Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Je ne saurais vous dire, monsieur, vous comprenez dans ces cas-l`a, nous n’interrogeons gu`ere, l’essentiel est pour nous d’enlever l’affaire et d’^etre charg'es des obs`eques. Il y a une telle concurrence… Bien que la maison de Villars soit la plus r'eput'ee, il nous faut d'ejouer les intrigues des autres entreprises.
Quelques instants apr`es, Coquard se retirait et Juve avait not'e l’adresse du m'edecin d’Auteuil qui avait d'elivr'e le permis d’inhumer.
— Nous le ferons interroger.
— Je vous vois venir, fit le chef de la S^uret'e, vous voudriez d'emontrer que l’infant d’Espagne a assassin'e sa ni`ece.
Juve allait r'epondre. On frappa `a la porte. C’'etait un gardien du d'ep^ot :
— Monsieur le chef de la S^uret'e, d'eclara l’homme, un des individus arr^et'es, cette nuit pr'etend avoir une d'eclaration `a faire. Il demande `a vous voir d’urgence.
— Qui est-ce ?
— Barnab'e, le fossoyeur.
— Qu’on l’am`ene, ordonna M. Havard.
Quelques instants plus tard, Barnab'e 'etait introduit.
— Vous avez `a parler ?
Le fossoyeur h'esitait.
— Voyons, fit Juve doucement, reprenez vos esprits, et racontez-nous ce que vous avez `a dire.
Barnab'e encourag'e, retrouva peu `a peu sa lucidit'e, fit `a ses deux interlocuteurs abasourdis le r'ecit de l’aventure 'etrange o`u il avait jou'e son r^ole, en compagnie du p`ere Teulard.
Juve, `a trois reprises fit r'ep'eter son r'ecit `a Barnab'e. Lorsqu’on eut reconduit le fossoyeur au d'ep^ot, M. Havard, d’un air triomphant, interrogea Juve :
— Eh bien, cela se complique ? Mais du m^eme coup votre th'eorie est d'etruite.
— Pourquoi ? fit le policier.
— Voyons, reprit M. Havard, si l’infant d’Espagne avait assassin'e sa ni`ece, on aurait retrouv'e son cadavre dans la bi`ere qui devait le contenir, du moment qu’on a simul'e des obs`eques, c’est qu’il n’y avait personne de mort.
— Je ne dis pas non, fit Juve, tout cela dissimule un myst`ere, et l’attitude de l’infant d’Espagne me semble de plus en plus suspecte. Comment admettre, en effet, qu’un homme qui se pr^ete `a une telle supercherie n’a pas commis quelque acte r'epr'ehensible, n’a pas tout au moins quelque mauvais dessein ?
— Et qui vous dit que l’infant n’est pas victime lui-m^eme de ce faux enterrement ?
Juve se tut, r'efl'echit un instant. Soudain, il se rapprocha de son chef. Puis, lui mettant famili`erement la main sur l’'epaule, il affirma :
— Tout cela, reconnaissons-le, puisque nous sommes en t^ete-`a-t^ete, reste encore incompr'ehensible, mais il nous suffirait d’un d'etail, d’un rien, pour poss'eder la clef de tout le myst`ere.
— Oui, reconnut M. Havard, je suis bien de votre avis, malheureusement. Quel est ce d'etail ?
— Si Fant^omas a enterr'e Delphine Fargeaux vivante, c’est qu’assur'ement il voulait se d'ebarrasser d’elle, sans doute parce qu’elle devenait g^enante. Pourquoi Fant^omas a-t-il justement choisi pour l’ensevelissement de Delphine le cimeti`ere de Montmartre ? N’y aurait-il pas un lien quelconque `a 'etablir avec la mort simul'ee de Merc'ed`es de Gandia ? Mais pourquoi les manifestations du fant^ome ?
Cependant que Juve r'efl'echissait ainsi, ne voulant faire part de ses d'eductions `a M. Havard qui certainement en aurait souri, le directeur de la S^uret'e mit son chapeau et d'eclara :
— Si vous voulez bien Juve, nous reprendrons cet entretien plus tard. Je vais dormir quelques heures, car je suis ext'enu'e.
***
Il 'etait environ neuf heures du soir. M. Havard 'etait all'e prendre pendant tout l’apr`es-midi le repos qu’il convoitait. Quant `a Juve, bien trop 'enerv'e pour pouvoir se coucher, il avait, avec une activit'e f'ebrile, effectu'e de nombreuses enqu^etes ; d'esormais, il se trouvait chez lui dans son appartement de la rue Tardieu et causait avec animation avec Fandor. Les deux hommes une fois encore, se retrouvaient seuls dans le bureau du policier, dans la pi`ece qu’il avait reconstitu'ee identique ou tout comme, `a celle qu’il avait occup'ee jadis dans son vieil appartement de la rue Bonaparte auquel il ne pouvait penser sans un frisson de rage `a l’id'ee que son effroyable ennemi Fant^omas, sans cesse acharn'e contre lui, avait 'et'e jusqu’`a d'etruire la seule chose que poss'edait Juve : son home de vingt ann'ees.
