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ЖАНРЫ

Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Les quais de la Seine, en effet, aux heures avanc'ees de la nuit, ne sont pas ce que l’on pourrait croire.

Ils ne sont point d'eserts et abandonn'es comme, `a coup s^ur, une infinit'e de Parisiens sont dispos'es `a le supposer.

Aux heures tardives de la soir'ee, en effet, les berges se peuplent d’une foule myst'erieuse, h^ave, d'eguenill'ee, aux apparences 'etranges, mais peut-^etre en r'ealit'e plus inqui'etante que r'eellement dangereuse.

C’est le rendez-vous de tous les meurt-la-faim, de tous les sans-logis, de tous ceux qui composent cette grande arm'ee de la mis`ere qui, d’un bout de l’ann'ee `a l’autre, cantonne `a Paris, manoeuvre dans les rues et gagne, avec chaque jour, un combat contre la faim.

Les moindres coins d’ombre sont alors utilis'es. En passant on devine, `a l’abri des mat'eriaux que l’on charge ou que l’on d'echarge des p'eniches, des formes humaines. Elles sont solitaires ou rassembl'ees en groupe, tass'ees les unes contre les autres. Il y a des mis'ereux qui fuient instinctivement toute soci'et'e, qui d'efendent leur isolement avec une farouche volont'e et comme s’il repr'esentait `a leurs yeux le seul bien enviable.

Il en est d’autres, grelottant de froid, qui s’unissent pour se serrer les uns contre les autres et tromper ainsi la fra^icheur de la nuit.

De temps `a autre, de loin en loin, on entend alors le bruit d’un gros flac, de quelque chose de pesant qui tombe `a l’eau… Personne ne bouge, il n’y a pas un cri. C’est `a peine si quelque habitu'e des berges murmure :

— Encore un qui a eu le cafard !…

Le

« cafard » est une maladie 'etrange, un vertige extraordinaire, qui s'evit dans le peuple des berges. Il prend brusquement son homme, il le serre `a la gorge, il l’'etouffe…

Cela commence par une larme p'eniblement pleur'ee par un oeil d’ordinaire atone et sec. Cela finit par un r^ale, un sanglot de d'esespoir inimaginable…

L’homme atteint de cafard se l`eve alors… Il marche, titube, roule vers le fleuve qui clapote au long de la berge. Peut-^etre n’a-t-il plus conscience de ce qu’il fait, peut-^etre est-il 'etourdi par un grand d'esir, un d'esir obs'edant de repos, de silence et d’ombre…

L’homme fait un pas, se penche… Il est `a l’eau. Il se noie sans se d'ebattre, et le cafard a fait une victime de plus… voil`a tout !

La police n’ignore pas, bien entendu, l’existence des fr`eres de la berge. Elle op`ere cependant rarement des rafles parmi ces mis'ereux dont le d'esespoir et la d'etresse ont quelque chose de pitoyable, car elle sait fort bien, en effet, que les meurt-la-faim, les tra^ine-mis`ere ne sont pas en r'ealit'e dangereux. Ceux qui volent, ceux qui tuent, sont riches `a c^ot'e d’eux et n’accepteraient pas de vivre de pareilles nuits.

Il n’y a l`a que des individus malheureux et la police n’aurait en v'erit'e nul int'er^et, nulle raison d’aller troubler leur sommeil appesanti de b^etes forc'ees par la fatigue.

Tout a des limites cependant. Et lorsqu’il s’est pass'e dans les environs un fait 'etrange, surprenant, lorsqu’autour des berges on signale un attentat, il est bien 'evident que la premi`ere pens'ee de la police doit ^etre d’aller trier un peu les populations, les troupes cantonn'ees sur les berges.

Or, c’'etait bien le cas ou jamais o`u une rafle 'etait menacante.

