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ЖАНРЫ

Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Fandor ne r'epondit pas, mais tressaillit.

Juve disait vrai, la glace de la chemin'ee 'etait fendue, l’endroit o`u l’objet qui l’avait cass'ee 'etait tomb'e, 'etait nettement visible, il se trouvait derri`ere une pendule qui, elle, 'etait intacte.

— Enfin, continuait Juve, crois-tu encore que lorsqu’on tra^ine un cadavre au point qu’il laisse sur les tapis une tra^in'ee de sang analogue `a celle que nous voyons, le poids de ce cadavre ne redresse pas quelque peu les poils du tapis ? Autrement dit, expliques-tu comment on aurait pu tra^iner le corps de ce Baraban sur une carpette de ch`evre dont les poils sont parfaitement et r'eguli`erement inclin'es en travers ?

Fandor, encore, demeurait muet.

— Maintenant, reprenait Juve en entra^inant Fandor, et en le conduisant dans toutes les pi`eces de l’appartement, explique-moi ces autres d'etails : comment comprends-tu que des cambrioleurs, des assassins, des meurtriers, soient assez d'elicats pour ne casser, ne fracturer, ne briser, en un mot, que les objets de peu de valeur ? Or, c’est bien ce qu’ils auraient fait ici. Tu peux t’en convaincre toi-m^eme, tout le mobilier de prix est intact. Tous les objets pr'ecieux ont 'et'e pr'eserv'es du pillage. C’est au moins bizarre, hein ?

Les remarques du policier 'etaient si troublantes, ses observations si inattendues, que Fandor, un instant encore, demeurait muet.

Il retrouvait toutefois la parole pour interroger de nouveau Juve :

— Ah ca, disait-il, qu’est-ce que vous inventez donc, Juve ? Ma parole, on dirait que vous ne croyez pas qu’il y ait eu crime et cambriolage ?

Or Juve, `a ces mots, souriait tranquillement :

— Mais bien entendu, faisait-il, que je n’y crois pas ou plut^ot que je n’y crois plus. Tiens, ou je me trompe fort, Fandor, ou voici ce qui s’est pass'e ici : je ne connais pas ce Baraban, mais j’imagine que c’'etait un homme bien conserv'e. Sais-tu cela, toi ?

— Oui, avoua Fandor, c’'etait ce qu’on appelle un beau vieillard. Mais quelle conclusion en tirez-vous ?

Juve eut un grand geste du bras :

— J’en conclus, r'epondait-il, que tout ce que nous voyons ici c’est de la mise en sc`ene. M. Baraban, pour moi, a voulu faire croire `a sa mort. Il a r'epandu le sang que tu vois, il a bris'e les meubles auxquels il tenait le moins. Il a organis'e la com'edie, enfin. Et il est parti. Cherchons la femme, Fandor. Je suis bien pr`es d’imaginer que ce soi-disant assassinat a pour cause quelque fugue, en compagnie d’un jupon.

L’hypoth`ese 'etait si invraisemblable, si os'ee, si inattendue surtout, que Fandor s’'etonnait imm'ediatement :

— Bigre, disait-il, comme vous y allez, Juve, une fugue ? C’est bien vite dit, c’est une explication bien facile, mais encore faudrait-il qu’elle soit vraisemblable. Tenez, la malle, qu’en faites-vous ?

— La malle, riposta Juve, mais elle vient `a l’appui de ma th`ese, la malle, parbleu ! C’est tout simple, elle a servi pour la fugue. Ca n’est pas Baraban qui se trouve dedans, sois bien tranquille `a cet 'egard. Ce sont ses chaussettes, ses chemises, ses calecons, et peut-^etre bien les cache-corsets de la dame.

***

Deux heures plus tard, Juve ayant termin'e son enqu^ete sur les lieux m^emes du crime, et de plus en plus convaincu qu’il n’y avait pas eu assassinat, que tout 'etait, rue Richer, le fait d’une mise en sc`ene habile, quittait Fandor et se rendait `a la pr'efecture de police.

Juve, `a cet instant, 'etait persuad'e d’avoir devin'e la v'erit'e. Il n’admettait plus et ne voulait plus admettre la mort du malheureux Baraban.

Les indices ainsi retrouv'es lui semblaient, `a ce sujet, si parfaitement significatifs, qu’il n’admettait pas s’^etre tromp'e.

Fandor, au contraire, ne se tenait point pour convaincu.

« Juve se fiche dedans, pensait le journaliste en regardant partir son ami dans le fiacre qu’il avait envoy'e chercher. Juve voit toujours des choses myst'erieuses o`u les autres d'ecouvrent des choses fort simples. Sapristi, ce n’est pas un drame `a la Fant^omas, ca. Il ne faut pas penser au truc, `a l’invraisemblable. Il faut au contraire ^etre de sang-froid.

»

Et, d'emolissant les arguments de Juve par la pens'ee, Fandor raisonnait ainsi :

« Un tiroir fractur'e, bien que non ferm'e `a cl'e ? Voil`a ce qui d'ecide Juve. Peuh, cela n’a pas d’importance ! Je vois tr`es bien, `a leur pr'ecipitation, des assassins ne s’apercevant pas de la chose. Un tapis dont les poils ne sont pas rebrouss'es ? Bah, il y a une explication `a cela. Peut-^etre ne tra^inait-on pas le corps sur le sol, on le portait. Et quant aux meubles de valeur respect'es, il y `a vingt mille moyens d’en tirer des d'eductions contraires. »

De moins en moins convaincu, Fandor redescendit voir la concierge qui tenait salon dans sa loge et racontait le drame chaque fois diff'eremment, avec des d'etails toujours nouveaux, `a ses coll`egues de la rue.

— S’il vous pla^it, madame ? demandait Fandor, qui avait les cl'es de l’appartement ?

— Moi et M. Baraban, r'epondit la concierge.

— Ah, et personne d’autre ?

— Oh, personne d’autre.

Fandor, sans ajouter un mot, quitta la concierge, remonta l’escalier.

Quelques instants apr`es, il 'etait pench'e sur la serrure de la grande porte de l’appartement tragique.

Fandor, `a cet instant, 'etait troubl'e.

— Dame, s’avouait-il `a lui-m^eme, voil`a un argument qui vient un peu `a l’appui de la th`ese de Juve. La porte n’a pas 'et'e fractur'ee, or il n’y avait que deux personnes `a avoir la cl'e : Baraban et la concierge. Comment donc les assassins seraient-ils entr'es ?

Et il inventait alors qu’ils s’'etaient peut-^etre gliss'es, inapercus, derri`ere la victime.

Fandor en 'etait pr'ecis'ement l`a de ses r'eflexions, lorsqu’une respiration haletante retentit dans l’escalier.

— Monsieur Fandor.

— Oui, eh bien ?

Pench'e sur la rampe, Fandor apercut la concierge.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Figurez-vous que je me souviens.

— De quoi, madame Euphrasie ?

— Il y avait une autre cl'e.

Cette fois, Fandor fut en moins de quelques minutes au bas de l’escalier.

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