Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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L’infirmi`ere allait d'ej`a remporter le petit Gustave lorsque celui-ci, brusquement, paraissait se souvenir d’une lecon apprise et r'ecitait des paroles qui avaient d^u lui ^etre r'ep'et'ees sur tous les tons :
— Tiens, madame, commencait-il, on m’a dit de te dire bonjour et de te donner ca, c’est pour toi !
Il levait sa petite main, il tendait un humble bouquet de violettes.
Alors Paulette de Valmondois oublia son mal, son inqui'etude et ses souffrances. Elle prit le bouquet de violettes que lui apportait son fils, elle l’approcha de ses l`evres, elle le huma avec transport.
— Ah, mon amour !… commenca Paulette.
Mais la parole s’arr^eta sur ses l`evres. Brusquement, ses yeux se r'evulsaient. Le bouquet qu’elle tenait encore tombait sur le sol.
Et, tandis que l’infirmi`ere, effray'ee, se rejetait en arri`ere, posait le petit Gustave sur le sol en lui disant :
— Ne bouge pas !
Le Dr Tillois se pr'ecipitait vers Paulette.
— Nom de Dieu ! jura le praticien.
Il oubliait en un instant sa pose, sa morgue d’homme savant, toute son attitude de grand m'edecin.
— Nom de Dieu !… fit-il encore.
Il s’'etait pench'e sur le visage de Paulette ; du pouce, il soulevait les paupi`eres retomb'ees.
Alors, il eut un cri de rage :
— Syncope foudroyante… mort subite… Ah, sapristi !…
Puis, un instant plus tard, le Dr Tillois se relevait :
— Ah, ca, murmurait-il, il y a d'ej`a la coloration de l’orbite ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Un empoisonnement ?
Le juge d’instruction tremblait de tous ses membres, M lle Berthe 'etait blanche d’'emotion.
Brusquement, des cris percants retentirent.
C’'etait le petit Gustave qui avait pris peur et qui 'eclatait en sanglots. M lle Berthe alors emporta l’enfant. Le Dr Tillois le suivit pensivement des yeux.
— Ah c`a, grommelait-il, est-ce donc lui, l’assassin ?
Une heure apr`es, le Dr Tillois se trouvait dans son laboratoire. Il avait le visage masqu'e et le pr'eparateur qui l’aidait 'etait masqu'e, lui aussi.
Devant eux, dans des fioles remplies de r'eactif, des violettes mac'eraient.
Ils paraissaient fort 'emotionn'es. Depuis trois quarts d’heure, le chirurgien n’avait pas dit un mot. Enfin, il rompit le silence :
— C’est abominable ! d'eclarait le Dr Tillois. Il n’y a aucun doute `a conserver, et c’est `a croire que nous sommes revenus `a l’'epoque des Borgia… Cette Paulette de Valmondois est morte empoisonn'ee, empoisonn'ee par les fleurs que lui a apport'ees son fils… Qui donc envoyait l’enfant, par exemple ?
Le pr'eparateur ^otait son masque, il eut un geste de doute :
— Ca, c’est plus curieux, remarquait-il. J’ai vu M lle Berthe il y a un quart d’heure, il para^it que c’est une femme qui a amen'e le petit, mais cette femme a disparu… Personne ne sait ce qu’elle est devenue…
— Naturellement ! dit Tillois.
Le chirurgien, `a deux reprises, se passait la main sur le front.
— C’est abominable ! murmurait-il. Un crime comme cela, cela vous donne le frisson !…
Et le grand chirurgien, le c'el`ebre Dr Tillois, celui-l`a m^eme qui, par ses op'erations os'ees, tentait la mort chaque jour, ne pouvait s’emp^echer de p^alir.
Le Dr Tillois 'etait un jeune mari'e, il avait un enfant un peu moins ^ag'e que le petit Gustave. Le chirurgien oubliait la science, l’homme s’'epouvantait d’un drame dont il comprenait brusquement toute l’atrocit'e.
Un instant, il resta silencieux, puis il d'eclara froidement :
— Il faudra prendre les dispositions pour pr'evenir la famille, si cette femme a de la famille. En tout cas, je vais aujourd’hui m^eme avertir la police, le crime n’est pas douteux, l’assassinat est flagrant !
XII
Pour d'efendre l’autre
— Ba be bi bo bu… ba be bi bo bu…
— Ah ca, tais-toi donc, mon g'en'eral !… Tu deviens assommant, `a la fin !
— Ba be bi bo bu… ba be bi bo bu…
— Animal, va ! Voyons, rappelle-toi plut^ot la prise de Solf'erino…
— Ah ! c`a, c’'etait une bataille ! Ba be bi…
— Mon g'en'eral, si tu ne te tais pas, je te fourre dedans ! Ah ca, tu ne reconnais pas mes galons, ce soir ?
— Si donc, mon capitaine ! Mais je sonne la charge quand m^eme. Ba be bi…
— Zut !
— Et puis, j’ai bougrement mal `a mon pied.
— Des inventions extraordinaires ! Tu as mal `a ton pied, maintenant ? Sacr'e farceur, va ! Tu n’as pas mal `a ton pied, puisqu’il est en Italie `a six m`etres sous terre !
— Ca n’emp^eche pas !
— Mon g'en'eral, un fois, deux fois, tu vas te taire !
— Bien s^ur, mais tout de m^eme, ba be bi…
— Ah c`a, toi aussi, tu veux r'eveiller l’Autre ?
`A cette demande, le silence se fit brusquement. On n’entendit plus au lointain, dans la r'esonance d’un couloir d'esert, que le heurt r'egulier et monotone de deux b'equilles et de deux jambes de bois qui trottinaient d’un pas all`egre.
O`u cette sc`ene se passait-elle et quels en 'etaient les h'eros ?
La pi`ece 'etait immense et, avec son plafond bas, ses murs de pierre, la vingtaine de lits blancs qui la meublaient, elle avait un air de dortoir, une physionomie tranquille et reposante.
'Etait-ce donc un dortoir ?
Le mot e^ut paru injurieux `a ceux qui l’habitaient, ils ne l’eussent pas admis. On appelait cette pi`ece la chambr'ee, et m^eme elle portait un nom retentissant, c’'etait la chambr'ee Desaix.
Mais quels 'etaient les occupants de cette chambr'ee ? Quel 'etait surtout ce g'en'eral qui s’ent^etait `a chanter sur un air de marche guerri`ere le