— Eh bien ? interrogeait Fandor une fois que Juve lui eut racont'e tout ce qui s’'etait pass'e, eh bien, en conclusion ?
Le policier 'etait redevenu tr`es calme et avec une extraordinaire lucidit'e d’esprit, il fit `a Fandor l’expos'e de la situation :
— Tout d’abord parlons de la mort de Merc'ed`es de Gandia.
— La question s’est pos'ee de savoir si une femme r'eellement morte a 'et'e r'eellement mise en bi`ere par les croque-morts de l’administration. J’ai 'elucid'e ce premier point, j’ai retrouv'e les deux croque-morts qui ont fait la mise en bi`ere, cette op'eration s’est effectu'ee r'eguli`erement. On a mis dans un cercueil une femme, non pas une brune comme Merc'ed`es de Gandia, mais une personne ayant des cheveux ch^atain fonc'e, ainsi que tout le monde l’a constat'e. Lorsque le cercueil a 'et'e descendu dans la chapelle ardente, il s’est trouv'e que, par un hasard involontaire ou voulu, la bi`ere est rest'ee absolument isol'ee pendant pr`es de dix minutes. J’en conclus que si la substitution a eu lieu `a un moment quelconque, c’est pendant ce d'elai, et j’ajoute que la substitution a d^u certainement avoir lieu.
— C’est 'egalement mon avis.
— Quelqu’un, en dehors de la personne ou des personnes qui ont fait cette 'etrange op'eration, en a eu connaissance. Et ce quelqu’un tr`es vraisemblablement, a voulu que la chose se sache.
— Possible, fit Fandor, mais qui est-ce ?
— Le fant^ome, d'eclara Juve.
— Allons bon, c’'etait trop beau, Juve. Jusqu’`a pr'esent, contrairement `a votre habitude, vous m’aviez dit des choses normales, compr'ehensibles, mais voici que vous recommencez `a parler par 'enigmes. Je suis s^ur que dans un instant vous allez m’imposer un r'ebus. Il va falloir que je dise quels 'etaient les sentiments de la vessie en caoutchouc rev^etue d’un habit noir trouv'ee dans le cimeti`ere, et il va falloir en outre que je vous nomme l’individu qui s’'etait fait l’entrepreneur de ce guignol macabre.
— Ma foi, si tu faisais cela, Fandor, je te paierais un bon d^iner, car c’est l`a, en effet, que r'eside tout le myst`ere. J’ai la conviction formelle que les apparitions de ce spectre ont 'et'e invent'ees 'evidemment par un malfaiteur qui tuait et volait, mais que ces attentats avaient pour raison de dissimuler le v'eritable but que se proposait ledit auteur du spectre, `a savoir : attirer l’attention.
— Attirer l’attention ? pourquoi ?
— Attirer l’attention, d'eterminer une 'emotion, puis ensuite une enqu^ete, faire remarquer aux gens que ce spectre n’apparaissait que depuis les obs`eques de Merc'ed`es de Gandia, que ce myst'erieux fant^ome se tenait perp'etuellement dans le voisinage de la s'epulture de la famille de Gandia. L’apparition avait pour but, en outre, `a mon humble avis, d’influencer la mentalit'e rudimentaire de Barnab'e et cela afin de le pousser `a faire les aveux qu’il est venu nous apporter ce matin m^eme.
— Mais, pourquoi ?
— Parbleu, tu ne comprends donc rien Fandor ? On voulait `a toute force faire d'ecouvrir que Merc'ed`es de Gandia n’'etait pas enterr'ee et vraisemblablement, faire admettre ensuite, qu’elle n’est m^eme pas morte.
— Qui ca,
— Quelqu’un qui savait que l’on avait mis du sable dans le cercueil de Merc'ed`es, l’infant peut-^etre ? Non. Impossible. De deux choses l’une : ou c’est lui qui a imagin'e ce faux ensevelissement pour h'eriter de sa ni`ece et, d`es lors, il n’avait pas int'er^et `a attirer l’attention sur le cercueil vide, ou alors, quelqu’un d’autre serait intervenu `a son insu et voulait faire ouvrir ce cercueil. Mais qui ? Au fait, quelle est la personne tout sp'ecialement l'es'ee dans cette affaire ? C’est l’int'eress'ee elle-m^eme, c’est Merc'ed`es de Gandia, officiellement morte d'esormais, et, par suite, d'epouill'ee de sa fortune. Mais pourquoi aurait-elle employ'e des moyens si extraordinaires pour faire d'emontrer qu’elle 'etait encore vivante ? Il y a des gens qui la connaissent. Il lui 'etait facile de faire 'etablir son identit'e. Qui donc a voulu employer ce proc'ed'e bizarre pour attirer l’attention ? En tout cas, celui qui agit de la sorte agit dans l’int'er^et de Merc'ed`es. Donc, il marche contre l’infant. `A moins que…