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ЖАНРЫ

Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— Ah ! bon Dieu ! criait l’Empoisonneur, patron du bouge, qui poss'edait une extraordinaire voix et ne quittait jamais l’abri de son comptoir de zinc. Voil`a l’Ours !

On s’'etait alors lev'e en d'esordre, on avait couru au p`ere Martin dont le sobriquet 'etait 'evidemment assez compr'ehensible.

— Non, ma vieille ! criait-on. Pas possible !… C’est toi qui rappliques ?… Et alors, quoi de neuf ? Et ta gonzesse ?… Et tes m^omes ?… C’est un produit, que tu nous am`enes ?

Tout heureux de se retrouver dans une atmosph`ere amicale, Martin avait serr'e les mains tendues, affirm'e qu’il n’y avait rien de neuf, que sa gonzesse engraissait toujours et que le num'ero quatre 'etait en effet un produit de son 'elevage.

— Et puis, c’est pas tout ca ! concluait-il. J’ai une thune qu’y faut que j’casse, aboulez des vertes, l’Empoisonneur ! C’est ma tourn'ee pour les aminches !

Instantan'ement, une formidable beuverie s’organisait alors. L’absinthe remplissait les grands verres, on trinquait, on causait, on 'echangeait des nouvelles, cependant que les tourn'ees succ'edaient aux tourn'ees, personne ne voulant ^etre en reste et chacun tenant `a offrir la sienne.

Le gosse, cependant, 'etourdi par l’odeur d’absinthe, effar'e par les cris qu’il entendait, 'etait demeur'e debout au milieu du cabaret avec sa petite figure timide, son air d’enfant battu qui n’ose risquer un mouvement sachant bien que le moindre de ses gestes lui vaut une taloche.

Une pierreuse l’apercut :

— Ah ! le J'esus ! s’'ecriait-elle. Est-il mignard !

Et, brave fille, s’'echappant du banc sur lequel l’avait pouss'e brutalement peut-^etre son homme, elle courait au num'ero quatre.

— Hein, faisait-elle. On est sage ? Comment que tu t’appelles, dis-voir ?

Le gosse ne r'epondait pas, le bras lev'e au-dessus de sa t^ete, pr^et `a pleurer encore, escomptant surtout quelque gifle formidable…

La pierreuse, pourtant, le cajolait avec douceur :

— C’est qu’il est mignon comme tout ! faisait-elle. On dirait un page ! Bon sang, elle n’t’a pas rat'e, ta m`ere, quand elle t’a fait !

Maintenant, elle avait pris le gosse dans ses bras, elle revenait s’asseoir `a sa table, elle demandait :

— Dis, mon gros, t’as soif ? T’as faim ?

Et, bonne ^ame, sans attendre la r'eponse, elle appelait d'ej`a :

— Eh ! l’Empoisonneur, la tourn'ee du m^ome ! Donne-nous de l’orgeat, des cornichons et du pain.

Le m'elange 'etait bizarre, la pierreuse ne connaissait rien au-dessus, raffolant, pour sa part, des cornichons, dont elle e^ut fait sa nourriture du premier janvier `a l`a Saint-Sylvestre.

Les autres filles, d’ailleurs, s’'etaient group'ees autour d’elle. Toutes se passaient le bambin, l’embrassaient, jouaient avec lui, dans un soudain renouveau de maternit'e qui s’'epuisait en phrases touchantes comme en gestes maladroits.

— Attends voir, mon J'esus, que j’te peigne ! T’as tes boucles tout emm^el'ees !

— Fais voir, mon bonhomme, que j’te tire tes chaussettes !

— Donne ta main ! l`a… Dis bonjour !

Elles l’'etourdissaient un peu, mais il se laissait faire cependant, le visage d'ej`a tout barbouill'e d’orgeat, et sucant un cornichon qu’il trouvait mauvais sans oser le montrer.

— Eh ben, ma fille, clamait derri`ere Ad`ele un maigre individu qui n’'etait autre que Fumier, c’est pas pour dire, mais quand il aura dix-huit ans, celui-l`a, y fera rudement tourner les t^etes !… Quels ch^asses il a, bon Dieu !

Alors ce furent des exclamations sans fin. Chacune d’elles d'ecouvrait au gosse des beaut'es extraordinaires. Il avait une bouche que c’'etait un plaisir de le voir croquer son cornichon. Son nez 'etait rigolo en diable…

— Et ses mains ! clamait Ad`ele. Avez-vous vu ses mains ? On dirait des mains de poup'ee !

Elles s’enthousiasmaient les unes apr`es les autres, 'etant rest'ees enfant, prenant vraiment plaisir `a jouer avec le gosse tout comme elles eussent jou'e avec une v'eritable poup'ee.

Il y eut une ambassade. Ad`ele quitta le groupe des filles pour aller trouver l’Ours. Elle lui tapait sur l’'epaule, elle lui passait la main dans les cheveux, jusqu’`a ce qu’il daigne 'ecouter :

— Dis voir, ton m^omignard, comment qu’y s’appelle ?

L’Ours, qui en 'etait `a sa quatri`eme absinthe, r'epondit d’une voix fort emp^at'ee :

— Y s’appelle Gustave. Gustave Poucke… Ah ! nom de Dieu ! Y s’appelle aussi Gustave de Valmondois, m^eme que je ne sais pas qu’en fiche !

Et, avec un ent^etement d’ivrogne, Martin voulait `a toute force contraindre les copains `a 'ecouter son histoire :

Il en avait du malheur, bon Dieu !… Le gosse, comme ca, 'etait un gosse d’une femme de luxe, m^eme qu’elle payait pas ses mois de nourrice, qu’il avait rappliqu'e `a Paris, histoire de lui reflanquer l’enfant dans les mains…

— Seul’ment, ca, c’est pas d’veine, continuait l’Ours, para^it que la gerce, elle est `a l’houstot, rapport `a ce qu’on l’a esquint'e aux trois quarts. Alors, moi, j’sais pus qu’en faire, du m^omignard… Le garder, non, j’veux pas ! Tr`es peu de me ruiner pour lui ! Le fout’ `a la Seine, c’est dangereux !… Le coller `a l’Assistance, ca me ferait du tort pour mon commerce !… Ah ! vingt cent mille diables !… Je le donnerais pour pas cher ! Qui qu’en voudrait ?

Depuis un instant, un homme 'etait entr'e dans le bouge, un apache, au visage s'ev`ere, qui avait 'echang'e un signe de t^ete avec l’Empoisonneur et, debout, appuy'e contre un mur, fumait en regardant le plafond sans avoir l’air de pr^eter attention aux paroles qui s’'echangeaient pr`es de lui.

Cet homme, en r'ealit'e, ne perdait pas un mot des paroles de l’Ours. Il les 'ecoutait si bien, il les observait avec tant d’attention qu’`a deux reprises il avait m^eme vivement tressailli.

Brusquement, il se d'epartit de l’attitude flegmatique qu’il s’imposait.

— D'egueulasse ! appelait-il.

D'egueulasse, qui buvait sans penser `a mal, le nez dans son verre, calculant qu’on 'etait douze poteaux, qu’on avait d'ej`a prix cinq tourn'ees et qu’il en restait encore sept `a boire, releva la t^ete de surprise.

— Quoi ? demandait-il. Qui c’est qui m’siffle ?

D'egueulasse perdit son assurance et parut fort surpris en apercevant celui qui l’avait appel'e.

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