Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Sur le sol, il y avait toujours la vieille paillasse qui servait de lit. Et les h^otes eux-m^emes, toujours arm'es jusqu’aux dents, hommes `a la face de brute, b^etes f'eroces v'eritables, 'epuis'es de mis`eres, affol'es de crimes 'etaient, comme jadis, capables de tout, toujours pr^ets au meurtre, toujours avides de sang.
Juve, tranquillement s’asseyait.
Il ne s’'etonnait point du silence qui avait accueilli son arriv'ee. Il savait que les brutes en face desquelles il se trouvait avaient l’esprit lent, la r'eflexion p'enible.
Ces malheureux vivaient en r'ealit'e dans une telle mis`ere, dans une si s'ev`ere pauvret'e, qu’ils n’'etaient plus gu`ere des hommes, qu’ils 'etaient tomb'es peu `a peu au rang de l’animal, qu’il leur 'etait p'enible, impossible presque, de risquer une phrase.
Juve, cependant, assis sur un billot de bois, demandait :
— Et les affaires, ca va ?
Il sentait le besoin d’engager la conversation. Il fallait, pour d'etourner les soupcons, qu’il d^it quelque chose, qu’il prononc^at quelques paroles, qu’il se m^it bien avec la bande.
Or, `a la question de Juve, d’un coin de la paillasse o`u il 'etait 'etendu, fumant une grosse pipe, un homme se soulevait, le chef, celui-l`a m^eme que Juve, jadis, pour accr'editer son personnage de Job Askings, avait proprement vol'e. Il r'epondit :
— Les affaires, non, ca n’va pas ! On n’fait rien ! On s’serre la ceinture ! Pas m^eme de quoi s’emplir les dents creuses ! Et toi, du p`eze ?
— Oui, du p`eze ! r'epondit Juve.
Le vieux se rapprocha curieusement… Une flamme de convoitise brillait d'esormais dans ses yeux.
— Ah ! faisait-il, tu as du p`eze sur toi ?
Juve, `a ce moment, fr'emit. Peut-^etre bien venait-il de commettre une terrible imprudence en se vantant ainsi ! Qui prouvait que ces gens qui l’entouraient, qui 'etaient des bandits, n’allaient point se jeter `a l’improviste sur le policier ?
Ils n’h'esiteraient certainement pas devant un crime ! Ils ne reculeraient pas devant un meurtre !
Et Juve, `a les contempler, comprenait que pour ces mis'erables la vie d’un homme pesait si peu qu’ils tueraient sans h'esiter pour quelques sous, pour quelques pi`eces d’argent.
Juve, pourtant, comprit qu’avant tout il ne fallait pas laisser deviner son 'emoi.
La gaffe est faite, estima-t-il, il faut maintenant marcher jusqu’au bout !
Et, tranquillement, il affirma :
— Assur'ement, j’ai du p`eze !… J’ai plus de cinquante mille balles sur moi !
Mais, en m^eme temps qu’il disait cela, Juve, bien ostensiblement jouait avec la crosse de son revolver.
Le vieux reculait. Ce que venait de dire Juve le laissait haletant. Pareillement, les autres occupants de l’Enfer semblaient stup'efi'es d’admiration. Une flamme brillait dans leurs yeux, une rougeur empourprait leurs joues.
— Cinquante mille balles !…
Ils r'ep'etaient cela d’un air effar'e.
Le vieux d'eclara :
— Eh bien ! tu n’t’emb^etes pas !… Mais, tout d’m^eme, mon vieux, on est heureux d’ta veine ! Un type comme toi, faut pas que qu’ca tra^ine la mis`ere !
Il y avait, dans cette simple parole, toute l’admiration, tout le respect aussi de l’apache mis'erable pour un voleur du talent et du g'enie de Job Askings.
Le vieux d'eclarait encore :
— Ici, tu ne risques rien ! Tu es en s^uret'e !…
Juste `a ce moment, et comme si un d'ementi sinistre avait d^u ^etre oppos'e aux paroles du bandit, un vacarme retentit.
La porte de l’Enfer s’'etoilait. Elle se trouait `a un endroit, une balle blind'ee s’'ecrasait contre le mur.
Juve l’avait sentie siffler pr`es de son visage. Il se levait, froncant les sourcils, mais ne tremblant pas.
— Je suis en s^uret'e… dit-il, hum ! c’est `a voir…
Une fusillade 'eclatait. Les habitants de l’Enfer se prirent `a trembler.
— Je crois que cela va chauffer ! dit Juve simplement.
Mais qu’arrivait-il donc encore ?…
XIX
F^acheuse posture
Il 'etait dit cependant que, cette nuit-l`a, toutes les pr'edictions, toutes les proph'eties de Juve recevraient de cruels d'ementis.
Le policier, en effet, n’avait pas fini de d'eclarer que cela allait chauffer, qu’il semblait tout au contraire qu’il n’allait rien se passer du tout. La fusillade cessait, le calme se r'etablissait et c’'etait brusquement le silence impressionnant de la nuit, un silence que troublait `a peine le ruissellement l'eger de l’eau coulant sous les ponts.
— Ma foi, j’y comprends plus rien ! murmura une voix derri`ere Juve.
Le policier alors se retournait.
Il 'eprouvait `a cet instant une impression qu’il ne devait pas oublier de toute sa vie.
Lorsqu’il 'etait entr'e dans l’Enfer, en effet, quelques instants plus t^ot, il avait tout juste apercu quatre ou cinq individus assis sur la paillasse et mangeant des cro^utes de pain qu’ils trempaient dans une sorte de marmite o`u l’on devinait une innommable soupe.
Or, au bruit de la fusillade, au bruit de l’alerte, il semblait que l’Enfer se fut brusquement peupl'e d’une foule surprenante !
Juve n’avait jamais 'et'e jusqu’au bout du souterrain am'enag'e en repaire. Il imaginait `a vrai dire que ce souterrain n’'etait pas profond, qu’il s’arr^etait `a sept ou huit m`etres de l`a.
Or, Juve s’'etait tromp'e, assur'ement. Des chandelles en effet venaient de s’allumer et, `a leur lueur tremblotante, le policier pouvait apercevoir une 'enorme profondeur de caverne, comprendre que le boyau souterrain de l’'egout 'etait en r'ealit'e fort long, s’enfoncait tr`es loin sous les berges.
Le mouvement de surprise de Juve cependant n’'echappait pas au vieux chef. Celui-ci ricana :
— Ah oui ! commenca-t-il. Tu n’avais pas encore admir'e la maison !… Regarde, Job Askings ! Il y a de la place !