Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Les Grouilleurs, stup'efi'es, s’'etaient brusquement redress'es eux aussi. La voix de Fant^omas appelait :
— `A moi !… `A moi !… Tirez donc, c’est Juve !
Et le policier, cependant, entendant cette clameur, ne bougeait plus. Tapi sur lui-m^eme, ramass'e, pr^et `a bondir, Juve 'ecarquillait les yeux, s’efforcait de percer l’obscurit'e.
O`u 'etait Fant^omas ?
O`u 'etaient les Grouilleurs ?
Juve entendit ceux-ci qui r'ep'etaient :
— Juve est l`a ? Allons donc ! Tu te moques de nous, Fant^omas !
— Non, ripostait le bandit. Il 'etait l`a, il s’est m^el'e `a vous `a la sortie de l’Enfer !
`A ce moment, Juve se prit `a sourire. Malgr'e l’effroyable danger qu’il courait, il ne pouvait s’emp^echer de s’amuser de l’erreur o`u 'etait Fant^omas. Ainsi donc, celui-ci imaginait que Juve avait 'epi'e les Grouilleurs `a l’instant o`u ils surgissaient sur les berges !
Il ne savait pas que Juve sortait de l’Enfer !
Et le policier, qui d'ej`a songeait `a tirer parti de la situation, s’applaudissait de cette erreur.
— Tr`es bien ! tr`es bien ! pensait-il. Il ne faut pas que Fant^omas se doute de la v'erit'e !
Juve, `a ce moment d’ailleurs, 'eprouvait brusquement une extraordinaire 'emotion.
— Ah ca ! mais n’y avait-il pas un rapprochement `a faire entre les extraordinaires habitants de l’Enfer, entre les Grouilleurs qui fr'equentaient les 'egouts et les larves qui jadis, au moment des affaires du Japisme, avaient si fort 'epouvant'e Paris ?
Juve, alors, avait multipli'e les enqu^etes pour savoir ce qu’il 'etait advenu du terrifiant royaume des t'en`ebres que Fant^omas avait fond'e `a cette 'epoque. Il n’en avait jamais eu de nouvelles. Les complices de Fant^omas avaient ou semblaient avoir disparu. Les Grouilleurs n’'etaient-ils pas leurs successeurs ?
Ce n’'etait pourtant pas le moment de r'efl'echir, et Juve, d’ailleurs, ne mettait qu’une seconde `a peine `a penser `a toutes ces choses.
Fant^omas 'etait `a deux pas de lui ! Il 'etait l`a dans l’ombre, `a la merci de ses coups, si d’aventure il pouvait l’apercevoir.
Cela affolait Juve au point que, marchant au hasard, 'etendant le bras, il s’avanca.
— Fant^omas !… Fant^omas ! criait le policier. Si tu n’es pas un l^ache, viens t’attaquer `a moi !
Mais `a ce moment, et comme Juve s’attendait `a ce que le Ma^itre de l’'epouvante bond^it contre lui, comme il 'etait pr^et `a supporter son assaut, Juve se sentit soudainement saisi par des mains vigoureuses qui l’immobilisaient, le ligotaient, l’emportaient comme un paquet.
— S^urement, il est de bonne prise ! disait une voix.
— Parbleu ! en r'epondait une autre. J’ai cru entendre qu’il appelait Fant^omas `a l’aide !
Un troisi`eme personnage ajouta :
— C’est peut-^etre l’homme qui 'etait `a la Monnaie.
Et Juve alors se rassura.
Cette derni`ere voix qui venait de parler, il l’avait parfaitement reconnue. C’'etait la voix du policier Mix !
Juve, certainement, venait d’^etre fait prisonnier, mais il avait 'et'e fait prisonnier par les policiers, cela vraiment n’'etait pas bien grave !
Juve, s’'etant rassur'e en reconnaissant la nature et le caract`ere de ceux qui l’emportaient, se gardait de protester. Instinctivement m^eme, l’excellent policier se f'elicitait `a cette minute des aventures qui survenaient et du caract`ere qu’elles pr'esentaient.
— Apr`es tout, se disait Juve, puisqu’il ne m’a pas 'et'e permis d’arr^eter Fant^omas, puisque le monstre s’est 'echapp'e `a la faveur de l’obscurit'e, puisqu’il a profit'e de la nuit pour s’enfuir, j’aime autant ^etre prisonnier de la police que libre ! Cela coupe court `a mes scrupules de conscience. En ce moment, je ne peux rien faire, et par cons'equent je n’ai pas `a me mettre martel en t^ete sur la conduite que je dois tenir !
Juve ne se d'ebattait donc pas. Sagement, il se laissait bousculer, pestant seulement en lui-m^eme contre la facon un peu brusque dont on le transportait.
On l’avait pris par les pieds et par les 'epaules, on le secouait pas mal, et cette facon de voyager n’avait rien de particuli`erement agr'eable.
La fusillade, d’ailleurs, continuait. Elle semblait toutefois diminuer d’intensit'e, les coups de feu devenaient de plus en plus rares.
— Fant^omas, peut-^etre, songea Juve, s’occupe `a rallier ses hommes… Il les oblige `a faire retraite, il les fait reculer !
Et, en disant cela, en le pensant plut^ot, car Juve n’articulait pas une parole, le policier ne pouvait s’emp^echer de sourire d’un sourire myst'erieux.
Juve, en effet, pendant qu’on le transportait et alors qu’on le brutalisait tant soit peu, paraissait v'eritablement heureux, enchant'e au possible.
— Il me semble que je comprends, disait-il, que je comprends bien des choses…
Ces r'eflexions, toutefois, 'etaient fort brusquement interrompues. `A c^ot'e de lui, une voix venait de murmurer :
— Derri`ere ce tas de briques, nous sommes `a l’abri des balles. D'eposez le prisonnier `a terre, il faut l’interroger !
`A l’instant m^eme, ceux qui transportaient Juve ouvrirent les mains. Le policier se sentit choir sur le sol rudement, il poussa, malgr'e son b^aillon, un grognement de col`ere.
— Doucement, nom d’un chien !
Or, `a cet instant, un inspecteur tirait de sa poche une lampe 'electrique, qu’il allumait. Juve ne pouvait pas voir les traits de l’individu, car on l’avait b^aillonn'e avec une p`elerine enroul'ee autour de sa t^ete, une p`elerine analogue `a celle dont se servent les agents cyclistes. Il entendit des exclamations surprises :
— Qui diable peut ^etre ce coco-l`a ?
La voix de Mix, en m^eme temps, s’informa :
— En tout cas, messieurs les agents, il doit ^etre de bonne prise !
`A cet instant, Juve pensait :
— D'ecid'ement, ce Mix est tr`es fort !… C’est probablement lui qui a guid'e les braves individus qui doivent s’emparer de moi ! C’est lui qui a os'e tenter ma capture ! Allons, je le f'eliciterai `a l’occasion…
Mais, chose curieuse, tandis que Juve pensait ainsi, il souriait un peu narquoisement sous le bandeau qui l’'etouffait.