet une sorte de l^ache attentat, il s’est imm'ediatement rendu compte, d`es qu’il s’est trouv'e en face de moi que je n’'etais pas la femme qu’il croyait et qu’il se d'eshonorerait `a user de violence `a mon endroit. Don Eugenio s’est conduit en parfait gentilhomme, en s’excusant de toute son ^ame de m’avoir fait enlever et, d`es lors, il a employ'e avec moi les proc'ed'es les plus d'elicats. Pourtant je l’aime si peu, Fandor, que si vous m’avez rencontr'ee `a Irun, c’est que je guettais le convoi royal o`u il doit se trouver pour y monter et lui faire une violente sc`ene de reproches.