Les 'ev'enements qui venaient de se d'erouler `a la Monnaie 'etaient tels, en effet, que la police, pr'evenue, exasp'er'ee par son impuissance, allait mettre sans doute tout en oeuvre pour rattraper le fugitif… Car `a coup s^ur on savait d'esormais que quelqu’un s’'etait enfui des caves…

L’arriv'ee des agents 'etait donc imminente. Ils pouvaient appara^itre de minute en minute, ils seraient sans doute en nombre ; l’homme, s’il voulait fuir, devait le faire `a l’instant m^eme.

Prudemment, alors, l’inconnu quittait l’abri que lui avait m'enag'e la pile du pont. Il marchait sans faire de bruit et, pr^etant l’oreille, se faufilait, ombre noire se m^elant `a la nuit entre les tas de sable, les amoncellements de cailloux, les grues gigantesques qui garnissaient les berges.

Son passage, d’ailleurs, si furtif qu’il f^ut, 'eveillait les pauvres mis'erables qui dormaient l`a. Ceux que la mis`ere talonne, ceux que la faim poursuit connaissent tant de malheurs, vivent tant d’inqui'etudes qu’ils n’ont en g'en'eral m^eme pas le bonheur d’un sommeil complet et d'efinitif. Ils dorment d’un oeil, et sont pr^ets `a l’alerte, car les dangers de la vie, de leur vie errante, les tiennent toujours en 'eveil.

On s’inqui'etait donc du passage d’un inconnu. Des t^etes effar'ees surgissaient.

Qui se promenait `a pareille heure ?

Et comme un mot d’ordre, tous les fr`eres de la berge 'echangeaient un avertissement :

— La rousse !…

`A ce moment, l’homme qui suivait les quais et tentait de s’'evader eut un brusque froncement de sourcils, s’arr^etant net d’avancer :

— Oh ! oh ! murmurait-il, cela se g^ate !…

Il venait d’apercevoir, `a une cinquantaine de m`etres devant lui, une dizaine d’ombres qui, marchant en ligne d'eploy'ee en 'eventail, avancaient `a grands pas.

— La retraite coup'ee ! pensa l’inconnu.

Il ne pouvait pas se tromper, en effet, `a ce qu’il voyait, c’'etait bien les agents qui arrivaient, les agents qui commencaient la rafle…

Rapidement alors, mais sans courir, de peur d’attirer l’attention sur lui, l’homme, tournant les talons, s’'eloigna.

— Il faut fuir ! murmurait-il les dents serr'ees. Il faut fuir ou je me fais pincer…

Il ne tremblait pas d’ailleurs, gardait un sang-froid extraordinaire, paraissait de taille `a envisager en face les 'ev'enements, `a se battre contre eux jusqu’`a ce qu’il en e^ut triomph'e.

L’homme marcha pendant dix minutes…

Il ne s’'etait pas 'eloign'e cependant, car la n'ecessit'e o`u il 'etait de ne point faire de bruit l’obligeait aux plus grandes pr'ecautions. Il devait 'eviter les mat'eriaux, il devait 'eviter surtout les fr`eres de la p`egre qui dormaient encore.

Brusquement, cependant, il s’arr^eta.

En face de lui encore, il discernait une s'erie d’ombres noires qui, descendant un petit escalier, gagnaient la berge et se d'eployaient encore en 'eventail.

— Tr`es bien… parfait ! murmura l’homme. Encore des agents !… Je suis cette fois entre deux barrages de policiers qui marchent l’un au-devant de l’autre et qui se rencontreront dans quelques instants chassant devant eux, raflant tous ceux qu’ils auront rencontr'es.

Le personnage, un instant plus tard, murmurait :

— Toute la difficult'e consiste `a ne pas ^etre de ceux-l`a !

Ne t'emoignant toujours d’aucun trouble cependant, et gardant un calme extraordinaire, on n’e^ut jamais cru qu’il courait le plus certain et le plus pressant des dangers, il rebroussait chemin une fois encore.

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