Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— Ca, y a pas d’doute, jugea-t-il en un instant de r'eflexion, c’est un trafalgar qui s’pr'epare ; c’est des copains qui nous envoient c’type-l`a, histoire de nous faire barrer !
Mon-Gnasse se fit aimable en cons'equence.
— Eh oui, ca circule ! d'eclarait-il. On n’est pas bons encore pour les pissenlits !… Et toi, ma vieille, quoi d’neuf ?
Mon-Gnasse, d’un petit geste de la main, avait fait signe `a Nalorgne et P'erouzin. Les deux agents tressaillaient d’aise.
— Cela doit ^etre l’individu ! 'ecrivit Nalorgne.
P'erouzin r'epondit :
— Ouvrons l’oeil, et le bon !
Ils furent tout yeux, tout oreilles.
La conversation continuait.
— J’ai pas longtemps `a moi, d'eclarait le poteau de Mon-Gnasse et de la Puce, tout juste le temps de faire un cafouillou. Ca colle-t-il ?
Mon-Gnasse n’ignorait pas qu’il n’y avait pas de billard dans l’'etablissement. La proposition de l’inconnu le confirma donc dans cette pens'ee qu’il avait des propositions `a lui faire.
— Ca colle ! r'epondit-il.
— Alors, cavale dans la salle du fond !
L’inconnu se retournait vers le patron, il criait :
— Eh, t^olier ! On s’en va au cafouillou… Tu porteras les verres l`a-bas !
Le t^olier poussa un grognement qui pouvait ^etre `a la rigueur une r'eponse affirmative.
Mon-Gnasse et la Puce se levaient cependant. Ils suivaient l’inconnu, adressant toujours des petits gestes `a Nalorgne et P'erouzin qui ne se tenaient pas d’aise. La correspondance reprit entre les deux personnages.
— Ca marche ! 'ecrivait Nalorgne.
— Ca galope ! affirmait P'erouzin.
Et, prenant une feuille neuve, Nalorgne 'ecrivait encore :
— S^urement l’individu qui vient d’entrer est un apache int'eressant. Ils ont fait des signes, attendons !
— Attendons ! acquiesca P'erouzin.
Ils attendirent, en effet, sans inqui'etude, car ils 'etaient persuad'es qu’il n’y avait point d’autre sortie, pendant un bon quart d’heure. C’'etait `a peine s’ils trouvaient le temps long et s’ils commencaient `a se demander s’il ne serait pas bon d’aller voir dans la salle basse ce qui se passait, lorsqu’un 'ev'enement, `a coup s^ur impr'evu, se produisit brusquement.
Enfonc'ee d’un coup d’'epaule, la porte de la salle basse s’ouvrait.
Un homme apparaissait dans l’embrasure. C’'etait Juve !
Juve 'etait livide, et Juve criait :
— `A l’aide, nom d’un chien ! Nalorgne, allez vite chercher une voiture ! P'erouzin, aidez-moi !… On s’assassine l`a-dedans !
Alors, une sc`ene horrible se passait.
Tandis que Nalorgne, affol'e, ob'eissait machinalement, quittait le cabaret et courait chercher un fiacre, P'erouzin, accompagnant Juve, se pr'ecipitait dans la salle basse.
L’aspect de la pi`ece 'etait 'epouvantable.
Par une fen^etre situ'ee `a mi-hauteur, une fen^etre dont les grilles 'etaient arrach'ees et qui avait servi `a Juve pour entrer, un jour p^ale p'en'etrait. Il 'eclairait une sc`ene abominable.
Le sol 'etait couvert de sang. Le sang avait d’ailleurs gicl'e jusqu’au plafond, souillant les murs, 'ecrivant un horrible carnage.
Mais ce n’'etait point le sang qui retenait les regards. Ce qui laissait P'erouzin muet d’effroi, ce qui l’'epouvantait au point qu’il pensait d'efaillir, c’est qu’il apercevait, `a l’instant m^eme, deux formes humaines, deux corps qu’agitaient de convulsifs mouvements, le corps d’un homme, le corps d’une femme, le corps de deux malheureux qui 'etaient Mon-Gnasse et la Puce et qui, tous deux souill'es de sang, r^alaient `a moiti'e !
— Mon Dieu ! g'emit P'erouzin.
Et, machinalement, il cherchait un troisi`eme personnage, le costaud qui avait accompagn'e Mon-Gnasse et la Puce.
— Imb'eciles ! Brutes ! Comprenez-vous votre maladresse, au moins ? Vous les avez perdus de vue !… Ah, sang Dieu, dire que je suis arriv'e trop tard !
Juve, en fait, 'etait parvenu au Cochon-Grasjuste `a l’instant o`u Mon-Gnasse et la Puce suivaient l’inconnu pour entrer dans la salle basse ; le policier, qui allait p'en'etrer dans le cabaret, avait vu, `a travers la porte, Nalorgne et P'erouzin laissant tranquillement s’'eloigner les deux apaches dont ils avaient la garde.
— Les imb'eciles ! avait pens'e Juve.
Sans perdre de temps alors, et soupconnant qu’une 'evasion 'etait possible, Juve, au lieu d’entrer dans le cabaret, s’'etait rejet'e en arri`ere, voulant faire le tour de la maison.
Il avait perdu du temps `a traverser des cours, `a s’orienter. Quand il 'etait arriv'e sur la facade oppos'ee du Cochon-Gras, il avait trouv'e la fen^etre ouverte, avait compris que quelqu’un avait fui par l`a, s’'etait hiss'e jusqu’`a cette lucarne et, par elle, avait apercu les deux victimes 'etendues sur le sol…
Que s’'etait-il pass'e au juste, cependant ?
Juve ne le savait pas. Il avait vu que Mon-Gnasse et la Puce vomissaient le sang `a flots. Ils 'etaient ligot'es. Juve alors donnait l’alarme, envoyait chercher une voiture, puis s’occupait avec P'erouzin de transporter les bless'es.
Juve, d’ailleurs oubliait compl`etement `a cet instant qu’il s’agissait de mis'erables fort peu dignes d’int'er^et. Il bousculait m^eme Nalorgne et P'erouzin avec fureur :
— H^atez-vous donc ! hurlait-il. Vous voyez bien que ces gens-l`a r^alent !… Il faut les secourir ! C’est votre b^etise, que diable, qui vient de les faire assassiner !
Transport'es dans un fiacre, Mon-Gnasse et la Puce, 'evanouis et perdant toujours leur sang, ne donnaient gu`ere signe de vie. Juve prit lui-m^eme les guides en main. `A l’ahurissement du cocher, qui ne comprenait rien `a la facon de faire de ce client, il fouettait la rosse et la lancait au galop dans la direction de l’h^opital.
Par bonheur, le policier 'etait connu. Un interne accourait imm'ediatement.
— Grave, grave ! fit-il en hochant la t^ete. De terribles h'emorragies !
Et il demandait :
— Que s’est-il donc pass'e ? Une rixe ?
— Je ne sais pas, dit Juve.
L’interne, aid'e de deux infirmiers, d'eshabillait les bless'es.
— Ils doivent avoir des coups de couteau ou une balle dans les poumons pour vomir le sang de cette facon !
Mais aucune blessure n’apparut sur les deux corps d'eshabill'es.
— Sapristi ! d'eclara l’interne, qu’est-ce que cela signifie ?
De force, il ouvrit la bouche des deux victimes. Avec des tampons d’ouate, il 'etanchait le sang et soudain le jeune m'edecin poussait un cri d’horreur…