Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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L'eon Drapier consid'era le comptable d’un air hagard.
— Il manque vingt mille francs d’or ! fit-il, comme il y a trois jours !… Que dit le tr'esorier ?
— Le tr'esorier affirme, monsieur le directeur, que c’est moi qui me trompe… Moi j’affirme que c’est lui !
L'eon Drapier appuya sur un timbre, l’huissier se pr'esenta.
— Je ne recevrai personne ce matin, d'eclara-t-il, renvoyez tout le monde !
Puis il ajoutait :
— Faites venir imm'ediatement le tr'esorier, dites que je l’attends dans mon bureau !
Tandis que les solliciteurs, qui 'etaient venus dans l’espoir d’^etre recus par M. le directeur de la Monnaie, se retiraient maussades, indiff'erents ou furieux selon l’importance qu’ils attachaient `a leur visite, un groupe de personnes se pr'esentait quai Conti `a la facade principale de l’h^otel des Monnaies.
La grande porte venait de s’ouvrir, car il 'etait dix heures du matin, et d`es lors le concierge de l’important immeuble faisait p'en'etrer tous ces gens dans une petite salle `a c^ot'e de sa loge.
`A voir ces gens, on d'eterminait ais'ement leur nationalit'e et leur profession. C’'etaient des touristes, pour la plupart des 'etrangers, des Anglais et des Allemands, qui, respectueusement fid`eles `a un programme arr^et'e d’avance par leur guide, s’'etaient r'eunis ce matin-l`a au quai Conti dans le but de visiter la Monnaie.
Le concierge s’approchait d’un des leurs, un personnage aux cheveux tr`es bruns, `a la moustache h'eriss'ee comme une moustache de chat.
— Salut, monsieur ! lui dit-il en lui tendant la main, voil`a longtemps qu’on ne vous avait pas vu !
Le personnage sourit, il serra cordialement les doigts du fonctionnaire.
— Que voulez-vous, monsieur le concierge ! il faut bien vivre de son m'etier ! Voici les autorisations du minist`ere pour que je puisse faire visiter `a ma client`ele les salles du mus'ee et les ateliers de la frappe.
Le concierge v'erifiait les documents que lui tendait le guide.
— C’est parfait ! d'eclara-t-il, vous allez pouvoir commencer !
Le guide, d`es lors, articulait d’une voix tonitruante, qui r'esonnait dans la salle vide de meubles :
— Mesdames et messieurs, vous ^etes ici `a l’h^otel des Monnaies, dont la construction remonte aux ann'ees les plus recul'ees. Autrefois, le droit de battre monnaie appartenait `a certains seigneurs, mais, depuis l’abolition du r'egime f'eodal, vous voyez que cela ne remonte pas `a hier, quelques villes de la France, qui 'etait alors gouvern'ee par un roi, b'en'eficiaient de ce privil`ege. Peu `a peu, les h^otels des Monnaies, dans les provinces, disparurent, et l`a frappe des pi`eces d’or, d’argent et de bronze, fut r'eserv'ee `a l’h^otel de Paris…
Le guide alors quittait la salle, s’avancait dans une cour int'erieure, qu’il faisait traverser par sa troupe de clients.
— Nous allons commencer maintenant la visite, d'eclarait-il, par la salle dite mus'ee des M'edailles. Celle-ci est ouverte au public sans autorisation pr'ealable, n’importe qui peut venir contempler les mod`eles qui ont 'et'e 'etablis pour comm'emorer certains 'ev'enements notoires de l’histoire de France… Nous d'eplorerons, mesdames et messieurs, avec le conservateur de l’'etablissement, que bon nombre de ces m'edailles aient 'et'e enlev'ees de ce mus'ee, transport'ees `a la Biblioth`eque nationale, o`u il est `a peu pr`es impossible aux amateurs de les examiner. Ceci fut fait lorsqu’on cr'ea la Biblioth`eque nationale. Elle 'etait alors une personnalit'e tr`es bien en cour, si je puis m’exprimer ainsi, et elle obtint de faire transporter chez elle les m'edailles qui n’auraient jamais d^u quitter l’h^otel des Monnaies !
En trois quarts d’heure environ, le guide fournissait `a ses clients toutes les explications n'ecessaires. Il leur montrait la plus grande m'edaille qui ait jamais 'et'e frapp'ee et apr`es celle qui est r'eput'ee pour ^etre la plus petite de toutes et qui, ^o ironie des choses, consacre la loi qui accorda la libert'e de la presse en France !
Les visiteurs allaient et venaient dans le paisible mus'ee de l’h^otel des Monnaies, sans se douter un seul instant des 'ev'enements qui se passaient dans ce m^eme h^otel et des pr'eoccupations qui hantaient ses hauts dirigeants.
Une dramatique discussion venait d’avoir lieu dans le cabinet de M. L'eon Drapier.
Apr`es les d'eclarations du comptable, le directeur de la Monnaie avait jug'e indispensable de faire venir le tr'esorier. Il avait confront'e les deux hommes, et il s’'etait rendu compte que tous deux 'etaient 'egalement de bonne foi, que chacun d’eux, en outre, avait pleinement raison.
L’encaisse indiscutable de la tr'esorerie 'etait inf'erieure de vingt mille francs `a l’encaisse accus'ee par les chiffres du contr^ole !…
L'eon Drapier 'etait an'eanti par ces constatations.
— On nous vole ! hurlait-il, allant et venant dans son cabinet, en proie `a une nervosit'e inexprimable, et il nous est impossible de savoir qui nous vole, comment surtout ces vols sont commis !
Il faisait venir alors le directeur des services de surveillance.
— Monsieur, ordonna L'eon Drapier, vous allez me faire le plaisir de doubler votre personnel de veilleurs de nuit !
— C’est d'ej`a fait depuis huit jours, monsieur le directeur !
— Ces hommes n’ont rien d'ecouvert, ne se sont apercus de rien !
L'eon Drapier r'efl'echissait une seconde, puis il invita le comptable et le tr'esorier `a se retirer.
Lorsqu’il fut seul avec le chef de surveillance, L'eon Drapier le regarda dans les yeux.
— Voyons, voyons ! fit-il, ca n’est pas possible ! Nous avons des fuites extraordinaires, formidables !
— H'elas ! monsieur le directeur, je le sais, mais qu’y faire ?
— Les emp^echer ! pincer les coupables !
— C’est facile `a dire !…
— Il faut y parvenir, monsieur ! Dussiez-vous mettre des pi`eges `a loup dans les escaliers, des cartouches de dynamite sous le couvercle des coffres, je ne veux pas, je ne veux pas, entendez-vous, que cela continue quarante-huit heures de suite !
Le chef de surveillance sugg'era :
— On pourrait peut-^etre aviser le service de la S^uret'e et demander des inspecteurs ?