Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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O`u allait-il donc cependant ?
Quelle cachette pouvait-il esp'erer trouver ?
Avait-il invent'e une ruse qui p^ut lui permettre de passer entre les mailles de ce filet humain que constituaient les vingt agents op'erant la rafle sur les quais ?
L’inconnu se h^atait maintenant. Il gagnait le bord du quai, paraissait s’orienter.
— Attention ! murmurait-il soudain.
Et il se livrait alors `a la plus extraordinaire des manoeuvres.
Sans bruit, en effet, le personnage s’'etait approch'e du bord de l’eau, se couchait sur le ventre. Il laissait pendre ses pieds au-dessus du fleuve.
Que cherchait-il donc `a r'ealiser ?
'Etait-il subitement emplis de cafard ? Allait-il comme tant d’autres, pr'ef'erer la mort `a la cruaut'e d’une arrestation ?
L’homme, une fois install'e dans son extraordinaire position, heurtait violemment du bout du pied contre une sorte de porte qui se trouvait creus'ee dans le quai, une porte d’'egout, 'evidemment, qui devait ^etre d'esaffect'ee depuis longtemps.
Imm'ediatement, une voix s’informa :
— Qui c’est qu’est l`a ? Qui c’est qui frappe ? C’est complet !
La voix qui parlait ainsi 'etait lointaine, 'etouff'ee. Elle semblait provenir de l’int'erieur du quai, elle tremblait un peu.
Le fuyard r'epondit, sans hausser le ton :
— Complet `a l’int'erieur sans doute, mais `a l’imp'eriale c’est `a volont'e !
Il y eut dans la nuit un grincement sinistre. Avec peine, on repoussait la porte.
Le personnage, qui 'etait toujours agripp'e au quai, donna un violent coup de reins et, l^achant les mains, se glissa `a l’int'erieur de l’'egout.
Il bruinait `a ce moment fortement. L’homme 'etait tremp'e. De plus, ses yeux encore pleins d’ombre clignotaient `a la lumi`ere ; il chancelait, 'etourdi…
Dans l’'egout, il faisait ti`ede. C’'etait la temp'erature moite des caves o`u s’entassent de trop nombreux individus. Cela sentait d’horribles relents de mis`ere et de salet'e. Qu’importait, cependant ?
Le personnage qui venait si myst'erieusement de p'en'etrer dans ce repaire abominable soupirait de satisfaction en s’y installant.
Il se rendait compte, en effet, qu’il 'etait d'esormais `a l’abri de toutes les recherches polici`eres, que celles-ci ne pouvaient rien pour le d'ecouvrir.
Tandis qu’il se secouait cependant, encore aveugl'e et les yeux pleins de nuit, des voix brusques l’interrogeaient :
— Qui qu’t’es, mon fils ? D’o`u qu’tu viens ?
Le personnage r'epondit sans h'esitation :
— D’o`u j’viens ? D’un sacr'e truc !… Qui j’suis ? Vous devriez me reconna^itre, je suis Job Askings !
Et cet homme, celui-l`a m^eme qui disait ^etre Job Askings, ce fuyard qui venait si myst'erieusement d’op'erer `a la Monnaie, qui, redoutant `a tel point d’^etre appr'ehend'e par la police, avait pr'ef'er'e entrer dans le repaire abominable, cet homme-l`a, c’'etait Juve… et Juve 'etait dans l’Enfer.
Que s’'etait-il donc pass'e, et pourquoi Juve se trouvait-il ainsi soudainement amen'e `a conna^itre d’extraordinaires aventures ?
`A la v'erit'e, il n’y avait rien de surprenant dans tout ce qui survenait et les 'ev'enements n’'etaient, au sens le plus philosophique des mots, que des cons'equences naturelles, des r'esultats obligatoires.
Juve enqu^etait toujours relativement aux myst'erieuses affaires dans lesquelles se trouvait compromis le malheureux directeur de la Monnaie.
Juve enqu^etait toujours et enqu^etait avec d’autant plus d’'energie, d’autant plus de rage, d’autant plus de pers'ev'erance que ses enqu^etes n’avancaient gu`ere, qu’il ne d'ecouvrait pas grand-chose, ce qui, naturellement, piquait de plus en plus sa curiosit'e.
Que se passait-il, d’ailleurs ? Quelle 'etait la v'eritable explication aux ph'enom`enes troublants, inqui'etants et tragiques qui se succ'edaient de jour en jour ?
Pourquoi le valet de chambre Firmain avait-il 'et'e assassin'e ? Pourquoi Paulette de Valmondois 'etait-elle morte ? Comment se faisait-il que des pi`eces d’or antidat'ees s’'echappaient de la Monnaie, 'echappaient plut^ot `a la vigilance du directeur, L'eon Drapier ?
Juve ne savait rien de tout cela.
Il avait devin'e, certes, que Fant^omas 'etait m^el'e `a ces sombres aventures. L’ombre effroyable du bandit, du Roi de l’'epouvante, du Ma^itre de tous et de tout, planait sur ces myst`eres. Cela n’'etait pas douteux, mais c’'etait peut-^etre la seule certitude que Juve e^ut os'e mettre en avant.
Ah ! l’invraisemblable aventure que celle de ce malheureux L'eon Drapier que la police, de plus en plus, tendait `a consid'erer comme coupable !
Juve, lorsqu’il y r'efl'echissait, grincait des dents, serrait les poings, s’emportait contre le sort qui lui semblait injuste et mauvais…
Ce n’est pas L'eon Drapier, pourtant, qui a coup'e la langue `a Mon-Gnasse et `a La Puce !…
L’horreur derni`ere, l’effroyable mutilation, impos'ee aux deux apaches troublait et inqui'etait Juve au plus haut point.
Il n’'etait pas, en effet, il ne pouvait pas ^etre victime des choses `a ce sujet.
`A coup s^ur, la Puce et Mon-Gnasse 'etaient tomb'es sous les coups de Fant^omas ; lui seul, le Roi du meurtre, le tortionnaire 'ehont'e, pouvait avoir os'e cela, pouvait surtout l’avoir r'ealis'e, l’avoir r'eussi, presque sous l’oeil de la police, `a deux pas des inspecteurs Nalorgne et P'erouzin.
Mais pourquoi Fant^omas avait-il agi ainsi ?
Certes, Juve devinait bien le but du bandit. Il avait voulu imposer silence `a Mon-Gnasse et `a la Puce. Il avait voulu, sachant ses complices fort capables de le trahir, les rendre muets pour toujours…
Craignait-il donc `a ce point les bavardages de Mon-Gnasse et de la Puce ? Ceux-ci avaient-ils donc jou'e un r^ole pr'epond'erant dans les t'en'ebreuses intrigues que Fant^omas menait `a cette heure ?
Et Juve s’effarait d’autant plus de cette mutilation qu’elle amenait d'esormais un effroyable malheur.
Ah ! certes, Mon-Gnasse et la Puce, que l’on soignait `a l’h^opital, qui allaient mieux, qui 'echapperaient peut-^etre `a la mort, fr^ol'ee de si pr`es, n’eussent pas r'esist'e au d'esir de se venger !… S’ils avaient pu parler, s’il leur avait 'et'e loisible de trahir ce que l’on craignait qu’ils trahissent, dans leur col`ere furieuse, dans leur rage d'echa^in'ee, dans leur rancune aveugle, ils n’eussent pas h'esit'e une seconde.