Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Alors, ayant tout bien constat'e, le commissaire de police est revenu `a son bureau et, avant de me t'el'ephoner, heureusement inspir'e, a song'e `a interroger un gardien de la paix qui, la nuit m^eme, avait 'et'e de planton rue Richer.
— L’agent n’avait rien vu, naturellement ? commenca Juve en souriant.
— Pardon, r'epliqua M. Havard, souriant lui aussi. L’agent a fait une d'eposition des plus int'eressantes. Il a rapport'e, en effet, qu’`a dix heures et demie, il avait d^u 'eloigner `a maintes reprises, et en le menacant de l’arr^eter, un jeune homme d’une vingtaine d’ann'ees dont l’attitude louche, 'etrange, avait attir'e son attention.
« Cet individu, disait l’agent, s’'etait promen'e pendant pr`es d’une heure devant la maison du crime ayant l’air d’en surveiller la facade, faisant le guet, en un mot.
— Oh, oh, remarqua Juve, et alors ?
— L’agent a pri'e ce garcon de circuler mais l’individu s’est regimb'e, l’a pris de tr`es haut, a dit qu’il attendait une dame, puis, qu’il habitait l`a, et, enfin, a donn'e son nom, Th'eodore Gauvin, fils d’un notaire de Vernon.
Juve, `a ces mots, se prit `a sourire :
— Le nom 'etait faux, bien entendu ? disait-il.
Mais M. Havard, `a ces mots, rit franchement :
— D'ecid'ement vous n’avez pas de chance dans vos suppositions, disait-il. Pr'ecis'ement, le nom n’'etait pas faux. Mais laissez-moi finir. L’agent a ajout'e que le jeune homme, chass'e par lui dans de si troublantes circonstances, s’'etait 'eloign'e `a peine une demi-heure du coin du faubourg Montmartre, le gardien de la paix l’a, en effet, apercu quelques instants plus tard post'e pr`es de la rue Berg`ere et surveillant toujours l’immeuble du crime.
— Malheureusement, concluait Juve, l’agent n’est pas intervenu `a nouveau ?
— En effet, confessa M. Havard, l’agent n’est pas intervenu `a nouveau, pour la bonne raison que l’un de ses camarades l’a remplac'e `a ce moment, et il n’a m^eme pas pens'e `a avertir celui qui le relevait. C’est ce qui fait sans doute que le crime a 'et'e commis.
Juve 'ecoutait toujours avec sang-froid les renseignements de son chef. Comme celui-ci se taisait cependant, il interrogea :
— Et c’est tout ce qu’on sait relativement `a l’assassin ?
— Sans doute ! Que voudriez-vous qu’on sache de plus ?
— Rien, avouait Juve, qui demandait encore :
— Ce jeune homme est donc arr^et'e maintenant ?
— Oui, heureusement.
Et, d’un ton triomphant, M. Havard poursuivait :
— Ayant recu le coup de t'el'ephone du commissaire de police, j’ai imm'ediatement t'el'egraphi'e au procureur de la R'epublique de Vernon qu’il fasse arr^eter le fils de M e Gauvin le plus vite possible. En consultant le tableau des notaires, en effet, j’avais pu me convaincre moi-m^eme qu’il y avait bien un notaire de ce nom `a Vernon.
M. Havard se taisait, mais consid'erait Juve avec une certaine curiosit'e.
— `A quoi pensez-vous donc ? demandait-il bient^ot. Vous faites une dr^ole de figure.
— Heu, r'epondait Juve, je r'efl'echissais, voil`a tout. Dites-moi, monsieur Havard, la conclusion de ceci, c’est qu’on ne sait pas o`u est le cadavre du mort, le cadavre de ce pauvre Baraban, mais qu’en revanche on tient son assassin ?
— Oui, r'epondait M. Havard, c’est bien cela. Vous voyez que, pour une fois, nous avons 'et'e tr`es vite en besogne : deux heures apr`es le crime nous tenions le coupable.
Juve eut un sourire vague.
— En effet, approuvait-il, on a 'et'e vite, tr`es vite, c’est m^eme une arrestation un peu trop rapide, je crois, que celle qui vient d’^etre faite. L’inculp'e a-t-il avou'e ?
— Non, le procureur de Vernon me t'el'ephone `a l’instant qu’il nie tout.
Juve, sur ces mots, se levait :
— Il est vrai, disait-il, que je ne puis avoir d’avis, puisque, en somme, je ne me suis pas rendu sur les lieux, mais tout de m^eme, de prime abord, il me semble que ce jeune homme n’est pas un assassin tr`es habile puisqu’il a donn'e lui-m^eme son nom au sergent de ville, la nuit du crime.
Il y avait dans cette phrase une sorte de bl^ame implicite `a l’adresse de M. Havard ; Juve devait s’en rendre compte car il se h^atait de reprendre, pour ne pas indisposer son chef :
— Eh bien, c’est entendu, je pars rue Richer ! Je vais m’occuper de retrouver la malle jaune et le cadavre qu’elle doit contenir. Comptez sur moi !
Puis, avec un vague sourire, Juve ajouta :
— En m^eme temps, je rassemblerai les preuves de la culpabilit'e ou de l’innocence de ce jeune homme.
7 – UNE NOUVELLE AFFAIRE GOUFF'E
Tandis que Juve sautait dans un taxi-auto, pour se rendre `a l’appel de M. Havard, Fandor plus 'econome, et surtout moins press'e, descendait `a pied au carrefour Rochechouart.
— Je vais prendre l’autobus, murmurait-il, il me conduit `a ma porte.
Fandor, tout le temps du trajet, naturellement, songeait `a la nouvelle que le t'el'ephone, quelques instants avant, avait apport'ee `a Juve.
« Un crime dans ma rue, pensait le journaliste, ca c’est rigolo ! Pour une fois, au moins, je ne serai pas oblig'e de courir aux cinq cents diables pour avoir des informations.
»Et Fandor songeait encore :
« Ca doit ^etre assur'ement dans l’un des nombreux h^otels qui entourent mon domicile ; une vengeance de femme, je gage. »
Mais, en sautant de l’autobus, Fandor changeait rapidement d’avis.
— Bigre, on dirait que c’est chez moi.
Devant la porte de la maison o`u il habitait, en effet, un groupe nombreux stationnait, des badauds se pressaient, causaient `a haute voix, 'echangeant des remarques avec un sergent de ville impassible qui s’efforcait, suivant sa propre expression, de « dissiper le rassemblement ».
Fandor fut `a la porte coch`ere en quelques pas, et joua des coudes.
— C’est donc ici que ca se passe ? demandait-il famili`erement au sergent de ville.
Au m^eme instant, le gardien de la paix l’empoignait par le bras :
— O`u allez-vous ?
— Au quatri`eme, ripostait Fandor.
Le sergent de ville le consid'era d’un air soupconneux :
— On ne passe pas, monsieur. Il y a eu un crime, on attend la police, personne ne rentre.